Être étudiant en Turquie (1/2)

21 Janvier 2016



A la suite de l'attentat perpétré par un fanatique de Daech le 12 janvier 2016 à Istanbul, Le Journal International a voulu en savoir plus sur la Turquie, et en particulier sur son système éducatif. Pour ce faire, nous avons choisi d’interviewer Çağrı Bozkurt, étudiant turc en relations internationales ayant effectué un Erasmus en République Tchèque l’année dernière. Rencontre.


Crédit Dee Nee
Crédit Dee Nee
Le Journal International : Bonjour Çağrı Bozkurt, tu es actuellement étudiant à l’université technique de Trabzon en Turquie. Peux-tu nous préciser ce que tu étudies là-bas ?

Çağrı Bozkurt : J’étudie actuellement les relations internationales et je suis en troisième année de licence. L’année prochaine, j’aurai mon diplôme. J’ai donc encore un an à faire avant de finir mes études. J’aimerais travailler dans l’un des ministères du département en Turquie, même s’il est très difficile de trouver un travail dans ces ministères.

JI : Tu as fait un échange Erasmus l’année dernière en Europe, à Hradec Králové (République Tchèque), pendant un an. Comment comparerais-tu ton expérience en Europe avec celle de Turquie ? Quelles étaient les plus grandes différences pour toi ?

ÇB : Tout d’abord, je ne peux pas donner une réponse absolue à cette question. Car comme vous l’avez dit, j’étais étudiant Erasmus et de ce fait, les professeurs étaient plus tolérants selon ce que j’ai pu vivre. Nos relations étaient plus amicales, nous étions parfois même des amis. Il n’y avait pas vraiment de « mur » entre les étudiants et les professeurs. Cela était souvent bénéfique, ça nous encourageait à être plus attentifs en cours. Au contraire, dans mon université en Turquie, il y a des murs entre les professeurs et les étudiants. Il y a une hiérarchie dans la relation prof-étudiant de telle sorte qu’on ne se sent pas forcément à l’aise pour communiquer.

Chaque pays a sa propre culture. Je suis Turc et j’aime la culture de mon pays. En Turquie, les gens sont plus hospitaliers, on sent que l’on appartient à une grande famille avec tous les gens qui nous entourent. En Europe, quand tu rencontres des gens pour la première fois, ils ont davantage de préjugés. Par exemple, si ta peau est un petit peu plus foncée et que tu as de la barbe, la plupart vont directement penser que tu es Arabe, musulman et que tu es peut-être un terroriste. Je me suis efforcé de leur expliquer que je ne suis pas Arabe, mais Turc et que tous les musulmans ne sont pas des terroristes. J’étais surpris d’entendre que les gens pensent que nous utilisons l’alphabet arabe, ou du moins un alphabet similaire. Quoi qu’il en soit, lorsqu’on fait connaissance plus en profondeur, on peut voir à quel point ces gens peuvent être amicaux, sympas et respectueux des opinions et des identités.

JI : Quelle est la popularité du programme Erasmus en Turquie ?

ÇB : Erasmus est assez populaire en Turquie. C’est une belle opportunité pour les étudiants de découvrir de nouvelles personnes et de nouvelles cultures tout en améliorant leurs connaissances dans une langue étrangère. La plupart des familles turques soutiennent leurs enfants pour qu’ils s’inscrivent au programme Erasmus. Elles les encouragent, parce qu'elles voient Erasmus comme l'opportunité d'améliorer sa maîtrise des langues étrangères.

JI : Dans la première moitié du XXème siècle, sous l’impulsion de Kemal Atatürk, la Turquie laïcise son éducation et l’Islam ne devient qu’un enseignement parmi d’autres, perdant alors son statut de référent éducationnel principal. Quelle est la première impression que les jeunes élèves turcs ont de l’Islam ? Étudiez-vous son histoire, ses pratiques, ses différentes branches – telles que chiites, sunnites – ou encore ses formes contemporaines ?

ÇB : Les jeunes élèves turcs voient l’islam comme leur propre religion. Leur approche est principalement faite au sein de la famille. La plupart des jeunes étudiants ont une approche modérée de l’islam. Aussi, nous avons des cours sur la religion à l’école primaire, tels que « connaissance et culture de la religion et de l’éthique ». Ce programme de cours est arrangé par le gouvernement. Ainsi, c’est l’État qui gère cela. Avec ça, on peut canaliser les jeunes gens, les diriger vers le côté modéré de l’islam et les prémunir de la radicalisation. Pour moi, l’existence des lycées et universités Imam-Hatip (ndr : écoles religieuses) est quelque chose de positif pour un pays qui est à 98 % musulman. Nous étudions l’histoire de l’Islam, ses pratiques, ses différents courants (chiites, sunnites, alaouites…) et nous apprenons aussi des choses générales sur les autres religions.

JI : Bien que la Turquie soit composée à 98 % de musulmans, vous étudiez plus ou moins les autres religions. Lesquelles en particulier ?

ÇB : Nous n’étudions pas les autres religions avec autant de précision que nous le faisons pour l’islam, mais nous les étudions pour avoir une connaissance générale. Nous nous intéressons principalement au christianisme et au judaïsme. On parle de leurs livres saints, de leurs prophètes… Des informations générales, somme toute.

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