Le système hukou : l’inégalité entre urbains et ruraux en Chine

Julien Muller
26 Avril 2014



En République populaire de Chine, les citoyens sont divisés internement selon un système d’enregistrement de résidences, le système hukou, qui classifie la population en deux catégories héréditaires, les ruraux et les citadins. Découverte.


Credit photo : The China Real Time Report and CRI
Credit photo : The China Real Time Report and CRI
Il s’agit d’un livret qui contient des données, comme le lieu de naissance, le niveau d’éducation et la profession, sur les personnes appartenant à un même foyer. Mais les informations les plus importantes qui ressortent de ce papier sont le hukou que la personne possède, c’est-à-dire un hukou rural ou urbain, et son lieu d’enregistrement, qui donne à son possesseur l’accès à certains droits dans la localité où le hukou a été enregistré. Autrement dit, si le détenteur d’un hukou rural décide de s’établir dans une ville, il n’aura que très difficilement accès aux avantages qu’obtiennent les citadins installés en toutes normes. 

A ceci se rajoute que la Chine est caractérisée par un exode rural massif – déjà plus de la moitié de la population réside en milieu urbain - et que l’obtention du hukou respectif est très compliquée, voire impossible. Les mingongs, qui veut littéralement dire paysan ouvrier, sont donc séparés juridiquement des urbains.

Un système existant depuis les années 50

Instauré par Mao Zedong, ce passeport interne fut directement inspiré du système de la propiska en URSS. Le hukou a été instauré comme instrument capable de planifier et de contrôler la redistribution des ressources, surtout alimentaires, mais aussi pour promouvoir une industrialisation rapide du pays à l’époque. Il a aussi été un moyen de collecte d’informations qui a permis d’établir une base de données et de classer la population selon le danger qu’elle représentait pour le gouvernement. De même, il servait comme moyen de contrôle des migrations internes, surtout rurales. En effet, il interdisait tout changement de ville. Contrôler les flux migratoires internes est toujours une de ses fonctions aujourd’hui. Néanmoins ce système ne fait que freiner et non empêcher l’urbanisation du pays.

Avec l’ouverture économique du pays dans les années 80 et 90, le système hukou s’est vu infliger certaines réformes, la plus importante étant qu’il donnait désormais la possibilité aux populations rurales d’aller travailler en ville sans que celles-ci nécessitent un hukou urbain. Elles avaient donc désormais le droit de changer de ville. Leurs relatives précarités, liée à la hausse du chômage qu’induisait la modernisation des méthodes agricoles entre autres et la possibilité de trouver du travail a contribué à l’émergence des mingongs, qui était prêt à abandonner leurs chez eux pour aller s’installer ailleurs. 

Mais même si la migration interne était maintenant autorisée, afin que la merveille économique chinoise soit approvisionnée en main d’œuvre bon marché, ces nouveaux citadins n’ont toujours pas les mêmes droits que les populations urbaines, qui possèdent des hukou urbains. L’objectif est en effet de minimiser les coûts des dépenses sociales, en n'octroyant certains privilèges sociaux qu’à la moitié de la population, tout en maximisant les rendements du travail des migrants qui sont principalement employés dans la manufacture et le bâtiment, deux piliers importants de l’économie chinoise. 

Des droits inégaux

Tandis que la constitution de ce pays dispose l’égalité de tous les citoyens devant la loi et que la Chine a signé le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels  en 1998, les droits ne sont nullement les mêmes pour l’ensemble de la population chinoise. En effet, ceux-ci sont liés au hukou respectif. Si son détenteur ne possède pas le hukou urbain pour la bonne région, celui-ci n’aura pas, même si des efforts ont été faits ces dernières années pour changer ceci, accès aux mêmes avantages que les citadins. En effet, ceux-ci n’ont pas le droit à la même protection sociale que les urbains, c’est-à-dire qu'ils sont quasiment exclus d’un système de retraite et n’ont que très difficilement accès des soins médicaux abordables. Pour pouvoir bénéficier d’une assurance maladie, ils devraient cotiser dans leur lieu de résidence inscrit sur leur hukou et ensuite aller se faire traiter là-bas, ce qui pose un double problème, car suite à leur salaire qui est de seulement six cents à sept cents yuan (soixante à soixante-dix euros), c’est-à-dire même pas 60% du salaire des possesseurs de hukou urbains selon Chloé Froissart , la majorité ne va pas pouvoir cotiser ni se permettre de faire un voyage pour se faire soigner. 

A ceci se rajoute que plus de soixante secteurs en 2002 étaient interdits d’accès aux mingongs, pour que ceux-ci ne mettent pas au chômage les citadins. Les conditions de travail diffèrent aussi d’une catégorie à l’autre. Tandis que ceux qui possèdent un hukou urbain travaillent à peu près huit heures par jour, les autres en sont à plus de dix heures, sept jours sur sept. Ils travaillent souvent sans contrat, sans protection et dans des conditions inhumaines, auxquelles se rajoute que souvent l’employeur leur doit des heures de travail non payées.  


Du point de vue de la scolarisation, les enfants des travailleurs ruraux sont souvent exclus des écoles publiques et gratuites, à moins qu’ils payent une taxe de scolarisation imposée par les écoles elles-mêmes, taxe qui est souvent trop élevée pour les petits salaires qu’ils reçoivent. Pour contrecarrer cette exclusion, des écoles privées et illégales, dédiées aux enfants de migrants, ont commencé à s’installer. Elles sont souvent dirigées par des anciens enseignants issus eux aussi des espaces ruraux. Néanmoins celles-ci doivent souvent fermer suite à la pression de l’Etat, ne correspondant pas aux normes d’hygiènes établies par celui-ci. Des efforts ont été faits pour scolariser gratuitement tous ces enfants à condition que les parents les fassent recenser. Néanmoins se rajoute à ceci la politique familiale de la Chine qui ne donne droit qu’à un seul enfant par couple, voire à deux si les deux parents sont enfant unique, et que puisque les mingongs n’ont pas accès à la protection sociale, ils ont souvent plusieurs enfants pour assurer leur futur. Donc, en les recensant, ils se feront pénaliser s’ils en possèdent plusieurs. De plus l’accès au logement est très compliqué, et ils logent souvent dans des conditions précaires et peuvent être expulsés et renvoyés à tout moment puisque sur ce plan aussi ils ne possèdent aucune protection. 

Mais des critiques s’élèvent depuis les années 90 demandant de réformer, voire d’abolir ce système. Ce sont de critiques aussi bien au niveau des hauts politiciens, dont le nouveau président chinois Xi Jinping, qui exige une meilleure égalité pour tous. Mais il y en a aussi depuis peu parmi les mingongs eux-mêmes. Néanmoins le cas de Zhang Hong, qui est responsable de la publication d’un éditorial commun à treize journaux chinois, éditorial qui demande l’abrogation du hukou, traduit la persévérance que la Chine montre vis-à-vis des personnes qui critiquent le régime et que malgré tout, le système hukou joue toujours un rôle important dans le pays. 

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