Être journaliste en Haïti : un sacerdoce

Samuel Chalom, correspondant à Port au Prince
1 Septembre 2014



Dans un pays miné par la pauvreté et les dévastes du séisme du 12 janvier 2010, l’activité médiatique n’a jamais cessé d’exister. Pourtant, pour une majorité de journalistes, la réalité, c’est la précarité. Reportage.


Crédit Samuel Chalom
Crédit Samuel Chalom
C’est sur une terrasse, dans les hauteurs de Port-au-Prince, que je rencontre Osman Jérôme. La vingtaine, le verbe assuré, Osman a déjà une belle carrière de journaliste derrière lui. « Après avoir été longtemps animateur à la radio, je suis parti cette année au Mali grâce au Mondoblog, une plateforme de blogueurs coordonnée par RFI » confie Osman. Mais, en Haïti, être journaliste ne suffit pas pour pouvoir vivre de son travail. « A côté de mon travail de journaliste, je donne aussi des cours dans des écoles du pays » continue Osman. 

Comme lui, beaucoup de jeunes journalistes luttent financièrement pour pratiquer leur métier dans le pays. « Je suis un journaliste à la rue. Vous ne voulez pas m’aider à obtenir un visa pour la France ? » quémande l’un d’entre eux, rencontré dans le quartier des universités à Port au Prince. Et qu’en est-il de la formation des professionnels des médias ? « Nous n’avons pas de réelles écoles de journalisme. Celles qui existent n’ont aucune valeur » précise Joe-Antoine Jean-Baptiste, journaliste à Radio Vision 2000.

« Les gens n’ont pas les moyens d’acheter notre journal »

Si Haïti bénéficie d’une profusion de chaînes de télévision et de radio, il n’en ai pas de même pour la presse écrite. « Avant, il y avait Le Matin mais, actuellement, le site est en maintenance. J’ai récemment rencontré le propriétaire du journal : il m’a dit qu’il était en vente » raconte Frantz Duval, rédacteur en chef du Nouvelliste, seul quotidien national du pays. Depuis son confortable bureau, au deuxième étage du siège du journal, situé à proximité du palais présidentiel, en plein cœur de Port-au-Prince, il constate avec amertume la crise de la presse que traverse Haïti.

«Les gens n’ont pas les moyens d’acheter notre journal. On survit grâce à nos 20 000 abonnés, principalement des Haïtiens de la diaspora» continue-t-il. Le problème, c’est que Le Nouvelliste a des coûts de production proches de ceux des rédactions occidentales. « Ici, on emploie une équipe de 200 personnes. On travaille comme Le Monde, mais avec des capacités bien moindres ! » se désole Frantz Duval.

Le numérique, un autre monde

Alors que les journalistes du monde entier s’écharpent sur la fin, ou non, programmée du journal papier, Haïti est loin d’en être là. « Le problème, ici, c’est qu’une majorité de la population n’a pas accès à Internet. Comment voulez-vous alors qu’un journal comme le nôtre puisse développer une vraie stratégie web ? Nous avons bien une présence sur les réseaux comme Facebook et Twitter mais ce n’est pas le centre de notre travail » tranche encore Frantz Duval. Mais ceci n’empêche pas de petites entreprises médiatiques de trouver une place sur le web,  encore une fois principalement plébiscitées par les Haïtiens de la diaspora. La force d’Haïti, c’est ça : la débrouille, toujours la débrouille.

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