Réhabilitation de l’Union nationale au Gabon : l’illusion démocratique

Sylia Bouabdelah
10 Mars 2015



Le 31 janvier 2015 Guy Bertrand Mapangou, ministre de l’Intérieur, annonce la réhabilitation de l’Union nationale. Une déclaration qui sera confirmée quelques heures plus tard par le président Ali Bongo. Moins de deux ans avant les prochaines élections, le président de la République gabonaise permet à son plus grand opposant de revenir sur le devant de la scène. Retour sur le parcours sinueux du parti et sur les intentions de son excellence.


Crédit Nouvelle Afrique
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Ali Bongo, à la tête du Parti démocratique gabonais, gagne les élections en 2009. Fils d’Omar Bongo, il reprend le pouvoir détenu par sa famille depuis 1967. André Mba Obame, un de ses adversaires, ancien ministre de l’Intérieur, occupe la troisième position. Devant cet échec qu’il ne comprend pas, André Mba Obame entame une grève de la faim « en faveur de la démocratie ».

Il n’avait pas envisagé de défaite et pensait l’élection d’Ali Bongo impossible.
Sa grève étant peu efficace, il entreprend alors de réunir un parti d’opposition, l’Union nationale. En 2010, il regroupe les trois plus grands partis : l’Union gabonaise pour la démocratie et le développement, le Mouvement africain pour le développement et le Rassemblement national des républicains. D’après lui, « c’est la première fois que le président du Gabon a en face de lui une coalition aussi unie et déterminée ».

Le 25 janvier 2011, alors secrétaire exécutif de l’Union nationale, M. Mba Obame s’autoproclame président du pays et prête serment au siège du parti. Il demande à l’ONU de l’appuyer en envoyant une demande de reconnaissance à Ban Ki Moon. L’organisation internationale a rejeté cette demande et M. Mba Obame a été arrêté. L’Union nationale, jugée complice de son action par le gouvernement, a alors été interdite.

Installation de tensions et affirmation de l’opposition

La dissolution de l’Union nationale pour « non-respect des principes démocratiques, atteinte à la forme Républicaine de l’État, à la souveraineté nationale et à l’ordre public » a suscité le scepticisme de beaucoup de Gabonais. Certains se sont réunis dans le mouvement « Bongo Doit Partir » (BDP) et dénoncent « le régime arbitraire du clan Bongo ».
Plusieurs manifestations témoignent de l’impopularité naissante du président du Gabon. En décembre, une manifestation à Libreville a coûté la vie à trois personnes. Cet incident a été attribué aux forces de l’ordre par l’opposition qui se montre sévère dans son communiqué : « En réponse à une manifestation pacifique, le chef d’État a mobilisé les unités spéciales de la gendarmerie et de la police et a dirigé les armes de la République contre de paisibles Gabonais aux mains nues ». Le mouvement avait été accepté puis interdit pour éviter des « troubles à l’ordre public ».

D’anciens collaborateurs d’Omar Bongo ont aussi rejoint l’opposition. L’ancien ministre des Affaires étrangères Jean Ping a, lors d’une émission sur France 4, qualifié Ali Bongo de dictateur autocrate.

La démocratisation du Gabon comme stratégie politique

La réhabilitation du grand parti de l’opposition, alors que les élections approchent et que de véritables tensions s’installent dans le pays, semble une manoeuvre difficilement compréhensible. De plus, cette réhabilitation s’accompagne d’un adoucissement des sanctions contre les membres dirigeants ou fondateurs d’un parti politique interdit. Ceci s’explique pour beaucoup de Gabonais comme une stratégie politique pour afficher une fin démocratique dans les actions du gouvernement.
 

Ali Bongo a en effet besoin de réaffirmer sa légitimité auprès du peuple. La sortie du livre de Pierre Péan, Nouvelles affaires africaines, en octobre dernier, a remis en cause la légitimité de son excellence. Pierre Péan y dénonce des corruptions, des détournements de fonds publics, des élections truquées, etc. Ce livre confirme aussi la version d’André Mba Obame. D’après l’auteur, qui se base sur le compte rendu d’une commission électorale nationale et autonome, la victoire d’Ali Bongo en 2009 est impossible. Le vainqueur devrait être André Mba Obame.
Le livre a fait scandale dans tout le pays, surtout pour la mise en doute de la filiation génétique d’Omar et d’Ali Bongo. Le président serait né au Nigeria, ce qui constituerait une irrégularité dans l’élection.

La décision du président de réhabiliter l’Union nationale donne alors un souffle démocratique au gouvernement et à ses actions. Au vu des mouvements grandissants pour la démocratie et le développement du pays, cette décision était une nécessité.

Il reste deux ans à l’Union nationale pour trouver qui se présentera et représentera une dizaine de partis politiques. Le retour d’André Mba Obame est quant à lui très incertain. Le fondateur de l’Union a eu de gros problèmes de santé. Il est maintenant dans une maison à Niamey où il s’est exilé.

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