Sénégal : un secteur touristique en plein déclin

Aurélien Sperandio
29 Mai 2015



Autrefois pionnier de l’Afrique en matière de tourisme, le Sénégal peine aujourd’hui à attirer les voyageurs. L’augmentation du coût du voyage, les réformes du gouvernement, et l’épidémie du virus Ebola en Afrique de l’Ouest, n’ont rien arrangé en matière de tourisme. Pourtant aujourd’hui, l’État semble prendre conscience du malaise et a pris des mesures pour relancer ce secteur. Décryptage de la situation du tourisme au Sénégal.


Crédit Desjeux
Crédit Desjeux
Derrière la pêche, le tourisme est le deuxième secteur d’activité du Sénégal. Mais aujourd’hui, la situation est alarmante : la chute a commencé après la crise financière de 2008, et s’est accélérée depuis 2012. Les pertes sont lourdes pour le pays, comme l’explique Babacar Beuz Diedhiou, journaliste sénégalais : « le tourisme sénégalais ne fait plus de recettes importantes, du fait que la destination du Sénégal n’est plus prisée et ne se vend plus comme avant ».

Le nombre des visas délivrés témoigne du déclin du secteur touristique. En novembre 2013, Abdoulaye Daouda Diallo, ministre sénégalais de l’Intérieur, annonçait que « 85 736 visas ont été délivrés en quatre mois ». La communication est devenue plus rare ensuite. D’ailleurs selon le consul du Sénégal à Paris, il y a eu seulement « 19 738 visas délivrés » en 2014 alors que près des deux tiers des visas d’entrée au Sénégal sont délivrés dans la capitale française. La baisse s’est poursuivie au premier trimestre de 2015 avec 3 577 visas attribués de janvier à avril 2015.

Les raisons de la crise

Il y a plusieurs explications à la perte de vitesse du secteur touristique sénégalais. La mise en place d’un visa payant en juillet 2013 en est une : un document de 50 euros par personne alors que le Sénégal était déjà destination onéreuse, notamment à cause des surtaxes sur les billets d'avion. « La saison dernière, à la suite de l'instauration du visa biométrique par les autorités, la fréquentation a baissé de 30 % à 40 % », explique Jean-Paul Fontaine, propriétaire et gérant d’un hôtel cinq étoiles dans le sud du pays. La baisse de la fréquentation a aussi contribué à la mise au chômage technique de centaines d’employés.

D’après les mots du président Macky Sall, cette mesure devait « rehausser la dignité des Sénégalais » qui ont de plus en plus de difficultés à accéder à l’espace Schengen ou à l’Amérique du Nord, les visas étant de plus en plus compliqués à acquérir pour eux. Cela représentait aussi pour l’État une nouvelle source de revenus. Si la mesure était cohérente, elle n'a pourtant pas fait l’unanimité dans le secteur touristique qui traversait déjà une crise grave. L’augmentation du prix du visa rendait le voyage plus coûteux pour les touristes.

La crainte de voir le virus Ebola arriver au Sénégal fait partie des facteurs qui ont freiné le tourisme. Le pays est limitrophe de la Guinée, l’un des trois principaux foyers de l'épidémie en Afrique de l’Ouest. Pourtant, un seul cas a été recensé en 2014, et a été guéri avant d'être renvoyé en Guinée. Pour l’Organisation mondiale de la santé, le pays est depuis quelques mois déjà « Ebola-free ». Cela devrait donc inciter les touristes à revenir, bien que les risques de contracter le virus étaient déjà très faibles.

Aujourd’hui ce n’est plus particulièrement le virus Ebola qui fait peur, mais l’activisme de groupes terroristes qui a pris de l’ampleur, dans la bande sahélienne (Mali, Mauritanie, Niger, Tchad). La frontière malienne et une partie de la frontière avec la Mauritanie sont donc déconseillées aux touristes, tout comme certaines parties de la Casamance, au sud du pays.
Crédit (CC) Manu25 Wikipedia
Crédit (CC) Manu25 Wikipedia

Une volonté de remonter la pente

Face à ces multiples problèmes, le gouvernement n’avait pas d’autres choix de que prendre des mesures fortes. Le 3 avril 2015, le président sénégalais Macky Sall a profité de la célébration de la fête de l’indépendance, pour annoncer la mise en vigueur de plusieurs mesures. « Le visa payant pour l'entrée au Sénégal sera supprimé à compter du 1er mai 2015. La parafiscalité sur les billets d'avion sera réduite de 50% pour baisser le prix du billet. Ces mesures s'ajoutent à la suppression du droit de timbre sur les billets d'avion ».

Ces décisions ont immédiatement été applaudies par l’industrie hôtelière. En plus de cela, le président a annoncé la mise en place d’un budget de 5 milliards de francs CFA pour le tourisme. Un nouvel aéroport d’une capacité d’accueil initiale de 3 millions de passagers est aussi en passe d’ouvrir ses portes d’ici décembre 2015. Il devrait faciliter le flux des touristes et l’organisation des voyageurs.

Si la volonté de relancer le secteur touristique est présente, il reste des efforts à faire notamment sur la communication, comme le souligne Babacar Beuz Diedhiou, « le Sénégal est le seul pays au monde qui ne communique pas sur ses atouts pour vendre sa destination ». Même s’il dispose d’atouts importants sur le marché régional et international, le pays n’a pas encore remonté la pente, surtout face à l’émergence de nouvelles destinations comme le Cap Vert, des îles situées à l’ouest du Sénégal. Le pays a comme objectif le million de touristes d’ici 2020.

En ce qui concerne les 5 milliards de francs CFA alloués au tourisme par Macky Sall, ils font encore pâle figure face aux 30 à 40 milliards dépensés par le Maroc dans le même secteur. Le chemin à parcourir est encore long pour arriver aux 3 millions de touristes par an d’ici 2023, annoncés par le président au début de son mandat. Ils étaient un peu plus d’un million en 2013 selon le ministère du Tourisme, mais 400 000 selon les professionnels du secteur.

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