Dix ans de Frontex au Sahel (1/3)

13 Février 2015



Aujourd'hui, dimanche 26 octobre, l’agence Frontex fête ses dix ans d'existence. Anniversaire terne en perspective : sa politique européenne de gestion des flux migratoires n’a pas su allier humanité et contrôle des immigrés.


Crédit DR
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Appareil sécuritaire à l’efficacité aussi douteuse que son éthique, décrié au rythme des victimes échouées sur des îlots désormais tristement célèbres, elle a fait de l’immigration une menace à circonscrire, un vecteur de la terreur et des trafics. Celle-ci, désormais criminalisée, a pourtant su composer avec ces obstacles. 

L’énergie déployée afin de « forcer le passage » vers le Nord a ainsi abouti à une véritable revitalisation de l’aire sahélo-saharienne. A l’inverse d’être une source de déstabilisation, elle incarne un nouveau dynamisme pour la région. En effet elle tend à réhabiliter le rôle historique du Maghreb, celui d’être une interface entre Sahel et Europe, et non une barrière. 

Sortons du discours sécuritaire

Des images noires, de la tristesse et de la banalité, voilà ce à quoi tend l’immigration. Le migrant, humain déchu de toute appartenance n’est plus qu’une statistique gênante, un mirage inquiétant que l’on tente de « gérer », de « canaliser » et « d’externaliser ». Dans une installation d’épouvante, Adel Abdessemed dévoile ainsi l’œuvre de l’Europe : le migrant est un déchet, une pollution marine qui doit disparaître, que l’on traite et qui coûte cher.

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C’est pourquoi, au fil des années tout un système sécuritaire s'est mis en place : policier, législatif et diplomatique, au mépris du droit d’asile ou tout simplement des droits de l’Homme. Certains parlent déjà d’une militarisation de l’espace méditerranéen. 

Bien qu’indigné, ce dossier ne prétendra pas à la noblesse de l’accusation. Il n’en a pas l’autorité ni l’originalité mais veut proposer une vision alternative, brouiller le manichéisme affligeant qui structure ce débat et rappeler à tous que finalement, suivant Jean Bodin,  « il n’y a de richesses que d’hommes ». 

C’est qu’en effet, malgré des politiques toujours plus restrictives et des contrôles toujours plus sévères, l’immigration ne se tarit pas. Qui pense pouvoir réprimer le rêve ? Confrontée aux frontières administratives et à celles identitaires propres à chaque société, l’immigration est ainsi un phénomène extrêmement flexible, réversible et volatile, dont la dynamique est celle du redéploiement et de la recomposition constante. 

Considérée uniquement à travers le prisme de nos peurs sécuritaires, il apparaît que notre point de vue sur l’immigration est européo-centré. Nous savons ce que représente le migrant pour le Nord, mais qu’en est-il pour le Sud ? L’externalisation de nos contrôles n’a t’elle aucune conséquence ? Est-elle un fardeau imposé aux pays de transit ou bien une opportunité ? Sommes nous enfin la source d’une marchandisation croissante de l’humain voire dramatiquement la légitimation de ces trafics et maisons de tortures ?

Nous parlons de terrorisme, de pauvreté et de déstabilisation mais toujours dans l’optique d’une menace pour nos intérêts. Inversons dès lors la focale et découvrons le point de vue de ce tiers-monde qui ne dit plus son nom et dont au final nous ignorons encore tout. 

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Vincent Tourret
Rédacteur pour Le Journal International et boucanier à ses heures perdues. En savoir plus sur cet auteur