Le féminisme, un combat perdu d’avance

Bonakor, pour Candidat à Rien
21 Mars 2013



« Le féminisme, c’est de ne pas compter sur le Prince charmant » racontait, non sans ironie, Jules Renard. Il y a quelques jours, alors que je débutais, avec sérieux et application, mes recherches, je n’avais pu retenir un sourire à la lecture de cette phrase. Cependant, informé par les pages web parcourues, elle se pare aujourd’hui d’une profondeur nouvelle.


Le mal d’une société

@Thomas Leuthard
@Thomas Leuthard
Jeune mâle alpha, j’ai grandi bercé par les romans jeunesse, par des histoires d’amour à l’eau de rose et des héros de jeux vidéo. Jamais, je ne me suis jamais réellement interrogé sur les carcans, les clichés que véhiculaient mes héros de jeunesse. Pas plus, n’ai-je perçu sous les grands préceptes romantiques et la galanterie franco-française le caractère profondément sexiste dont se pare notre quotidien.

J’ai assisté voilà quelques semaines à un défilé de lingerie lors de la fashion week lyonnaise. Je racontai ma gêne à la vue des corps des femmes dans le plus léger appareil. A la vérité, je n’arrivai à me départir d’un sentiment malsain, bien que j’ai apprécié ce que j’ai pu voir. Amené à réfléchir plus avant sur ces clichés du quotidien, j’ai réalisé qu’à aucun moment, des hommes n’avaient défilé. Pour une raison purement marketing, c’était un défilé de femmes en lingerie qui clôturait la semaine.

On se figure volontiers les féministes comme des frustrées, de vieilles harpies devenues la caricature de ce qu’elles dénoncent. Pourtant, le combat est noble et nécessaire. Les inégalités de salaires se perpétuent, les femmes restent minoritaires à occuper des rôles de pouvoirs et probablement qu’à niveau équivalent, un employeur préférera embaucher un homme plutôt qu’une femme. Les raisons empruntent aisément à la socialisation. La figure de l’homme renvoie à l’autorité, au leadership et aisément, on associera la femme à l’esprit créatif ou à la douceur maternelle.

Je suis le premier à placer ma confiance en le bon goût de ma mère en matière vestimentaire plutôt qu’en le rationalisme économique et bien masculin de mon père. Par contre, sans hésiter, ma mère me renverra à mon père s’il m’arrivait de crever de nuit, sur l’autoroute. Et s’il me prenait alors de m’offusquer contre le traitement injuste que je subirais, condamné à mettre moi-même la main dans le cambouis et changer ma roue à la seule lumière des rayons de lune alors que ma mère n’aurait qu’à patienter le temps que rapplique son sauveur de mari, on m’aurait calmement expliqué que les femmes jouissent de certains privilèges.
En bref, à la lecture des sites féministes, des recherches sur les gender studies, je ne pouvais nier perpétuer, à mon tour, les clichés machistes.

D’une définition du féminisme

Déterminé à produire un article de qualité, à même d’être salué par un rédacteur en chef à la plume assassine et à la gouaille menaçante, et permettant au partenariat de continuer, j’interrogeai alors les plus brillants de mes amis, ces esprits vifs, et éclairés.

C’est alors que je pris conscience de l’ampleur de la tâche que je m’étais fixé. Impossible de définir le féminisme par la seule formule passe-partout femme = homme. Ce serait réducteur et peu ambitieux.

Le féminisme serait la volonté de gommer de l’imaginaire collectif toute idée de l’homme et la femme, d’en ôter leur particularité pour ne plus réduire l’homme et la femme qu’à leurs attributs sexuels.

Là est le lien profond et trop souvent ignoré entre les combats féministes et les mouvements de soutien LGBT, plus particulièrement dans le débat récent sur le mariage gay. En effet, le fond de la revendication du droit pour les homosexuels de se marier, c’est considérer qu’au sein d’une famille, l’homme et la femme sont interchangeables, qu’il est possible d’élever un gamin sans présence d’une femme ou d’un homme et qu’il ne manquera, de base, rien à l'enfant dans son équilibre affectif –ou tout du moins, pas plus ou pas moins qu’à celui ayant grandi au sein d’un couple hétérosexuel.

