Danemark : le minaret qui lie design et islam

10 Décembre 2013



Depuis cet été, un minaret de 22 mètres est en construction à Copenhague. L'initiative représente un symbole fort dans le pays des caricatures de Mahomet.


Crédits photo -- Alexander Lassithiotakis
Crédits photo -- Alexander Lassithiotakis
20 ans, c'est le nombre d'années qu'il aura fallu pour entamer l'édification d'une grande mosquée à Copenhague. La municipalité avait pourtant accepté le projet dès 1990, mais le manque de financement avait empêché sa construction jusqu'à présent. Pendant ce temps là, la communauté musulmane a doublé pour atteindre 225 000 personnes, soit 4% de la population danoise.

Un symbole fort dans un contexte géopolitique particulier

Pour Sung-Shim Courier, expatriée belge vivant à Copenhague depuis deux ans, s'il y a une histoire autour de ce minaret c'est « avant tout parce que cela arrive au pays des caricatures de Mahomet. » En 2005, le journal danois Jyllands-Posten avait en effet suscité de vives polémiques en publiant 12 caricatures visant l'islam et Mahomet. L'affaire avait eu une résonance internationale tellement forte que l'image du Danemark en avait été ternie et ses relations avec la communauté musulmane détériorée.

La construction d'une mosquée est donc perçue comme un symbole fort, qui irait même jusqu'à représenter « l'acceptation officielle de la communauté musulmane », selon Hami el Mousti, ancien conseiller municipal de Copenhague.

Un savant mélange entre islam et design

Tout a été fait pour adapter ce projet à la culture danoise. Tout d'abord, le choix du lieu de construction est loin d'être anodin. Le quartier de Nørrebro qui abritera la mosquée est déjà réputé pour la mixité des cultures qui s'y mêlent. Bien qu'étant la plus grande mosquée scandinave, le bâtiment a également des dimensions tout à fait raisonnables. « Dès que je me suis rendue sur place, j'ai rapidement constaté que la mosquée n'est rien d'autre que symbolique », confie Sung-Shim Courier. L'architecture suit les règles du minimalisme et du design danois, avec des murs blancs épurés. S'il fait 22 mètres, le minaret se fond également très bien dans le décor et n'a pas de raisons d'effrayer la population danoise.

En dehors de l'édification de la mosquée, il est bon de rappeler que le projet de construction est bien plus grand. En plus de l'espace culturel prévu sur 2 000 mètres carrés, le lieu d'une superficie totale de 6 800 mètres carrés comportera un amphithéâtre, une salle de conférence, une bibliothèque, une école, un restaurant, un centre communautaire pour les personnes âgées, une aire de jeux pour les enfants et un centre culturel. En tout, cet endroit répondra aux besoins de 80 000 musulmans et pourra accueillir dans la salle de prière jusqu'à 3 000 personnes.

Des avis relativement positifs

Au final, la construction semble plutôt bien acceptée par les habitants de Copenhague. La plupart d'entre eux sont convaincus de son rôle esthétique et culturel. « Je ne suis pas très religieux, mais je trouve important que les immigrés aient des structures adaptées pour perpétuer et transmettre leur culture proprement à leurs enfants », argumente Baptiste Boryczka, qui s'est installé dans la capitale il y a dix ans. Selon lui, c'est grâce à la compréhension de la population locale et à une bonne balance entre la culture d'origine et l'intégration que l'on peut créer une immigration constructive pour la société. Sung-Shim Courier rappelle également que la mosquée ne se trouve pas dans un quartier résidentiel. « Les gens du voisinage, qui sont essentiellement des garagistes, semblent plutôt contents d'avoir de nouveaux clients », assure t-elle.

En revanche, des protestations s'élèvent toujours du côté du parti du peuple danois qui dispose de 22 sièges au Parlement. Ce parti d'extrême droite n'a pas hésité à exprimer son mécontentement face au projet.

D'autres critiques se sont également faites entendre sur le financement de la mosquée. L'initiative a couté 150 millions de couronnes danoises (soit 20 millions d'euros) et a été financé par la famille royale du Qatar. Il est vrai que ce don peut soulever quelques peurs et questionnements. De là, à penser que la mosquée se transformera en un haut lieu de l'islam radical au Danemark, il y a tout de même un pas. Les autorités danoises l'ont d'ailleurs bien rappelé: conformément à la législation du pays, il n'y aura pas d'appel à la prière venant du minaret. Il ne reste plus qu'à espérer que ce projet soit aussi positif qu'il n'y paraît.

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Lauriane Clément
Ancienne correspondante à Copenhague, étudiante à Sciences Po Lyon, j'aime découvrir de nouvelles... En savoir plus sur cet auteur