Royaume-Uni : les frais universitaires au cœur du débat électoral

Juliette Perrot, correspondante à Londres
31 Mars 2015



Au Royaume-Uni, étudier coûte cher. Les frais d’inscription à l’université peuvent atteindre 9000 livres sterling par an, soit près de 12 000 euros. Les prêts étudiants se multiplient et font perdre beaucoup d’argent à l’État. Décryptage à quelques mois des élections.


Etudiants protestants contre la hausse des frais de scolarité à la fin de l’année 2010. Crédit DR
Etudiants protestants contre la hausse des frais de scolarité à la fin de l’année 2010. Crédit DR
Les étudiants britanniques sont nombreux à emprunter pour financer leurs études. Outre les frais d’inscription, ils doivent payer leur loyer, leurs livres, leur nourriture, et toutes les autres dépenses quotidiennes. Particularité du système britannique : les étudiants ne remboursent leurs prêts qu’à partir du moment où ils gagnent un certain salaire, qui correspond à 21 000 livres par an. Au bout de 30 ans, quelle que soit la somme déjà remboursée, toute dette est automatiquement annulée.

Selon une étude réalisée par l’Institute for Fiscal Studies en 2014, l’étudiant britannique moyen quitte l’université endetté à hauteur de 44 000 livres, soit environ 59 000 euros. L’étude révèle également que 73% des étudiants ne pourront jamais rembourser leur emprunt en totalité. C’est dès lors l’État qui est perdant, une situation dénoncée par le parti travailliste qui s’empare du sujet à quelques mois des élections.

Diminuer les frais de scolarité : l’argument de campagne phare du parti travailliste

Les élections générales ont lieu le 7 mai prochain en Grande-Bretagne. Le leader du parti travailliste, Ed Miliband, accorde une place centrale dans sa campagne à la question des frais universitaires. Il a annoncé qu’il souhaitait les abaisser à 6000 livres par an, soit 3000 livres de moins qu'à l'heure actuelle. Outre profiter aux étudiants, cela permettrait selon lui de soulager l’État qui prend en charge de plus en plus de dettes non remboursées. 

Avec cette décision, le parti travailliste espère attirer les jeunes électeurs, dont beaucoup ont été déçus par l’attitude du parti libéral-démocrate en 2010. Formant une coalition avec les conservateurs de David Cameron, les libéraux-démocrates avaient alors promis de s’opposer à l’augmentation des frais universitaires. Le leader du parti Nick Clegg n’a cependant pas tenu ses engagements, ce qui l’a conduit à s’excuser auprès des électeurs dans une vidéo :

 

Cette dernière a ensuite fait l’objet d’un remix devenu très populaire sur le net.
 

Une annonce qui ne convainc guère

L’annonce d’Ed Miliband suscite de nombreuses réactions. Simon Gaskell, directeur de l’université Queen Mary University of London, juge que le principal problème ne sont pas les frais universitaires, mais le coût de la vie étudiante. C’est également le point de vue de nombreux jeunes, notamment londoniens. Face au coût de la vie et du logement dans la capitale, certains font le choix d’aller étudier ailleurs. 

Milène, jeune étudiante de 22 ans, a réalisé une partie de ses études en Grande-Bretagne. Elle s’est pour cela endettée à hauteur de 3000 livres, ce qui reste très inférieur à la dette de l’étudiant britannique moyen. Concernant la déclaration d’Ed Miliband, la jeune fille reste sceptique : « Ce serait déjà un progrès mais c’est encore une somme importante », affirme t-elle. 

Les universités protestent également… Pour défendre leurs propres intérêts

À l’instar de Simon Gaskell, la plupart des universités affirment qu’il serait préférable d’augmenter les aides destinées aux étudiants plutôt que de diminuer les frais de scolarité. Les établissements sont en fait peu enclins à voir diminuer leurs ressources financières, et affirment que de telles coupes nuiraient à la qualité de l’enseignement dispensé, augmenteraient le nombre d’élèves par classe et viendraient ternir la réputation dont jouit le pays sur le plan universitaire. 

Cet argument ne convainc pas Milène, qui est à même de comparer le système britannique et le système français. Ayant fréquenté les deux, elle reconnaît que les cours sont plus complets et les professeurs plus disponibles en Grande-Bretagne. Mais les 3000 livres qu’elle a payé ne lui paraissent pas justifiées et elle se demande comment est réellement utilisé l’argent des étudiants. 

Étudiants et universités restent donc sceptiques face à l’annonce du leader du parti travailliste. Les universités affirment qu’elles ne peuvent se permettre de baisser leurs frais de scolarité, malgré l’avis de certains étudiants qui considèrent que le prix à payer pour y étudier est trop élevé. Tous s’accordent sur le fait qu’il faudrait augmenter les aides pour les dépenses de la vie quotidienne, ce qui demanderait un effort de la part de l’État. Or ce dernier juge que l’effort doit avant tout venir des universités. Pour l’instant, chaque camp se renvoie donc la balle, sans s'accorder sur un potentiel consensus.

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