Chine : où en est le rêve de l'empire du Milieu ?

Traduit par Marion Enert
29 Janvier 2014



Il y a eu le rêve américain, il y a aujourd'hui le rêve chinois. La nation de Xi Jinping cherche un nouveau souffle et souhaite plus que tout conserver sa place de leader mondial face aux Etats-Unis. Analyse.


© AFP
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Depuis la réconciliation entre la République populaire de Chine (RPC) et les États-Unis suite à la visite de Nixon en 1972, les relations sino-américaines n'ont cessé de prendre de l'importance. Les deux puissances sont profondément entremêlées en raison de leurs nombreux échanges et de leurs dettes financières mutuelles. Toutefois, aujourd'hui, le « rêve chinois » nationaliste, et les actions américaines menées pour maintenir leur pouvoir de protection en Asie de l'Est sont deux raisons de s'inquiéter. Outre cette lutte des pouvoirs pour l'hégémonie du continent asiatique et l'apparent conflit idéologique, les États-Unis et la Chine semblent cependant être unis par certaines similarités saisissantes.

Le 23 novembre, l'annonce d'une zone aérienne d'identification (ZAI) en mer de Chine orientale n’a fait qu’aggraver les tensions en Asie. Ainsi, tout avion entrant dans cette zone doit dorénavant et à l'avance prévenir les autorités chinoises de sa présence et suivre les instructions de leurs contrôleurs aériens. Trois jours après cette annonce, le président Obama y a envoyé deux B-52 sans en avertir la Chine, preuve de son soutien au Japon.

La déclaration de la ZAI est un pas de plus vers un conflit plus brûlant que jamais en Asie dont les principaux protagonistes sont, pour l'instant, le Japon et la Chine. Bien que leurs relations n'aient jamais été bonnes, elles se sont aggravées ces derniers temps. Les raisons ? Des politiques étrangères chinoises plus agressives, notamment concernant les îles Diaoyu/Senkaku d’un côté. De l’autre, les visites consécutives et controversées de Shinzo Abe au sanctuaire Yasukuni ont été désapprouvées en Chine.

« La pauvreté n'est pas le socialisme, la richesse est la gloire », Deng Xiaoping

 

Le rôle des États-Unis est ici complexe. Ils se placent clairement aux côtés du Japon, ce qui pourrait déboucher sur un conflit, comme cela a été le cas de Taïwan et des Philippines. Notons que la Chine possède environ mille milliards de dollars de la dette nationale américaine et est également le premier partenaire commercial mondial depuis 2012. Aucun pays n'aurait de réel intérêt à entrer en conflit. Même la Chine ne tirerait aucun bénéfice d'une guerre dans cette région. Quand bien même ses intérêts économiques, il semble que la légitimité du gouvernement de Xi Jinping repose principalement sur sa capacité à conserver une croissance économique constante et à satisfaire son peuple. Dans ce contexte, le « rêve chinois » de Xi Jinping peut être considéré comme une réponse aux grandes espérances de la nation chinoise. Quelle forme aurait ce rêve chinois ? Quels seraient ces effets sur l’empire du matin calme ?

The Economist décrit ce « rêve chinois » comme un mélange de « réforme économique et [de] nationalisme véhément », contrairement à CNN, qui le voit comme le rêve du citoyen lambda qui souhaiterait recevoir de meilleures prestations sociales. Selon Li Chunling, spécialiste à l'Académie chinoise des sciences sociales, ce « rêve chinois » est celui de la classe moyenne, qui se bat pour pouvoir vivre comme ses pairs américains. En tant que tel, la classe moyenne pourrait connaître une évolution de son mode de vie grâce à ce « rêve chinois ». On est cependant loin du millionnaire américain.

Chacun des point de vue ci-dessus a sa part de vérité. Mais la Chine rêve aujourd’hui de maintenir sa position de leader mondial. Lorsque le « Lapin de Jade » s'est posé sur la Lune [le 14 décembre dernier, ndlr], Xi Jinping a déclaré : « Le rêve d'aller dans l'espace est une part importante du rêve qu'a toute grande nation ». Il semble que pour la Chine, une grande nation ne se résume pas seulement à être une puissance scientifique et technologique, mais implique également une certaine puissance militaire.

Deux rêves, deux mondes séparés ?

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Il existe certains parallèles entre la réforme du système de protection sociale américain, l’Obamacare, et l'évolution du socialisme en Chine qui, aux yeux de beaucoup, confirme que la Chine a tout d'un pays capitaliste, sauf le nom.

Depuis les réformes économiques de Deng Xiaoping, la Chine n'a cessé de s'écarter du système socialiste pour développer une économie mixte, qui, particulièrement dans cette zone de l'Asie de l'Est, se base sur des principes capitalistes. La réforme ayant mis du temps à atteindre les régions ouest et centre, elle a certainement contribué à l'importance, toujours réelle, de l'État dans l'économie du pays. Cela est observable avec la politique controversée du Xinjiang (supposée stimuler l'économie) ou l'emprise continuelle qu'a la Chine sur les taux d'échanges. Malgré cette réforme économique, le pays ne semble pas prêt à aller jusqu'à une réforme politique. C'est ce qui apparaît dans cette déclaration, non-publiée, faite par Xi Jinping lors de sa visite dans le sud de la Chine en décembre : « Le rêve chinois est un idéal. Les communistes ont un idéal plus élevé, et cet idéal, c'est le communisme »

La Chine et les États-Unis sont les deux plus gros consommateurs de véhicules et de pétrole. Bien qu'ils aient chacun signé le Protocole de Kyoto lors de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), adopté en 1997 et entré en vigueur en 2005, ces deux pays restent les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre. Aujourd'hui encore, les USA n'ont toujours pas ratifié le Protocole. Ils ont déclaré que la « participation significative » des pays en voie de développement, qui ne sont pour l'instant pas forcés de réduire leur émission de gaz à effet de serre à moins qu'ils ne se portent volontaires, serait la clé de sa validation au Sénat. De son côté, la Chine, qui fait partie des « pays en voie de développement », a essayé ces dernières années de juguler son émission de CO2 qui était estimée à 36 milliards de tonnes en 2013.Elle a, par exemple, commencé un projet pilote concernant l'échange de droits d'émission de gaz à effet de serre, concernant les villes de Pékin, Shanghai, Chongqing, Tianjin et Shenzhen ainsi que les régions du Guangdong et de Hubei.

Dans l'ensemble, la « révolution verte » a encore un long chemin à faire, autant en Chine qu'aux États-Unis. En résumé, la Chine et les États-Unis sont souvent montrés comme les principaux rivaux en Asie de l'Est. Si cette rivalité est significative par leurs politiques étrangères respectives, il ne faut pas oublier leurs différents points de convergence au niveau de leurs systèmes et ainsi, leurs similarités.

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