Maroc : la halka au service de la mémoire

Samia Saidi, correspondante à Barcelone
27 Juillet 2013



Au Maroc, la halka, lieu de divertissement et de rire, est principalement présente sur les grandes places publiques des villes même si, de nos jours, le patrimoine culturel commence à disparaître.


Maroc : la halka au service de la mémoire
L'art de la halka, la forme la plus ancienne de théâtre traditionnel au Maroc, existe depuis la nuit des temps. Lors d'une représentation en plein air, sans rideau, sans distance entre les spectateurs et le comédien, sans maquillage et sans artifices, des pièces de différents genres sont jouées. La halka demeure un lieu de transmission de la culture, un garant de la mémoire artistique.

La littérature orale se présente sous la forme de prose ou de poésie. L'art poétique était un art essentiellement chanté, avec ou sans accompagnement musical. L'amour, les sujets de société, la politique, la religion, la morale ou encore la mort, les poètes ont un large choix de thèmes à aborder. Les représentations s'ouvrent avec des introductions et se ferment sur des conclusions toutes deux codifiées en n'oubliant pas d'invoquer Dieu, en arabe ou dans un des dialectes marocains.

La naissance de la halka dans l'espace public

Lorsqu'on parle de halka, on pense à la place Jamaâ El Fna de Marrakech où se perpétue cette tradition depuis des siècles. Le spectateur peut passer des conteurs en tout genre aux charmeurs de serpents en passant par les jeux d'acrobaties et par les devins qui ont gardé toute leur authenticité.

La halka est née d'une personne surnommée en arabe lemsiyah (en français : clown), qui avait un don pour parler et raconter des histoires. Le lemsiyah inventait des histoires dans des royaumes antiques, retraçant la vie des prophètes. Avec beaucoup d'exagération, il n'hésitait pas à faire des devinettes, utilisant des prophètes et mettant à profit les mythes. Pour mieux écouter les histoires, la foule se mit à former un cercle, qu'en arabe on appelle halka, autour du hlaïqya, l'animateur des halkas. Lorsqu'il prend la parole « Qan ya maqan... », la foule est tout de suite envoûtée par le déroulement des actions jusqu'à en oublier le temps qui passe.

Le hlaïqya fit de son don sa profession. De ville en ville, de souk en souk, il a voyagé pour faire partager son talent. Les hlaïqya se multiplièrent et se diversifièrent pour raconter des histoires aussi bien fantastiques que tirées de la réalité. Les histoires sont narrées par épisode pendant plusieurs semaines ou même plusieurs mois. Surprenant à chaque fois leurs spectateurs par une nouvelle histoire ou une nouvelle devinette, les hlaïqya n'ont jamais manqué d'inspiration.

Le hlaïqya, une figure populaire

La majorité des hlaïqya viennent de la campagne. Si beaucoup sont analphabètes avec un niveau d'études basique, cela ne les empêche pas d'être talentueux. À l'époque, ce travail n'était pas décent même si la population marocaine était bercée par leurs histoires.

Avec le temps, beaucoup de volonté et d'efforts ont permis de changer l'opinion des Marocains. Le conteur de la halka est devenu un personnage à part entière de la société marocaine, qui s'intègre parfaitement dans le décor des villes. La halka est désormais reconnue comme une véritable profession, et les conteurs voient leurs droits et devoirs reconnus. Ils ont même créé leur propre syndicat. Plusieurs institutions organisent annuellement des festivals de l'art de la halka. Pour les organisateurs de tels événements, le but est de contribuer à la préservation de la mémoire populaire, de participer à la valorisation du patrimoine national et de faire revivre la culture orale populaire ancienne.

Aujourd'hui, les changements sociaux, économiques et culturels, associés à une plus grande diversité des moyens modernes de transmissions des savoirs, participent à une marginalisation progressive du spectacle de la halka, autrefois seul moyen pour distraire la foule.

Un élément protecteur de la tradition orale

La plupart des contes et légendes marocains sont transmis de manière orale. Les grands-mères racontent de mémoire leurs histoires à leurs petits-enfants pour qu'à leur tour, ils bercent leurs enfants des comptines marocaines, comme les hlaïqya qui transportent les auditeurs dans un monde irréel et merveilleux.

Peut-être, connaissez vous les contes des Mille et une nuits, les fables animalières écrites par Ibn al-Muqaffa Kalila et Dimna, ou encore le récit fabuleux de la vie du célèbre chevalier arabe Saïf Dou Yazzan. Et comme l'a très bien dit le dramaturge, calligraphe et écrivain marocain Tayeb Saddiki, « Nous avons tous appris quelque chose de la halqa ».

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1.Posté par matelas memoire de forme le 13/08/2013 12:03

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