Neil Young : du grunge à l'écologie

25 Novembre 2014



A 69 ans il livre Storytone, sa deuxième production de l'année, la trente-cinquième de sa carrière. Plus passionné qu'à ses débuts, cet album marque principalement son engagement envers la nature. A l'occasion de sa tournée européenne estivale, Le Journal International est allé à la rencontre de cette légende, le premier "protest singer" et parrain du grunge.


Quatre chansons en quarante-cinq minutes, le ton est donné dès le départ. Ce soir-là à Colmar, Neil Young & Crazy Horse livre un message clair : aimez-vous les uns les autres, chérissez la nature, protégez-la. Avec des titres tels que Love And Only Love, Be The Rain, Living With War et Who's Gonna Stand Up And Save The Earth ?  (issu de Storytone), le mélange entre chansons d'amour et chansons révoltées est réussi. Sa guitare électrique "Old Black", qui l'accompagne depuis plus de 40 ans, plus agressive que jamais sur Love And Only Love, se fait lancinante sur Like A Hurricane. Chacun des treize titres joués ce soir-là durera au minimum dix minutes, Down By The River s'étirant même sur une vingtaine de minutes.

Avant le concert, les roadies s'étaient échinés à distribuer - gratuitement - des t-shirts en coton biologique sur lesquels étaient inscrits "Protect" pour les femmes, et "Earth" pour les hommes. L'oeil vif et une brève accolade plus tard, nous nous sommes assis dans l'espace presse pour discuter de Pono, Lincvolt et d'Honor The Treaties. 

Pono, l'« iPod killer »

A l'évocation de Pono, ses yeux pétillent de malice. Il s'agit d'un baladeur musical que Neil Young a lui-même conçu et d'une plateforme de téléchargement en ligne dédiés à la très haute définition, et qui a récolté plus de six millions de dollars sur Kickstarter. « Mon but est de sauver la musique telle que je la pratique depuis cinquante ans, de la présenter au public telle qu'on l'entend en studio. Je veux que les gens ressentent, vivent la musique. Ce n'est pas qu'une question de qualité audio, c'est aussi une question de s'immiscer dans la peau de l'artiste. »

 

Disponible depuis quelques jours aux Etats-Unis, Pono sera commercialisé en Europe courant 2015, dans le but de concurrencer l'iPod d'Apple. La qualité a toutefois un prix : comptez 400 euros pour le baladeur, plus le téléchargement des chansons. Ce n'est pas non plus la première initiative du genre, d'autres plateformes telles que Qobuz existent, mais Pono reste le projet le plus novateur - puisqu'il s'accompagne d'un baladeur - et à la plus grande portée médiatique. Soutenu notamment par Arcade Fire, Red Hot Chili Peppers, Pearl Jam, Jack White, Sting, Elton John et Dave Grohl, Pono se veut comme une alternative crédible à l'iPod. 

Lincvolt, Honor The Treaties : ses combats pour la nature

« Avec l'aide de quelques amis ingénieurs, j'ai réussi à transformer le moteur d'une Lincoln Continental de 1959, connu pour être très polluant, pour ne plus lui faire consommer de carburant. Lincvolt fonctionnait à la fois avec un biocarburant et de l'électricité. Fonctionnait ? Oui, elle m'a abandonné en plein milieu du désert l'année dernière... » A l'évocation des énergies renouvelables, il coupe : « la Terre est précieuse. Elle est comme un énorme vaisseau qui fonce droit dans le mur si on ne fait rien. J'aime les voitures anciennes, mais je me sens un peu coupable quand je vois la consommation de ces vieilles machines. Si on peut aboutir à ça avec une voiture de six tonnes de 1959, imagine ce qu'on peut faire avec les voitures d'aujourd'hui ! Lincvolt nous prouve que nous n'avons pas besoin de pétrole. »

Le pétrole, parlons-en. Neil Young est le porte-parole d'Honor The Treaties, une organisation destinée à récolter des fonds pour payer les frais juridiques des communautés autochtones engagées dans un combat contre l'industrie des sables bitumineux de l'Athabasca et lutter contre cette exploitation des sols.

« Je veux un avenir où le climat est préservé, et où les lois ne sont pas écrites par de puissantes compagnies pétrolières. J'ai refusé de rencontrer les industries pétrolières canadiennes. Les champs de sable bitumineux sont la chose la plus laide et destructrice qu'il m'ait été donné de voir, Fort McMurray ressemble à Hiroshima. J'ai donné quelques concerts en début d'année afin d'aider à la récolte de fonds. Cela a marché au-delà de mes espérances. J'ai toujours été un fervent défenseur des autochtones, qu'ils soient canadiens ou américains. L'industrie du pétrole creuse un fossé dont nos petits-enfants auront de la difficulté à sortir. Il existe de meilleurs emplois qui peuvent être développés, ainsi que des industries utilisant des sources d'énergie propre pour nous aider à faire du monde un endroit plus sûr pour nos petits-enfants. »

Le bassiste qui l'accompagnait depuis de nombreuses années et notamment lors de sa tournée estivale, Rick Rosas, d'origine amérindienne, est décédé le 6 novembre dernier. Neil Young en a profité pour faire son éloge dans le New York Times et rappeler à quel point le combat que mènent les autochtones pour leur territoire est difficile. 

Le sourire en coin, il conclut : « C'est drôle, il y a deux ans j'ai conduit Lincvolt, dans laquelle j'ai installé Pono, de la Californie jusqu'au Canada pour me rendre des les champs de sable bitumineux. » La boucle est bouclée. 


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Rédacteur depuis 2013, passionné de musiques, j'ai la fâcheuse tendance de corriger tout ce qui me... En savoir plus sur cet auteur