Partisan du mariage pour tous depuis bien longtemps, je suis par ailleurs plutôt sceptique quant aux luttes féministes. Alors que les deux sont liés. Voilà ma conscience face à une situation inextricable.

En plein mois du féminisme, Candidat à rien et Le Journal International étaient donc prêts à partir en croisade contre les féministes, ces sorcières des temps modernes.

Aux armes, citoyen-nes

Plume à la main, style affuté, et argumentaires parés, je cherchai la meilleure façon d’affronter ce nouveau Ku Klux Klan.

Las. C’eusse été tomber du côté obscur de la force, là où intelligence se conjugue au conditionnel. Du haut de mes vingt printemps, la période actuelle me semble être celle où les groupes féministes ont le plus de vigueur, occupent le plus le temps médiatique. Depuis « Le deuxième sexe » de Simone de Beauvoir, les revendications féministes n’ont jamais été aussi vives, et, aussi futiles.

Timsit, avec la classe et le sens de la formule qui le caractérisent expliquait à Libération que « les féministes travaillent, picolent, conduisent comme des mecs et après elles s'étonnent qu'on les encule. » et Christine Blachas, comme inspirée par le même souffle divin de renchérir « Je préfère être agressée par une mauvaise pub que par une féministe enragée. » Au-delà de leur caractère polémique, ces deux déclarations traduisent le ressenti général de la société vis-à-vis des féministes.

Chiennes de garde, ni putes ni soumises, du fait de leur nom, elles plantent le décor. De leur combat, on ne retient que la violence des mots, le choc des actions. Les Pussy Riots, victimes du totalitarisme russe insufflèrent un souffle nouveau au combat féministe. Lequel souffle permit l’émergence du mouvement Femen, aujourd’hui tête de gondole du féminisme. Quel rafraichissement que ce mouvement qui renvoie la société à son hypocrisie, rejetant la nudité quand elle ne la demande pas, mais toujours plus habile pour mettre à nu ses stars et ses égéries.

Cependant, alors qu’en Ukraine, dans les pays de l’Est, le combat est noble, la manière novatrice et les revendications acceptables, en France, l’on crie à l’unisson « No pasarán ».

Les sauvages aux seins à l’air osent envahir des églises, rendez-vous compte !

Pour se faire entendre, elle jouent le jeu du système qu’elles dénoncent, quitte à s’oublier elles-mêmes et préférer le poids des images à l’intelligence du combat.

Qu’elles ont raison de dénoncer l’Eglise, institution millénaire au sein de laquelle la femme n’a pas sa place, si ce n’est pour catalyser les tentations.
Cependant, qui l’a dit ? Personne. Les féministes s’attachent aux conséquences plutôt qu’aux causes. Elles pointent nos erreurs d’un doigt accusateur, incapables de pardonner aux hommes de n’avoir su lutter contre un système qui transmet allègrement ces images rétrogrades et sexistes.

Une lutte à contre-temps

Oui, les inégalités perdurent, oui, les femmes sont battues, oui, on tient la porte aux femmes, oui, les publicités représentent la femme en cuisine, l’homme au salon. Oui, mille fois oui. Notre société est machiste.

Mais qu’y pouvons-nous ? Faut-il pour autant nous forcer à la parité ?

Je suis pour le mariage pour tous car il permet l’égalité, l’égalité choisie, empreinte d’amour. La parité forcée, la représentativité égalitaire forcée, c’est imposer l’égalité.

D’une femme élue, je me demanderai toujours si elle est là par la grâce d’une loi ou par ses seules compétences.
Le féminisme est un combat perdu d’avance en ce qu’il est à contre-temps. Il lui faudrait agir aux origines du mal plutôt que sur ses ramifications. Le féminisme, ce serait forcer l’amnésie, forcer l’aveuglement.

« Le féminisme, c’est ne pas compter sur le prince charmant », c’est oublier le romantisme, croire en sa chance, en le mérite et en l’intelligence. Là est peut-être le mur contre lequel se cogneront les féministes : le monde d’aujourd’hui ne le permet pas. Croire en sa chance dans la France du XXIe siècle, croire à l’ascenseur social, c’est faire preuve d’une naïveté regrettable. Notre société est un navire qui sombre. Dans notre malheur, au moins avons-nous le mérite de faire passer les femmes et les enfants d’abord. Libres à elles de refuser.

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