L’Italie du Sud, vedette au festival du film de Turin

3 Décembre 2013



Noël approche, la capitale piémontaise est sur son 31. Turin est tout illuminée et fête le 31e anniversaire du très attendu Festival du Film. Aucune rue ni ruelle n’y échappe : la ville vit au rythme du festival. Retour sur une semaine de folie culturelle.


Photo extraite du film Club Sandwich
Photo extraite du film Club Sandwich
Alors que la ville est secouée par diverses manifestations contre l’austérité, ce festival est perçu comme une pause pour des Turinois qui ont besoin de souffler. Au 29 novembre, on dénombrait déjà près de 100 000 spectateurs, soit 30 % de plus que l’année précédente. Ce succès s’explique tout d’abord par l’attrait pour la culture, la programmation du festival, mais également par l’arrivée du nouveau président du festival, Paolo Virzi.

Le festival a été particulièrement apprécié car il a proposé des films atypiques de réalisateurs plutôt provocants en quête de réalité et réalisme. La psychologie est au cœur de tout. Par exemple, la mafia a été au centre des films italiens à travers La mafia uccide solo d’estate de Pierfrancesco Diliberto qui raconte à quel point elle s’infiltre dans la vie privée de ses protagonistes. Encore, le film Neon Goddesses de Yu Likwai, réalisateur chinois, présente la déliquescence de la jeunesse pékinoise de milieu défavorisé, prête à tout pour oublier sa difficulté passée et refaire sa vie.

Dès lors, un peu de fantaisie et de surprise ne font jamais de mal dans cette ville meurtrie par le froid et la pollution. La place centrale du Château est décorée par les affiches du festival, les cinémas sont bondés et les journalistes sont déchaînés. Bien que ce festival ne soit pas aussi « bling bling » que celui de Cannes, il brille par son originalité.

« Il Sud è niente », le coup de cœur du Journal International

Le réalisateur italien Fabio Mollo est un habitué du festival. Il Sud è niente est son premier long métrage. Le Journal International a pu lui poser quelques questions. Réponses tout en simplicité et en émotion de celui qui a remporté le Prix du meilleur court métrage avec Giganti en 2007. Originaire de la Reggio Calabria (située sur la pointe de la botte italienne) après 7 ans de travail intense de tournage et de recherche, celui-ci a voulu montrer la rage et la désillusion d’une génération qui refuse que le Sud de l’Italie soit réduit au néant. Fabio Mollo met en scène avec beaucoup de talent que le Sud est riche en opportunités et qu’il est dommage de les laisser de côté.

La morale du film est retranscrite de manière psychologique. Le réalisateur met en lumière une jeune fille de 17 ans, Grazia, originaire de Reggio Calabre, qui s’autodétruit dans une quête de personnalité. Traumatisée par la mort de son frère dont elle ignore les vraies raisons, Grazia va subir la « legge dell’omertà » (la loi du silence) de son père qui refuse d’évoquer la mort de son fils et qui va détruire leurs rapports. Petit à petit, le réalisateur réussit son pari : réveler que ce cas particulier se retrouve dans bon nombre de familles au sein de la région et dans le Sud en général. La Reggio Calabria, terrorisée par le pizzo (chantage) mafieux qui préfère la loi du silence à la prise en main des destins et fait d’elle une région reculée. Fabio Mollo met en exergue que ce choix du silence propre au Sud aura des conséquences sur la vie sociale des personnes, sur leurs vies privées, leurs émotions. Certains de ces Italiens « méridionaux » auront à l’inverse le courage de fuir et de combattre leur propre exaspération en cherchant de nouvelles opportunités dans le nord de l’Italie.

Bien qu’une connaissance poussée sur la culture italienne soit requise quant au sens du film à interpréter, le jeu des acteurs est très pertinent. L’actrice principale, Miriam Karlkvist, joue un rôle poignant et n’a pas décroché un sourire, soulignant la gravité de son personnage.

Alessia, calabraise, 28 ans témoigne : « Je suis moi-même originaire de Reggio Calabria et malheureusement, le peuple ne lutte pas contre la mafia qui est la source de tant de problème. Il est nécessaire de sensibiliser les gens, en commençant par l’école et les familles, afin qu’un jour, nous puissions dire « le Sud est tout ».

Marco, 30 ans, originaire de Reggio Calabre : « Plus le film avançait, avec ses silences, plus je l’ai trouvé soporifique. Je me sentais impuissant face à cette famille décomposée, jamais un sourire, jamais un signe d’espoir. J’ai eu l’impression qu’une partie de la scénographie avait été omise, celle de l’espoir de sortir du désastre dont a été victime la famille. J’ai eu un sentiment négatif en voyant ce film, j’aurais aimé que les gens sortent de la salle avec l’envie de se battre, sans rester passifs »

Club Sandwich triomphe

Samedi 30 novembre, le festival a touché à sa fin. Le jury était composé de Guillermo Arriaga, Stephen Amidon, Aida Begić, Francesca Marciano et Jorge Perugorria. Club Sandwich du réalisateur mexicain Fernando Eimbcke a remporté le plus beau prix, celui du meilleur film. Les Prix de la meilleure actrice et du meilleur acteur ont respectivement été attribués à Samantha Castillo pour Pelo Malo et Gabriel Arcand pour Le démantèlement. Enfin, le prix du public est décerné au film La mafia uccide solo d’estate de Pierfrancesco Diliberto.

En bref, ce festival a été riche en couleur, en émotion et en créativité !

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Nina OLLIER
Étudiante à Sciences Po Bordeaux, curieuse de tout et passionnée de politique, je pars à Turin pour... En savoir plus sur cet auteur