Festival du Film Court de Villeurbanne, honneur grec

Sofia Nitti
29 Novembre 2013



Le Festival du Film Court de Villeurbanne, qui s'est déroulé du 15 au 24 novembre, a célébré un formidable appel à la culture. Deux soirées ont été dédiées aux films courts de réalisateurs grecs. Paola Starakis, agent de distribution de films courts en Grèce, raconte son pays à travers un joyeux mélange de courts métrages.


Image extraite de Now What réalisé par Georgis Grigorakis | Crédits photo : georgisgrigorakis.com
Image extraite de Now What réalisé par Georgis Grigorakis | Crédits photo : georgisgrigorakis.com
En Grèce, même encore durement touchés par la crise, les artistes continuent de créer et de partager. La culture survit malgré tout. Il arrive souvent que l'art décrive la situation interne d'un pays : c'est par exemple le cas des avant-gardes pendant les turbulences de la première moitié du 20e siècle. Les avant-gardes entreprennent des actions nouvelles ou expérimentales. Ils se veulent à l'opposé exact de l'académisme. C'est le cas, aujourd'hui, de nombreux artistes grecs.

Cette semaine s'est déroulé le Festival du Film Court de Villeurbanne, la place d'honneur était réservée aux films courts réalisés par des cinéastes grecs. Une sélection de sept courts métrages était proposée aux spectateurs. Chacun jouant sur un mélange subtil entre réalité économique, sociale et culturelle d'un pays en crise. Mais toujours dynamiques, en dépit d'une politique culturelle en plein démantèlement, première victime des coupes budgétaires.

Pendant plus de dix ans, Paola Starakis a été responsable du court métrage au Centre du film grec, aujourd'hui, elle est distributrice. Elle est celle qui a fait la sélection des films pour cette édition du festival et qui a composé le programme des deux soirées dédiées à la Grèce.


Le Journal International : Sur quels critères avez-vous choisi les courts métrages ?

Paola Starakis : Les courts métrages ont tous été tournés entre 2009 et 2012, exception faite pour le premier, Le colporteur de Panayiotis Fafoutis, tourné en 2001. Ce ne sont pas les films les plus récents, car ces derniers ne sont malheureusement pas encore traduits et sous-titrés en français. Les films produits en 2013 sont encore en compétition. Naturellement, je ne pouvais pas les inclure dans la sélection. La sélection de départ ne devait inclure que des films de 2009-2012.

Être une distributrice indépendante (Paola Starakis a travaillé longtemps au Ministère de la Culture, ndlr) m'a laissé une grande liberté dans le choix, en me permettant de choisir des courts que j'avais visionnés pendant les dernières années, et que j'avais particulièrement aimé. C'est pour cette raison qu'ils peuvent ressembler, au premier regard, à une sélection variée. En réalité, ils décrivent très bien la situation actuelle de la Grèce. Très vite, j'ai voulu inclure Le colporteur (2001), afin de proposer aux spectateurs la progression et les mutations du film court au fil des années, entre le début des années 2000 et les années 2010. Le court métrage de 2001 est très léger, c'est le récit d'une petite histoire banale et agréable. Avant que la réalité ne change en Grèce... Les courts métrages tournés entre 2009 et 2012 sont plus dramatiques, voire tragiques, pour certains. Il ne faut pas oublier que nous [les Grecs] avons inventé la tragédie ! La comédie est un thème de moins en moins présent.


JI : Comment cette « nouvelle réalité » se matérialise dans les courts-métrages ?

PS : Le film court est toujours très représentatif de la situation d'un pays. C'est le format le plus réactif et le plus connecté à l'actualité la plus immédiate. En Grèce, le court métrage est devenu une évidence. Georgis Grigorakis, réalisateur de Et moi pour ma pomme et de 45 dégrées, est le reflet de ce phénomène. Abandonnant les productions de fiction et de fantasy au profit de la dureté de la réalité. Tourné en 2012, son dernier court-métrage, 45 Dégrées, présenté au Festival de Clermont-Ferrand cette année, traite des thématiques du chômage et de la montée en puissance du parti néonazi Aube Doré. On est au centre de l'actualité grecque la plus récente. Alors que Now What tourné quelques années avant, raconte l'histoire d'un jeune couple, dans un scénario totalement hors du temps. Comme une fable hors de la réalité.


JI : C'était votre but lors que vous avez fait la sélection ?

PS : Non, ou mieux, ce n'était pas nécessaire : la production de ces dernières années se nourrit de la situation du pays. Ceci est évident dans Ca finira par s'arranger  de Thanos Psichogios, ou dans Casus belli  de Yorgos Zois, qui mettent en scène des situations de chômage, de faim et de précarité. Les thèmes sociaux sont toujours plus ou moins présents dans tous les courts maintenant. Un chat tombé du ciel de Dimitra Nikolopoulou aborde la thématique de l'exploitation dans le milieu du travail, même s'il n'est pas central dans l'histoire. Par contre, Casus Belli est une vraie métaphore de la crise en Grèce : les personnes se succèdent dans des situations très différentes ; la scène commence dans un supermarché, pour poursuivre dans une boite, une église, une taverne, une exposition d'art et un guichet de banque. Les individus, de genre, de classe sociale, et d'aspect aussi différent que possible, se suivent dans une chaîne humaine qui ne sera brisée qu'à la fin, lorsque la faim fera réagir le dernier.


JI : Donc, selon vous, quel futur pour la Grèce ?

PS : La Grèce est un pays qui a tout investi sur le tourisme. Il y a quelques ressources naturelles présentes dans les montagnes du Nord, mais ce n’est vraiment pas grand-chose (surtout suite au scandale concernant l'exploitation des mines). L'Église, qui détient d'importantes richesses immobilières et territoriales, est exemptée du paiement des impôts, un cas analogue à celui italien. La protestation populaire à ce sujet est décidément trop limitée pour que la situation change. Mais je suis peut être trop pessimiste : Georgis Grigorakis, le réalisateur, a décidé de retourner vivre en Grèce après plusieurs années passées au Royaume-Uni. Il arrive à vivre de son travail d'artiste, malgré la crise.


JI : Quels sont vos prochains projets ?

PS : Comme chaque année, je vais participer au Festival International du Court Métrage à Clermont-Ferrand, qui se tiendra au début de 2014. Les titres des films présents seront rendus publics au début du mois de décembre.


JI : Quels sont les auteurs grecs à ne pas perdre de vue ?

PS : Je dirais Elina Psykou, présents dans le palmarès grec du Festival de Thessalonique de cette année, avec L'éternel retour d'Antonio Paraskeva.

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