Slovaquie : un Président sans étiquette change le paysage politique

1 Août 2014



L’élection d’Andrej Kiska à la tête de l’État Slovaque met une pause aux coalitions politiques et affrontements entre plusieurs partis. En effet, ce philanthrope sans appartenance politique va essayer de changer le récent héritage politique de ce pays.


Crédit DR
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Le chemin a été long pour aboutir à un État slovaque indépendant et républicain. Dominé par les Hongrois puis incorporés à la Tchécoslovaquie en 1918, le pays n’a jamais été réellement indépendant. Il suffit de regarder des livres de primaire du début du XXème siècle pour le comprendre : la seule langue enseignée était le hongrois. Leur intégration ne leur a pas non plus permis un essor. En effet, malgré le fait que l’État tchécoslovaque ait été un des plus avancés d’Europe, la Slovaquie est restée très rurale comparée à ses pays voisins. 

Après l’éclatement des accords entre les pays formant la Tchécoslovaquie, suite à l’occupation nazie d’une grande partie de ses territoires, la Slovaquie a saisi l’opportunité de l’indépendance. Ainsi le 14 avril 1939, un État indépendant se met en place, avec à sa tête Jozef Tizo. 

La naissance d’une République Slovaque

Cependant, ce ne fut qu’en 1993 que la Slovaquie est devenue une République. En effet, le gouvernement mis en place par Jozef Tizo était issu du fascisme et allié aux Allemands. En 1945, ils se voient libérés du fascisme, mais retombent dans une deuxième Tchécoslovaquie, sous le contrôle communiste dictatorial, qui les prive d’indépendance. Malgré les insurrections de Prague de 1968, le système n’a changé qu’une fois que la Tchécoslovaquie a éclaté, en 1989. Après trois ans d’un État souverain gouverné par Prague et Bratislava, le 1er janvier 1993, la Slovaquie devient une République indépendante reconnue par l’ONU.

Ce contexte est important à connaître puisque cela va expliquer les tendances politiques principales du pays. Après quelques troubles entre 1993 et 1998, le premier Président de la République slovaque entre en fonction le 15 juin 1999. Il sera en situation de coalition, tel que le sera à deux reprises le président Gašparovič. La politique a donc valsé pendant 20 ans entre une gauche social-démocrate et une droite conservatrice-libérale. 

Le paysage politique a changé lorsque Andrej Kiska, indépendant de tout parti, s’est présenté aux élections présidentielles de mars 2014. Se présentant face à Robert Fico, président du gouvernement depuis 2012, il est arrivé en deuxième place au premier tour, puis gagne l’élection présidentielle à 59,38% des voix. Plusieurs candidats lui ont annoncé leur soutien, ce qui explique le score, malgré l’abstention de 49,53% au deuxième tour. 

La campagne politique d’un philanthrope

Andrej Kiska était un hommes d’affaires, à la tête de deux entreprises de crédit slovaques, qu’il a vendues pour ensuite devenir philanthrope. Il est ainsi co-fondateur d’une association qui vient en aide aux familles qui se retrouvent dans des situations financières délicates du fait de problèmes de santé. Il s’est retrouvé face à M. Fico, chef du gouvernement depuis 2012 pour la deuxième fois. Celui-ci est fondateur du Direction-Social-Démocratie qui regroupe l’ensemble des partis de gauche slovaques. En se présentant aux élections présidentielles, Robert Fico espérait rassembler les pouvoirs. Cet espoir était à la fois ce que craignaient les autres candidats, - qui ont soutenu M. Kiska - et le point fort du candidat élu.

Ainsi, il a affirmé que « la Slovaquie a besoin d’un président de la République indépendant et expérimenté et non pas d’avoir à sa tête un homme rassemblant tous les pouvoirs ». Il a surtout appuyé sa campagne sur le fait de vouloir combattre la corruption présente dans le gouvernement et sur son côté de bienfaiteur qui le distingue des autres candidats. Cette personnalité éminente a eu du succès : sa victoire écrasante en est la preuve. 

Que représente le nouveau visage présidentiel ?

Il faut tenir compte qu’en Slovaquie, le rôle du chef du gouvernement est plus important que celui du Président, le pays étant une Démocratie Parlementaire. En effet, le Président est élu pour 5 ans et ses pouvoirs sont très limités, et basés surtout sur la politique extérieure. Ainsi, malgré les motivations d’Andrej Kiska, les choix reviennent majoritairement au Parlement. Il a tout de même des projets pro-européens, la Slovaquie faisant partie de l’UE depuis 2004. Sa forte volonté de se détacher de tout parti et identité politique donnent un nouvel espoir au peuple slovaque, qui s’est fortement éloigné de la politique. Les taux d’abstention record aux européennes et des scores toujours très élevés aux présidentielles - dépassant souvent les 50% - en sont la preuve. 

Andrej Kiska a ainsi dit « j’ai promis être un président pour tous les citoyens et j’unirai et motiverai. La Slovaquie est un pays magnifique avec d’excellentes personnes. Il revient à nous de montrer comment nous allons utiliser toutes les belles choses que nous avons, pour qu’on puisse être fiers de notre pays, pour que de jeunes personnes aient envie de vivre ici, et pour qu’on puisse se sentir bien ici ».

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Carolina Duarte de Jesus
Arrivée en France il y a quatre ans, j'ai entamé des études de Science-Politique. Les relations... En savoir plus sur cet auteur