Abu Dhabi : l'art peut-il s'exporter ?

Tristana Perroncel
24 Octobre 2014


Riche puissance économique et financière des Emirats Arabes Unis, Abu Dhabi rêve de recentrer son tourisme sur la culture. La réunion récente d’institutions influentes, telles que le Guggenheim, le Louvre ou le British Museum, a créé une opportunité de développement pour l’émirat. Depuis, le gouvernement est plus attentif à la notion d’exportation de la culture.


Illustration du Louvre Abu Dhabi - Jean Nouvel
Carrefour d’activités, la ville a imaginé un projet d’envergure internationale : la construction d’un nouvel espace culturel sur l’île de Saadiyat. Grâce à l’emprunt du savoir-faire des institutions les plus reconnues, Abu Dhabi montre sa capacité à repenser son image en l’élevant au rang des plus anciennes nations européennes et américaines.

Les architectes les plus réputés de l’ère postmoderniste ont été sélectionnés pour la construction de ces édifices qui seront à l’origine de cette nouvelle étape dans l’approche muséale. Le manque de connaissance et d’expérience dans la création d’institution culturelle, a entraîné cette puissance arabique à s’associer au Louvre, au Guggenheim, et au British Museum. 

Le projet est en cours d’élaboration et l’aide occidentale a déjà commencé, par le prêt d’œuvres d’art aux musées émiratis. A titre d’exemple, un échantillon de collection appartenant au Louvre a été déplacé à Abu Dhabi, le temps d’une exposition estivale. 

Un projet ambitieux sujet à débat

Ce type de projet soulève néanmoins des débats. La culture peut-elle être déplacée ? Cette notion complexe avait déjà posé question au British Museum lors du débat sur les marbres du Parthénon. Les œuvres d’art peuvent-elles être lues dans un contexte étranger à leur lieu de création ? La question de l’expatriation de la culture revient au goût du jour alors que notre monde devient de plus en plus fragmenté.

Séparer une création artistique de sa nation d’origine, aurait pour conséquence d’en éliminer le sens, argumentent certains spécialistes. Le musée Guggenheim, qui met en avant l’Histoire de l’avant-garde artistique, est un haut-lieu de l’art contemporain, propre aux villes en pleine mutations artistiques telles que Paris et New York.

Un atout pour cette mégapole multiculturelle

Les cartes ont été redistribuées. La notion même d’identité nationale a évolué et les musées ne sont plus construits sous une seule et même logique. Alors que le Louvre était au 18ème siècle, le seul musée réunissant les arts de l’Europe entière, le 21ème siècle est placé sous le signe de l’évolution. L’effet à long terme de la mondialisation en place dans le monde contemporain, permet à la culture d’être partagée au travers des continents. 

Abu Dhabi, exemple type de ce phénomène, se trouve être le lieu propice à l’élaboration d’une culture fragmentée. Les habitants y sont d’origine diverses et tiennent à accéder à la culture facilement. La culture portative semble faire le plus grand bonheur de ses adeptes. 

L’ancienne implantation du Guggenheim à Bilbao, a montré que la publicité du musée new yorkais avait participé au boom culturel de la ville espagnole. Menacée par des problèmes économiques, la position de l’institution a favorisé la relance de Bilbao par l’expansion de son tourisme. Abu Dhabi, malgré sa productivité, cherche à équilibrer son économie, le gaz, une ressource primordiale, connu pour sa dépendance aux fluctuations du marché financier.

Cependant, si de nombreuses tentatives ont été mises en place pour promouvoir l’île de Saadiyat, Abu Dhabi est une ville qui privilégie un tourisme luxueux. Les résidences en construction près des lieux de culture sont destinées à une clientèle aisée. Ce facteur comptant, le tourisme de masse est écarté de l’idée de culture totale.

La puissance émiratie souhaite t-elle réellement réintégrer l’idée du musée comme institution élitiste ? Une démarche qui révèlerait un intérêt conservateur dans la politique de la cité émirienne, où la culture se compose d’éclats d’or.