Algérie : les travers du système universitaire

Soraya Senouci, correspondante en Algérie
22 Octobre 2013



Les années de prestige, où les mentions « Bien » au baccalauréat étaient synonymes d'offres de bourses pour les meilleures universités francophones, anglophones et arabophones, sont bien révolues. Une chute fulgurante du niveau ? Ces derniers temps, l’image du système universitaire algérien a été plus que ternie par des affaires de pots de vin, la remise en cause des compétences des professeurs et pire encore, des cas de harcèlement sexuel.


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En Algérie, nombreux sont les étudiants qui abandonnent leurs études, aussi bien au début de leur cursus ou lorsqu’ils s’apprêtent à obtenir leurs diplômes. Il faut dire qu’avec le système universitaire algérien, certains sont souvent poussés à bout. Au niveau matériel, les moyens déployés sont mineurs, les amphithéâtres quasi vétustes, inondés en plein hiver, des carreaux brisés et des portes qui ne se ferment pas, des radiateurs dysfonctionnels, des conditions d’hygiène et une propreté des lieux qui laissent à désirer…

Tout cela peut-être surmonter, mais lorsque les heures de travail et les exigences des universités s’ajoutent à cela, il devient difficile d’apprécier sa vie d’étudiant. Chaque année, les meilleurs étudiants se voient privés des  notes qu’ils auraient méritées. Leur place pour le master demandé est attribuée à des étudiants plutôt influents auprès des administrations.

J.B,  étudiant en sciences commerciales, spécialisé dans la finance témoigne. Ce jeune étudiant de l’université de Tlemcen a obtenu sa licence en juin 2013, avec une moyenne de 12,92, englobant ses quatre années d’études. Il a décroché la 6e place de sa promo. Seul un nombre restreint d’étudiants ont la possibilité de poursuivre un master, il varie selon la filière. Pour la filière des sciences commerciales, il fallait être classé parmi les 25 premiers. J.B avait donc gagné sa place. Cependant, quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il apprit que son nom ne figurait pas sur la liste des admis !

« Des personnes ayant obtenu leurs licences en 2004 et 2005 étaient présentes dans la liste. Ils avaient, pour la plupart, déjà trouvé un travail. Ce qui m’attriste le plus, c’est que j’ai pourtant essayé de connaître mon classement parmi tous ceux qui ont obtenu leur licence depuis 2004, pour savoir si j’avais une chance, mais personne n’a voulu donner suite à ma requête ».

Dans une autre spécialité de la même université, une grande partie des sélectionnés sont des personnes de plus de 30 ans, on y retrouve même un homme né en 1964, privant peut-être la nouvelle génération d'une poursuite d’études complémentaires. Ce ne sont pas des cas isolés, les administrations ainsi que leurs responsables restent inertes face aux protestations des étudiants sur l’ensemble du territoire concernant l’attribution de ces places.

Côté professeurs, rares sont ceux qui lisent intégralement les copies d’examens, et donnent une note objective. Les recours sont refusés, sans même que l’on prenne la peine de consulter le motif de la contestation. Les erreurs de calcul ne sont même pas corrigées. Quant aux étudiantes, elles ont à subir une pression supplémentaire. La maladresse des professeurs, des mains parfois baladeuses, des mots plus que déplacés. Elles endurent un harcèlement constant, leur discrétion n’y change en rien. Les plaintes sont souvent suivies de représailles de la part des collègues de la personne visée, ou de réprimandes à l’encontre de l’entourage de la victime, ce qui pousse la plupart du temps les étudiantes à subir en silence.

En fac de droit à Alger, durant l’année universitaire 2012-2013, un employé de l’administration des premières années chargé de remplir les relevés de notes, proposait aux  étudiants de « gonfler leurs notes » pour atteindre une moyenne de 10,00  et ainsi éviter le rattrapage, en contrepartie d’une somme fixée à 30 000 dinars algériens, soit environ 250 euros.
Une proposition alléchante, qui a profité à plus d’un. Entre autres, certains examens étaient surveillés par des étudiants, quand les professeurs désignés pour cette tâche étaient absents sans prévenir ni donner de raisons. Les étudiants pouvaient ainsi tricher sans aucune crainte. Certains de ces faits furent rapportés à la presse locale, le recteur et le vice-recteur de l’Université d’Alger ont toujours refusé de répondre aux questions des journalistes malgré leur insistance...

De nombreux cas similaires surgissent d’année en année. Malheureusement, face à l’inactivité des  autorités et du  ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, commencent à faire partie intégrante de la vie quotidienne des étudiants algériens.

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