Tensions entre le président tchèque et l’ambassadeur des États-Unis

16 Avril 2015



C’est autour de la décision controversée du président tchèque d’assister à une cérémonie hommage à la capitulation allemande de 1945, organisée à Moscou en mai prochain, que les tensions avec l’ambassadeur américain se sont cristallisées. Milo Zeman, habitué de la polémique, se démarque de ses voisins européens et s’emporte contre l’ambassadeur américain.


Crédit Jorge Royan
Crédit Jorge Royan
Le 9 mai se tiendra à Moscou une parade pour célébrer le « Jour de la Victoire », marquant le 70ème anniversaire de la capitulation de l’Allemagne nazie face à l’Union soviétique et la fin de la Seconde Guerre mondiale pour toute une partie de l’Europe. Conviés plus tôt dans l’année, les principaux chefs d’État ont décliné l’invitation. Obama, Merkel, Hollande, Cameron et les présidents des pays baltes ont annoncé leur refus d’assister à la cérémonie pour condamner les actions menées par la Russie dans l’est de l’Ukraine, et pour déstabiliser le pays. Le président polonais, Bronislaw Komarowski avait même suggéré d’organiser une « contre-célébration » à Gdansk, première bataille de la Seconde Guerre.   

« Porte close » pour l’ambassadeur américain

Même si la chancelière Angela Merkel compte se rendre sur la Tombe du Soldat inconnu à Moscou le lendemain de la cérémonie officielle, le président tchèque Milo Zeman sera le seul dirigeant européen sur place le 9 mai. C’est à la suite de cette décision que l’ambassadeur américain, Andrew Schapiro, avait mis en garde le président Zeman du caractère gênant de la situation. En se rendant à Moscou pour célébrer la Grande Guerre patriotique, ainsi nommée par les Russes, le président tchèque se retrouvera entouré de Vladimir Poutine et de Kim-Jung Un, leader de la Corée du Nord. Zeman s'était ouvertement opposé à toute sanction contre la Russie en qualifiant le conflit en Ukraine de guerre civile. La République tchèque, reconnue pour un euroscepticisme certain de la part de ses dirigeants, reste partagée entre sa qualité de membre de l’Union européenne et son passé de pays du bloc soviétique. 

Andrew Schapiro a reconnu le rôle important joué par l’URSS dans la défaite des nazis mais a affirmé que « passer en revue les troupes [russes] lors d’une parade militaire alors que celles-ci déstabilisent un pays d’Europe, n’est peut-être pas le bon message à envoyer ». La réponse de Zeman fut directe. Il a répondu via la presse en faisant savoir que Mr Schapiro trouverait porte close au château de Prague, lieu de résidence du président, et qu’il n’y était plus le bienvenu. Il a également ajouté qu’il « n’imagine pas l’ambassadeur Tchèque à Washington donner des conseils au président américain sur ses voyages » et « qu’il ne laissera aucun ambassadeur lui dicter ses déplacements à l’étranger ».

Zeman critiqué par son Premier ministre

Crédit Radio Kromeriz
Crédit Radio Kromeriz
Aux États-Unis, pour célébrer Pâques, l’ambassadeur Schapiro a fait part de son désarroi sur les réseaux sociaux en apprenant la réaction du président tchèque. L’ambassade américaine a publié un communiqué sur son site indiquant que Mr Schapiro maintenait ses propos sur la décision d’assister à la cérémonie étant donné qu’il serait le seul chef d’État de l’Union européenne sur place. Il a aussi indiqué n’avoir aucune intention de dicter le comportement du président, et que sa porte à lui est toujours ouverte. Les médias russes, eux, s’amusent de cette situation et expliquent que Washington panique, ne réussissant pas à isoler la Russie du reste de l’Europe. 

Au sein même de son gouvernement, le président est également critiqué pour son emportement. Un porte-parole s'est empressé d'annoncer que l’ambassadeur américain pouvait tout de même assister à certains événements organisés au château. Le Premier ministre lui-même, Bohuslav Sobotka, a critiqué le président, souhaitant qu’il soit plus professionnel et réfléchi dans ses relations diplomatiques. Le Premier ministre a clairement affirmé son désir de suivre l’UE et l’OTAN dans leur démarche de boycott, une nécessité pour la sécurité et l’affirmation de l’ancien bloc communiste selon lui. 

Rien de vraiment nouveau pour le président Zeman. Le ministre des Affaires étrangères avait également condamné les propos tenus par le président sur la situation en Ukraine à la fin de l’année dernière. En République tchèque, le rôle du président est principalement symbolique, le Premier ministre étant le chef de l’exécutif. Les idées de Milo Zeman sont aussi reconnues comme minoritaires au sein de son gouvernement Social-démocrate.

Les relations entre la République tchèque et les États-Unis restent néanmoins bonnes. La population tchèque l’a encore prouvé le mois dernier en accueillant chaleureusement un convoi américain en route pour l’Allemagne, en provenance des pays baltes. L’ambassadeur Schapiro a lui aussi insisté dans son communiqué sur l’importance des liens entre les États-Unis et la République tchèque, qui ne devraient en rien être affectés par cet incident. 

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Adrien Carton
Je suis actuellement en Master Relations Internationales à Prague à la suite d'une licence... En savoir plus sur cet auteur