Le mythe de l’apolitisme du sport est-il toujours d'actualité ?

Corentin Boniface, membre de UN'ESSEC
13 Février 2014



La Charte olympique prévoit qu’ « aucun type de manifestation de propagande, politique, religieuse ou raciale [ne soit] permis au stade olympique, aux terrains ou aux autres lieux olympiques ». Les sportifs n’ont donc pas le droit d’exprimer un quelconque engagement politique. Pourtant, chaque édition des Jeux olympiques est marquée par un événement (géo)politique majeur.


Le mythe de l’apolitisme du sport est-il toujours d'actualité ?
Ce souhait d’apolitisme émis par le Comité International Olympique (CIO) n’a pas empêché certains sportifs de faire preuve de courage en sortant de situations confortables ; « sois bon et tais-toi » n’est pas la devise de tous.

Le 16 octobre 1968, à Mexico, Tommie Smith, noir américain, devient champion olympique sur 200 mètres en battant le record du monde de la distance. Son compatriote, John Carlos, termine troisième. Mais c’est bien le lendemain de leur sacre sportif qu’ils sont entrés dans l’histoire. Sur le podium, alors que toutes les caméras étaient braquées sur eux et tandis que l’hymne américain raisonnait, ils ont levé un poing ganté en signe de protestation contre la ségrégation raciale en vigueur dans leur pays. Pour ce geste, ils ont été exclus à vie des Jeux olympiques par le président du Comité International Olympique, Avery Brundage. Le CIO a également décidé de leur retirer leurs médailles.

Un autre athlète, légendaire pour ses exploits sur le ring, n’a pas hésité à prendre position contre la politique menée par son pays : Muhammad Ali, né Cassius Clay. « The greatest », triple champion du Monde des poids lourds, a refusé de prendre part à la guerre du Vietnam. « Aucun Vietcong ne m’a jamais traité de nègre », disait-il en 1966. L’année suivante, il était jugé coupable de fraude : 10 000 euros d’amende, 5 années d’emprisonnement et la perte de tous ses titres. Ayant fait appel, Ali n’a jamais fait ses années de prison. Cette condamnation ne l’a pas empêché de poursuivre son activisme au côté de Malcolm X.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Zinedine Zidane, idole absolu en France, légende vivante en Espagne et en Italie, a pris sa retraite en 2006. Depuis, il multiplie les engagements associatifs : Fondation de France (aide aux personnes vulnérables, développement de la connaissance, protection de l'environnement), ELA (association européenne contre les leucodystrophies). S’engager pour la protection de l’environnement bien sûr un engagement noble, ce combat reste cependant consensuel, voire « facile ».

Arnold Schwarzenegger, Manny Pacquiao, Georges Weah… IIs se sont tous appuyés sur leur carrière de sportifs pour se lancer en politique. Les exemples de ceux qui franchissent le pas et se mouillent sont de plus en plus nombreux. Il est de notoriété publique que de grands pouvoirs donnent d’importantes responsabilités. Les sportifs font aujourd’hui partie des personnalités les plus médiatisées et donc les plus puissantes. Doivent-ils alors systématiquement s’engager pour une cause ? À l’inverse, doit-on leur reprocher tout écart de conduite, au nom de ces responsabilités ?

Aujourd’hui, le sportif est souvent considéré comme le modèle, celui qui doit être parfait. La moindre faute de sa part est bien souvent sur-commentée et plus fortement condamnée. La main de Thierry Henry lors du match de qualification pour la Coupe du monde a déclenché un enchaînement haineux dans son pays et presque créé un incident diplomatique entre la France et l’Irlande. Dernier exemple, l’infidélité de Tiger Woods a provoqué un véritable scandale aux Etats-Unis.

Chaque jour ou presque, les citoyens lambda trichent, mentent ou trompent leur conjoint. Evidemment, ce sont des comportements condamnables, mais ce sont avant tout des comportements humains. Le sportif, bien qu’héroïque par moments, n’est finalement qu’un citoyen comme un autre le reste du temps. Tommie Smith et Muhammed Ali auraient pu rester dans un silence et une situation confortable mais ils étaient, avant d’être des athlètes hors-normes, des citoyens engagés.



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1.Posté par renard le 14/02/2014 19:13
Article fascinant et perspicace. Bravo JI.

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