Venezuela : le plus haut squat de la planète

Yohan Demeure du CitizenPost
25 Octobre 2014



La Tour de David ou Centro Financiero Confinanzas est un immeuble inachevé de 45 étages se situant dans le quartier d’affaires de Caracas, capitale du Venezuela. Ce squat vertical autonome est aussi considéré comme étant « le plus haut bidonville vertical au monde ». Jorge Silva, photographe local, a saisi l’organisation de cette micro société vivant dans ce qui est encore aujourd’hui la troisième plus grande tour du pays.


Crédit Jorge Silva / Reuters
Crédit Jorge Silva / Reuters
« Tous les jours, je passais devant cet immeuble. C’était devenu une obsession d’entrer dans le bâtiment et de déconstruire le mythe qui l’entoure. Les gens qui n’y habitent pas en ont fait la coupable idéale, responsable de tous les maux des quartiers alentour, des viols, des séquestrations… » explique Jorge Silva, photographe depuis une dizaine d’années au Venezuela.

Jorge Silva a suivi et saisi l’organisation de la population installée ici et là au sein de cette carcasse urbaine. Alors que la population provient des bidonvilles les plus dangereux de Caracas, le photographe a réussi à prouver que la Tour de David incarne une amélioration notable de leur condition de vie. En effet, l’omniprésence de la pauvreté n’empêche aucunement la débrouille, la solidarité ainsi que la sécurité et le respect.

Dans les faits, il s’agit d’un gratte-ciel dont la construction a débuté en 1990 et qui devait être le cœur financier d’un genre de « Wall Street vénézuélien » rêvé par le financier David Brillembourg. Après sa mort en 1993 et la crise financière de 1994, la construction du bâtiment fût stoppée : le building n’est alors terminé qu’à 60%. En 2007, la mairie de Caracas autorise des sans-abri à habiter le premier étage de la tour pour tenter de faire face aux problèmes de logement. Très vite, les 28 premiers étages furent investis tandis qu’au-delà, les travaux de gros œuvre ne sont pas bien avancés, expliquant une absence de personne. En 2013, quelques 3600 habitants habitent la Tour de David pour quelques 170 bolivars (soit 21 euros) de loyer servant à financer une patrouille de sécurité présente 24h sur 24.

Pas d’ascenseurs, de balustrades et absence de certains murs, mais il semblerait que l’électricité et l’eau sont fonctionnelles à certains étages grâce à l’ingéniosité des habitants. La Tour de David dispose d’un héliport et de grands balcons qui servent à faire d’immenses barbecues. Une salle de musculation est également présente sur le toit, alors qu’on trouve dans le bâtiment un atelier de couture, un coiffeur, un institut de beauté, un dentiste et d’innombrables épiceries. Le gratte-ciel est aujourd’hui une vraie petite ville dans laquelle on peut résider sans jamais avoir besoin d’en sortir, tandis qu’il s’agissait à l’origine d’un endroit qui n’était pas prévu pour être habité.

L’organisation sociétale de la Tour de David démontre que, bien que la criminalité soit présente, certains médias qualifient à tort l’endroit de « tour de la terreur ». Et comme le raconte un de ses habitants au photographe Jorge Silva, le caractère exceptionnel de ce bidonville fait de ses habitants « les plus riches parmi les pauvres ». Une récente étude a été menée sur l’insalubrité de l’immeuble par le gouvernement du Venezuela qui entreprend désormais (depuis le mois de juillet 2014), un relogement progressif des 1 200 familles présentes, et ce dans une banlieue éloignée de la capitale.

Article publié à l'origine sur le CitizenPost, partenaire du Journal International. 

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