Brésil : la jeunesse se lève pour défendre son éducation

Alice Yanni
16 Juin 2016



De nombreux mouvements sociaux prennent peu à peu forme au Brésil, en pleine période d'entre-deux et d'incertitude politique. A São Paulo, en parallèle des manifestations contre le gouvernement de Temer, les jeunes des universités et des écoles publiques s'agitent, s'organisent et lèvent la voix. Leur combat : le droit à leur propre éducation.


En avril 2015, les enseignants de l'Etat de São Paulo se déclarent en grève contre le gouverneur de l'Etat de São Paulo Geraldo Alckmim et son projet de couper des financements pour les écoles publiques. En cause : les conditions de travail des professeurs qui se dégradent de jour en jour, particulièrement dans les écoles publiques périphériques. Fermeture de cursus, suppressions de postes, surpeuplement des classes, établissements dégradées... La liste des revendications des grévistes est longue et rassemble de plus en plus de travailleurs dans cette nouvelle lutte. Le syndicat des professeurs de l'Etat paulista, l’APEOESP, a annoncé le mois dernier que 75% des enseignants de la région seraient en grève.

Petit à petit, étudiants et fonctionnaires rejoignent le mouvement. Dans ce contexte de revendication générale plusieurs écoles publiques périphériques commencent à être occupées par ses élèves. Constatant que leur conditions d'étude actuelles ne leur permettront pas de finir leur année scolaire, des étudiants s'organisent pour continuer l'enseignement dans leurs écoles. La liste des occupations grandit en quelques semaines seulement. Les élèves dorment dans leurs écoles et refusent l'entrée de la police. Une véritable auto-gestion se met en place : commission cuisine, commission enseignement, commission sécurité, commission communication etc...

Un contexte d'effervescence revendicatrices

Alexandre de Moraes, secrétaire de défense publique de l'Etat de São Paulo, lance en ce début d'année 2016 des opérations policières pour désoccuper les écoles. L'occupation du centre d'éducation Paulo Souza fut violemment arrêtée par la police et l'armée le 6 mai dernier. L'opération fit du bruit dans les médias, laissant les paulistas choqués par une telle violence envers des jeunes mineurs. Les élèves dénonçaient les restrictions financières, leur laissant comme seul repas de midi un paquet de biscuits.

Ces violences ont contribué à affaiblir les mouvements pendant les vacances d'été (janvier-février). Depuis la destitution de la Présidente Dilma Roussef et la mise en place du gouvernement provisoire de Michel Temer, une atmosphère de lutte repose sur São Paulo. L'Avenue Paulista devient un véritable lieu de revendication "anti-Temer", dénonçant un coup d'Etat et revendiquant les droits à l'éducation, l'accès à la culture, ainsi que les droits des femmes.

Une jeunesse unie décidée à faire changer les choses

Très vite, les mouvements de contestation se réorganisent dans les écoles, s'opposant toujours aux reformes du gouverneur Alckmim. On compte aujourd'hui un nombre important d'occupations d'écoles techniques et de lycées publiques. Parmi ces écoles, l'Université Publique de São Paulo (USP) : les fonctionnaires avaient d'abord lancé le mouvement le 15 mai 2015, rejoints ensuite par les étudiants et les professeurs.

En tout, ce sont cinq départements actuellement occupés par des étudiants. Ils dénoncent principalement la coupure des bourses académiques, la fermeture des crèches pour les étudiants-parents et la tertiairisation qui empêche un bon nombre de fonctionnaires de la faculté de se syndicaliser. Leur principale revendication demeure la mise en place d'un quota social-ethnique, permettant l'ouverture de la faculté publique aux étudiants des périphéries, et principalement aux étudiants noirs, victimes bien souvent de discrimination.

Les élèves dénoncent une monopolisation de l'université publique par les élites et l'abandon des écoles périphériques par la préfecture de São Paulo qui entraînerait une marginalisation des jeunes et bloquerait leur perspective de rentrer à l'USP. Les concours d'entrée étant d'un niveau élevé, et les classes préparatoires étant onéreuses, l'éducation reçue en secondaire ne leur permet pas de réussir ces épreuves.

Les étudiants de l'USP appellent à l'union entre les luttes des écoles périphériques et des étudiants.

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