La révolution des serviettes hygiéniques se propage au Népal

22 Février 2015



Dans la région de Dhading, à une heure de Katmandou, l’école de Khanikhola est accessible aux enfants les plus pauvres. En octobre dernier, cette dernière organisait une distribution de kits pour l’hygiène féminine.
L'occasion de promouvoir un nouveau genre de serviettes hygiéniques. Pratiques et écologiques, elles ouvrent aux Népalaises la voie de l’indépendance.


Crédit Carol Baggerman
Crédit Carol Baggerman
« On prend un sac. On y met un savon, une culotte, une petite serviette pour s'essuyer. Pour finir, on y rajoute quatre serviettes réutilisables et deux sanitory pads ». Carol et moi sommes assises au beau milieu d'une pile de sacs, de savons, de petits carrés de tissus bariolés et de sous-vêtements. Dans quelques heures, cet amas aura laissé place à une vingtaine de kits hygiéniques. Ces sacs seront distribués aux jeunes filles de l'école du village, la Superb Catalyst Academy. C’est Carol, une volontaire australienne, qui en a eu l’idée. A l'intérieur trônent en grandes vedettes les sanitary pads. « Sanitary pad », ou « sanitary towel », désigne en anglais une serviette hygiénique. Celles que Carol et moi nous affairons à assembler sont bien différentes de celles que l'on trouve dans le commerce en France. 

Elles sont réutilisables. Certes, si cet objet est un peu plus encombrant que ce à quoi nous sommes habitués, il est en réalité très esthétique et simple d'utilisation. On enfile dans une poche en tissu coloré des petites serviettes à motif puis on fixe le tout à la culotte, à l'aide de scratchs. Les serviettes s'enlèvent facilement lorsqu'elles sont sales et il suffit d'en enfiler une autre à la place. Pour ce qui est de l'hygiène, c'est un progrès considérable. Au Népal, où les femmes font avec ce qu'elles ont et utilisent souvent des vieux chiffons sales ou de la sciure de bois, le sanitary pad est un cadeau tombé du ciel.

Un atout pour l'hygiène et l'environnement

Crédit Katrin Rausch
Crédit Katrin Rausch
L'idée de ces serviettes est née grâce à Arunachalam Muruganantham, dont vous pouvez voir la conférence sur le site TEDTalk. En Inde, il a fait face aux mêmes conditions désastreuses d'hygiène intime que celles que l'on rencontre au Népal. Si la solution qu'il propose est un peu différente, le problème est le même.
C'est d'abord une question de coût. Pour un budget népalais, les serviettes hygiéniques jetables sont beaucoup trop chères et seules les familles aisées et les touristes peuvent se le permettre. Les autres femmes restent livrées à elles-mêmes.

Leur marge de manœuvre est limitée, car ce problème pourtant omniprésent fait l'objet d'un tabou. À cause d'un manque d'éducation et de mœurs misogynes tenaces, les Népalaises ont honte et se cachent. Dans certains villages reculés, les femmes n'ont pas le droit de toucher la nourriture lorsqu'elles ont leurs règles, et sont isolées du reste de la société car considérées impures. Distribuer ces serviettes est essentiel non seulement pour apporter une solution immédiate à l'inconfort des règles, mais aussi un nouvel espoir d'intégration pour les femmes.
La structure à scratch des sanitary pads est fabriquée à Katmandou par les femmes du Local Women's Handicraft, une boutique qui vend des produits de qualité, fabriqués avec des matériaux népalais par des femmes en situation instable. Les serviettes réutilisables que l'on y glisse sont faites de tissu imperméable que Carol ramène d'Australie à défaut d'en trouver sur place. En plus d’encourager une production locale, ces serviettes sont aussi plus écologiques. Étant donné que le traitement des ordures est quasi inexistant au Népal et que les déchets tapissent les rues, cette invention propose une solution durable sur le plan environnemental.

Une utilisation encore hésitante

Quelques jours après la distribution de ces sacs aux jeunes filles et à leurs mamans, j’ai fait une curieuse découverte. À l’école du village, une petite fille d’environ deux ans avait un bavoir qui m’était étrangement familier : sa maman avait accroché une des serviettes réutilisables à l’uniforme de sa fille, à l’aide d’une épingle à nourrice. Sans doute n’avait-elle pas reçu les explications concernant ces serviettes et n’avait aucune idée de comment les utiliser. Peut-être aussi était-elle parfaitement consciente que les serviettes n’étaient pas censées être des mouchoirs, mais avait décidé qu’elle voulait s’en servir de cette manière. Cette anecdote est représentative d’un phénomène que j’ai observé à plus grande échelle. L’aide humanitaire est souvent fondée sur le don, et part toujours d’un bon sentiment. Cependant, pour peu qu’on n’explique pas assez clairement aux populations locales ce à quoi ces dons servent, ce même don peut s’avérer inutile voire contre-productif. Cela m’amène à un second point, plus important encore. Si la femme en question estimait avoir davantage besoin d’un mouchoir pour sa fille que d’une serviette hygiénique, personne ne peut l’empêcher de faire l’usage qu’elle désire de l’objet qu’elle a reçu. Donner, c’est offrir une chance qu’il ne tient qu’au destinataire de saisir. 

Notez