Catalogne : l'indépendance se joue aussi à l'extérieur

12 Juin 2013



Le 3 juin 2013, Artur Mas, président de la Generalitat de Catalunya, se rendait à Paris pour signer de nouveaux accords avec l'UNESCO. Cet accord donne de nouvelles compétences à la Catalogne au sein de l'organisme. Mais surtout, il lui permettra d'envoyer ses propres représentants à l'UNESCO et cela en marge de la délégation espagnole.


Photo : Claudi Cervelló sur Flickr
Photo : Claudi Cervelló sur Flickr
Cet évènement pourrait paraître anodin, mais dans un contexte de forte tension entre le gouvernement central espagnol et le gouvernement catalan, il a fait beaucoup de bruit en Espagne. Madrid voit cela comme une nouvelle offensive de la part de Mas et des catalanistes ; dans un contexte où le gouvernement catalan ne cesse de réclamer un référendum sur l'indépendance de la région et où celui-ci a récemment lancé plusieurs actions permettant de préparer l'éventuelle mise en place d'un État souverain indépendant.

Artur Mas, quant à lui, minimise et justifie son action extérieure : selon lui, ce nouvel accord avec l'UNESCO n'a rien à voir avec le processus indépendantiste. Il en rajoute même en affirmant que cet accord n'est pas suffisant et que si le gouvernement central avait donné un statut plus important à la Catalogne, comme le Canada a pu le faire avec le Québec, l'UNESCO aurait accepté une délégation permanente de la Catalogne.


En marge de cette signature à l'UNESCO, Artur Mas avait également prévu de rencontrer dans l'après-midi le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian. Cette réunion a finalement été annulée par le ministre pour des « problèmes d'emploi du temps ». Du côté des Catalans certains ont dénoncé des pressions de la part de Madrid auprès du ministère français. Ce qui est certain c'est que cette rencontre, sans passer par les canaux officiels espagnols, n'a pas plu à Madrid. Le ministre des affaires étrangères espagnol a déclaré que «  jouer seul ne donne que rarement des résultats »à l'attention du président catalan. Selon lui, le président catalan aurait mieux fait d'utiliser les canaux officiels prévus à cet effet et cela lui aurait également évité cette annulation de dernière minute. Le ton est donné.

Madrid cherche à reprendre la main

Ce n'est pas la première fois que Madrid et Barcelone s'affrontent sur ce sujet. La politique extérieure est en théorie une compétence réservée à l'État espagnol et non à ses communautés autonomes. Mais dans la pratique, les relations directes, principalement économiques et culturelles, entre des régions et d'autres pays ne sont pas rares : les nécessités économiques et le contexte européen poussent les régions à tisser de nouvelles relations avec l'extérieur. Le réseau de bureaux représentant les communautés autonomes espagnoles à l'étranger est d'ailleurs très important ; il est aussi sujet à débat en Espagne dans la mesure ou le nouveau gouvernement de droite y voit un moyen de court-circuiter les canaux nationaux officiels. C'est certainement cette ambiguïté de la politique extérieure régionale entre nécessité économique et usage à des fins politiques qui alimente la polémique.

En février 2012, le gouvernement espagnol a présenté une loi, toujours en discussion, qui permettrait de limiter la politique extérieure des communautés autonomes. Celles-ci ne pourront entretenir des relations avec d'autres pays qu'après en avoir informé Madrid et qu'il y ait été autorisé. Face à cela, en avril le gouvernement catalan approuvait un projet de développement d'un réseau de bureaux de représentations de la Catalogne à l'étranger. Plusieurs fois, Artur Mas a également voyagé dans le but de présenter son projet de référendum sur l'autodétermination de la Catalogne devant les institutions européennes. Le bras de fer sur l'indépendance se joue aussi à l'étranger et il ne fait que commencer.

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