Vitali Klitschko : un champion au secours de la démocratie

Gabriel Zignani
5 Février 2014



Le président ukrainien Viktor Ianoukovitch a proposé le 25 janvier, à Vitali Klitschko, leader du parti d'opposition Oudar, le poste de vice-Premier ministre. Portrait de ce boxeur hors norme devenu l'un des principaux opposants du gouvernement ukrainien.


Vitali Klitschko, leader du parti Alliance démocratique ukrainienne pour la réforme
Vitali Klitschko, leader du parti Alliance démocratique ukrainienne pour la réforme
Incarner l'opposition. La mission que s'est donnée Vitali Klitschko est un véritable challenge. Comme l'a été toute sa vie. Engagé en politique depuis 2004 – au moment d'une grave blessure qui le tenait éloigné des rings –, il bénéficie de l'immense popularité qu'il y a acquise. 47 combats professionnels, 45 victoires dont 41 par KO. Plusieurs fois champion du monde de boxe anglaise, champion du monde en titre WBC des poids lourds, il est appelé « Dr poings d'acier » par ses compatriotes. Il comprend vite qu'il va falloir s'adapter à ce nouveau milieu : « En sport, les règles sont clairement édictées. Leur violation provoque la disqualification. La politique ukrainienne, elle, ressemble à une bagarre sans règles. Hélas, ce qui compte, c'est le poste que tu occupes, combien tu as d'argent ».

En avril 2010, après avoir échoué à plusieurs élections municipales, l'aîné des frères Klitschko (son cadet Wladimir est également multiple champion du monde de boxe) créé le parti Oudar, alliance démocratique ukrainienne pour la réforme. Parti libéral pro-européen, qui signifie « le coup » en ukrainien. Il est élu député en 2012, pour ce qui est pour l'instant son seul mandat politique. Lors de ces élections, son parti est d'ailleurs devenu la troisième formation la plus importante, avec 13,95% des voix.

L'un des leaders de la place de l'Indépendance

Désormais, l'homme de 42 ans est l'un des leaders de l'opposition en Ukraine. L'un des meneurs de la révolution qui se joue sur la place de l'Indépendance (Maïdan) à Kiev. Impossible de le manquer au milieu de la foule, son physique de colosse, 2m02 et 114 kilos, en impose. Depuis décembre 2013 et le début de « l'euro-révolution », il demande la démission du président ukrainien Viktor Ianoukovitch pour son refus de signer un accord économique avec l'Union européenne pour se rapprocher de Moscou. Il demande également des élections législatives et présidentielles anticipées.

Sans être un grand orateur – on lui reproche même un manque de charisme –, il s'est imposé comme le dirigeant politique le plus écouté. Dans ce cadre, le géant a été appelé, le 23 janvier, à négocier directement avec le président, en compagnie de Oleg Tyahnibok (parti Svoboda) et Arseni Iatseniouk (Batkivchina).

Le président avait déjà tenté de lui mettre des bâtons dans les roues. Pour contrer cette progression un peu trop rapide à son goût, Viktor Ianoukovitch avait déjà signé début novembre une loi interdisant à toute personne de se présenter à l'élection présidentielle si elle n'a pas vécu les dix dernières années sur le territoire ukrainien. Hors le boxeur a effectué sa carrière professionnelle en Allemagne. Cela ne l'arrêtera pas, il a déjà affirmé son intention de se présenter aux élections présidentielles de 2015.

En route vers une guerre civile ?

Une véritable guérilla sévit dans les rues de la capitale ukrainienne. La police a d'ailleurs chargé violemment les manifestants, provoquant la mort de cinq personnes. Si Vitali Klitschko tente de calmer la foule place de l'Indépendance cela ne l'empêche pas de dénoncer les autorités d'avoir recruté des « provocateurs, qui brûlent des voitures et cassent des vitrines ». Cela pour instaurer un climat de terreur dans les rues de Kiev et ainsi, « permettre au gouvernement d'instaurer l'état d'urgence ».

Cet appel au calme n'est pas très bien perçu du côté des révolutionnaires. « Il y a des gens qui sont morts et d'autres qui sont en prison. La position modérée de Klitschko s'éloigne de plus en plus de nos attentes », estime l'un des manifestants, avant d'ajouter: « On aimerait le voir un peu plus avec nous, près des barricades ».

Et pour la suite ?

« On sent qu'il y a des désaccords entre les trois responsables de l'opposition », peste le manifestant pro-européen, qui regrette que « personne ne prenne un vrai leadership ». « Cela ne nous aide pas ! ». Voilà la prochaine étape pour l'ancien boxeur.

Si Vitali Klitschko s'est déjà porté candidat pour l'élection présidentielle de 2015, il n'est pas exclu qu'il préfère retourner à ce qu'il sait faire de mieux. En effet, « Dr Ironfist » n'a officiellement toujours pas raccroché les gants, et est même toujours champion du monde en titre WBC. Un titre qu'il peut donc encore défendre, grâce au statut de champion émérite que lui a donné la WBC. Cependant, au regard de ce qui se passe en ce moment dans son pays, il est fort à parier qu'il choisira le terrain politique pour se battre. C'est en tous cas ce qu'a révélé son frère Wladimir mercredi dernier, en haranguant les manifestants : « N'abandonnez pas, sinon nous n'aurons pas d'élections justes en 2015 ». Et ce n'est pas les sondages qui le donnent favori pour l'élection 2015 qui le feront changer d'avis.

Notez