La ville et le chat

17 Août 2012



Avez-vous déjà visité la ville de Damme à la mi-carême? Etes-vous au courant des curieuses traditions et rituels qui se déroulent dans cette ville à cette époque-là ? Eh bien Gérard Prévot nous emmène à Damme précisément à la mi-carême et nous plonge dans une histoire fantastique, mystérieuse et glaçante à la fois.


Gérard Prévot, Les fous de Damme  dans le volume Contes de la mer du Nord, Les Eperonniers Editions, Collection  Passe Présent, Bruxelles, 1986
Gérard Prévot, Les fous de Damme dans le volume Contes de la mer du Nord, Les Eperonniers Editions, Collection Passe Présent, Bruxelles, 1986
« Je m’appelle Norbert et j’ai douze ans. » Un début qui annonce une confession inhabituelle. C’est l’histoire d’un petit garçon, orphelin de père, qui est emmené par sa mère à Damme chez des cousins éloignés. Son seul compagnon est un chat, Kolwezi. C’était « le plus beau et le plus inquiétant des chats » Et comme une beauté inquiétante ne peut jamais préfigurer rien de bon l’aventure du garçon et de son chat ou plutôt du chat et du petit garçon, commence. La superstitieuse petite ville de Damme garde un étrange rituel moyenâgeux selon lequel à la mi-carême quarante chat sont jetés du haut d’une tour car les habitants les croyaient coupables de l’épidémie de peste. Evidemment Kolwezi ne peut échapper à cette étrange tradition, mais curieusement, à chaque fois que le garde-champêtre déguisé en fou s’apprête à le précipiter dans le vide, c’est l’homme qui se jette par-dessus bord et se suicide. L’histoire se répète trois fois et au bout de trois ans le rituel est changé : les chats sont remplacés par des peluches.

Gérard Prévot crée un univers qui bouscule les règles du quotidien, un univers magique, mais très calculé. Chaque détail est précieux et essentiel pour trouver la clé du texte. Son conte est truffé de symboles. Un grand nombre d’éléments renvoient au jeu d’échecs : quarante jours de carême, quarante chats et quarante cases de l’échiquier, un fou et une tour. Le nom de la ville nous fait penser au jeu de dames. Le chat Kolwezi a un rôle particulier, il accomplit une action civilisatrice en délivrant la ville d’une tradition ancestrale d’une violence indigne des temps modernes. Mais, comme toute action civilisatrice, elle suppose des sacrifices (les trois hommes qui se sont tués et les quelques chats morts).Le principe est le même que pour le jeu d’échec : une pièce est sacrifiée pour gagner une place. Dans le texte, la règle est la même, quelques êtres humains et animaux  sont éliminés, pour gagner une place, sur l’échiquier du progrès. Le récit est d’autant plus prenant qu’il est écrit dans un langue qui reste toujours très simple et sobre. Magie, suspens, sueurs froides, tout est dans ce conte qui nous entraîne dans un monde d’énigmes et de mystères. Tout ce que le lecteur doit faire c’est ne jamais donner sa langue au chat ! 

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