La Chine à la conquête des mers

Grégory Chariot
28 Juin 2013



Alors que les grandes puissances sont en récession, la Chine est en passe de devenir la première superpuissance devant les USA. Pour asseoir sa domination naissante et s'assurer son apport en énergie, Pékin s'attelle à contrôler les mers en faisant l'acquisition de nombreux ports dans le monde.


Crédit Photo -- Reuters
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L’art de la guerre, c’est de soumettre l’ennemi sans combat », disait Sun Tzu, célèbre écrivain chinois, auteur de L'art de la guerre. Plus de 2 000 ans après cette citation, la Chine est entrée dans une nouvelle ère, qui pourrait la faire redevenir la puissance dominante. Dans un monde en pleine crise économique et en manque de repères, l’Empire du Milieu impressionne par sa croissance économique autant que par sa population. Acteur majeur de l'économie mondiale, la Chine ne s'arrête plus à l'Asie, mais étend son influence à travers le monde. Contrôle des routes commerciales, achats de terres en Afrique, acquisition de ports,  le « Géant qui sommeille » tisse son réseau.

Au cours des millénaires, la Chine n'a jamais été une grande puissance maritime, malgré quelques expéditions au XVe siècle et l'invention de la boussole. La faute aux nombreuses menaces de ses voisins mongoles, qui ont forcé l'Empire chinois à renforcer ses frontières au nord et au nord-ouest. Dès lors, elle fut considérée comme une puissance terrestre. Cependant, la donne a changé. À l'heure de la mondialisation, l'économie chinoise est devenue dépendante du commerce maritime et du pétrole qui y transite. Une dépendance que Pékin ne peut plus accepter. Ces dix dernières années, une théorie appelée « le collier de perles » est apparue. Ce terme suggère que la Chine cherche à renforcer son rayonnement international en développant un certain nombre de ports commerciaux à travers l’océan Indien. Un moyen comme un autre pour gagner en influence et en puissance.

Chittagong au Bangladesh, Gwadar au Pakistan, Sittwe en Birmanie, Hambantota au Sri Lanka ou encore Raijin en Corée du Nord sont autant des villes portuaires que d'emplacements stratégiques pour Pékin. Depuis quelques années, la Chine a investi ces lieux en y construisant des bases navales et militaires afin de faciliter les opérations navales chinoises, tout en sécurisant la route maritime qui relie la Chine aux ressources pétrolières du Golfe persique. En tant que puissance montante, l'Empire du Milieu doit être capable de se projeter rapidement à travers tout l'océan Indien et ainsi renforcer son influence en Asie. Réactivité et sécurité sont de mise.

En l'espace de dix ans, la consommation énergétique chinoise a doublé et la demande devrait de nouveau doubler dans les prochaines années. La sécurisation des lignes de communication maritimes apparaît donc comme vitale pour l'économie chinoise. Plusieurs axes sont privilégiés comme le détroit de Malacca, qui est l’un des détroits les plus importants au monde avec 25 % du commerce global. La Chine en est le principal utilisateur avec 60 % de ses importations en pétrole qui y transitent.
Problème : c'est aussi un haut lieu de la piraterie. La ville portuaire qui a le plus d'importance n'est autre que Gwadar au Pakistan. Proche du détroit d'Ormuz, tous les pétroliers provenant du bassin persique à direction de l'Asie passent par ce détroit et donc devant Gwadar. La Chine y finance le port à 85 %. L'intérêt croissant de la Chine pour des ports dans la région témoigne aussi de son ambition militaire. Le ministre indien de la Défense, A.K. Antony, s'est dit récemment « préoccupé » par la décision du Pakistan de transférer la gestion de Gwadar à la Chine.

Cet aspect militaire devient de plus en plus important au vu du nombre d'îles revendiquées par le gouvernement de Xi Jinping, qui sont nombreuses dans la région. Pékin revendique ainsi sa souveraineté sur environ 3,2 millions km². Il justifie le droit de la Chine à défendre ses revendications de souveraineté sur sa Zone économique exclusive (ZEE) et toutes les ressources qui s'y trouvent. « La Chine doit non seulement se préparer à défendre ses intérêts maritimes régionaux et ses routes maritimes, mais elle doit aussi être capable de venir en aide à ses ressortissants et les évacuer le cas échéant », a déclaré Hu Jintao.

L'Europe également concernée

L'Empire du Milieu s’intéresse également à l'Europe. Le Pirée, Le Havre et plus récemment l'Islande. La République populaire de Chine est dans l'optique d'y construire un port permettant un aiguillage des navires chinois vers l'Europe, lorsque le réchauffement climatique permettra la navigation à travers le détroit de Béring. Un gain de temps considérable puisque la distance entre les ports de Shanghai et de Hambourg ne serait que de 6 400 km.

La Chine met en place un réseau commercial en Europe afin d’accélérer les échanges commerciaux entre l'Orient et l'Occident, à moindre coût. Contrairement à l'Asie, les pays européens ont pour la plupart des infrastructures de qualité et sont rentables au vu de la crise économique.

L'acquisition du port du Pirée en Grèce en est un parfait exemple. La Chine a signé un accord qui prévoit la cession du port par le gouvernement grec au groupe chinois Cosco Pacific Ltd, pour une durée de 35 ans. Pékin veut en faire le premier port marchand du Vieux Continent, devant Rotterdam. La position stratégique du port du Pirée, proche du Bosphore, en fait également une voie d’accès sur les pays de la Mer noire, l’Asie centrale et la Russie. Une ouverture parfaite pour entrer dans le marché européen. Investissements dans les dettes publiques, rachats d'actifs stratégiques vendus au rabais en Grèce, en Irlande, en Espagne et dans d’autres pays européens en difficulté... La Chine a lancé une offensive rapide sur l'Europe avec des ambitions commerciales, mais aussi géopolitiques.

Une trente-troisième année sans récession, une croissance économique de 10 % par an depuis deux décennies, un chômage qui recule, l'Empire du Milieu avance. D'ici quelques années, la Chine devrait devenir la première puissance mondiale. Dès lors, qui pourra l’arrêter ?

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