Une présidente pour la Croatie

15 Janvier 2015



La Croatie, dernier État en date à être devenu membre de l’Union européenne, vient d’élire ce dimanche 11 janvier Kolinda Grabar-Kitarović, la première femme présidente au suffrage universel dans les Balkans. Candidate du parti conservateur HDZ, et contrairement aux chiffres suggérés par les sondages, elle l’a remporté d’une faible marge face au président sortant, Ivo Josipović du SDP (Parti Social-Démocrate).


Crédit fah pour narod.hr
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Tandis que les résultats du premier tour avaient semblé avantager légèrement le président encore en place, (38,5% des voix contre 37% pour la nouvelle présidente, alors que 95% des bulletins avaient été dépouillés le 28 décembre), c’est finalement Kolinda Grabar-Kitarović qui l’emporte. Le score n’est pourtant, une fois de plus, pas écrasant : 50.74% des voix, contre 49.26% pour son adversaire. La surprise est due au fait que le représentant du SDP est très apprécié du peuple croate, mais que l’incapacité de son gouvernement à améliorer la situation économique du pays lui a été fatale. Il faut savoir, en effet, que le rôle de président en Croatie est principalement représentatif, ne pouvant par exemple apposer son veto à une loi ou n’ayant aucun pouvoir dans le domaine économique, bien qu’il soit chef de l’armée et qu’il dispose de prérogatives dans la politique étrangère, la défense et les renseignements.

Le petit dernier de l’Union européenne n’a obtenu son indépendance de l’ex-Yougoslavie qu’en 1991. Ce ne fut pas tâche facile, et la guerre contre les Serbes et l’Armée fédérale dura quatre ans. L’Union démocratique croate (HDZ), au pouvoir entre 1990 et 2000, a un passé de parti fasciste, l’ancien président Franjo Tuđman ayant notamment commandité des campagnes de purification ethnique en 1995. Le parti se purifie par la suite de ces idéologies.
 

La Croatie, un jeune pays européen

Ce n’est qu’en 2013 que la Croatie rejoint l’Union européenne, sous la présidence d’Ivo Josipović. Ce petit pays de 4,4 millions d’habitants subit de plein fouet la crise économique : la principale source de revenus de la Croatie est le tourisme, ce qui ne suffit pas à redresser les finances, et la situation est d’autant plus difficile que les autres pays méditerranéens, tels que l’Espagne ou Chypre, ont baissé leurs coûts eux aussi. A vrai dire, l’Union européenne n’a pas apporté une grande aide à la Croatie, ce qui peut expliquer sa très faible participation aux élections européennes : 21% seulement.

Il n’est pas étonnant, quand on constate que 19% de la population est sans emploi et que cela concerne un jeune sur deux, que les Croates aient décidé de changer de dirigeants. La nouvelle présidente en est d’ailleurs bien consciente, puisqu’elle a déclaré : « Je vous promets que la Croatie sera un pays prospère et riche, un des pays les plus développés de l'Union européenne et du monde. » 

Le nouveau visage de la Croatie

Crédits DR
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Kolinda Grabar-Kitarović, âgée de 46 ans, a un parcours très différent de son prédécesseur : tandis qu’il est professeur de droit et de musique et compositeur, elle est pour sa part diplômée de langues étrangères et relations internationales, et sa carrière diplomatique est remarquable. Après avoir été Ministre de l'Intégration européenne de 2003 à 2005, elle devient Ministre croate des Affaires étrangères et de l'Intégration européenne entre 2005 et 2008, puis Ambassadrice de Croatie aux États-Unis entre 2008 et 2011, et enfin Secrétaire générale adjointe de l’OTAN entre 2011 et 2014. Fille de boucher, elle aime rappeler ses origines modestes, qui accentuent son image de femme qui a réussi par elle-même – et son ascension est bel et bien impressionnante. 

Pourtant, en dépit de sa détermination, son début de campagne présidentielle s’est avéré quelque peu difficile, comme le relate Vecernji list, cité par Courrier International  : on l’a d’abord qualifiée de Barbie, et a été considérée « inapte à la fonction présidentielle » par les médias. C’est donc une belle victoire pour la jeune femme.

Quant à savoir si les changements promis se réaliseront réellement, notons déjà que le gouvernement devra, durant quelques mois, cohabiter avec l’opposition, jusqu’aux élections législatives, prévues pour fin 2015.  Les cas de corruption, qui ont par le passé ébranlé l’Union démocratique croate et refait surface, et le fait que le parti se soit radicalisé pendant la campagne, en insistant sur les valeurs de la droite dure, pourraient lui être néfastes pour ces élections. La présidente l’a dit elle-même : « Le triomphalisme n’a pas sa place. »

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