Affaire de viol collectif à New Delhi, quatre condamnations à mort

Ramalingam.Va, traduit par Juliette Lallement
14 Septembre 2013


Le tribunal, chargé de l’instruction de l’affaire du viol à New Delhi depuis les neuf derniers mois, a rendu son verdict. Reconnus coupables, les accusés sont condamnés à la peine de mort, par pendaison. Le viol de l’étudiante en physiothérapie de 23 ans, de sortie avec un ami à New Delhi, avait secoué l’ensemble du pays.


Crédit Photo -- Altaf Qadri / Ap Photo
C’est en réalité la brutalité de l’acte qui a déclenché des protestations dans plusieurs quartiers. Des manifestations massives se sont déroulées dans plusieurs parties du pays, mais celle de New Delhi reste de loin la plus importante. L’opinion publique n’a eu cesse de requérir la peine capitale depuis que le tribunal a reconnu coupables les quatre accusés. C’est également le cas des parents de la victime (l’identité de la victime ne peut être révélée, conformément à la législation indienne) qui souhaitent que justice soit faite et que la peine de mort soit appliquée. Dans le souci de renforcer la sévérité en matière d’agression sexuelle, le gouvernement indien a amendé les lois contre le viol.

Un incident qui a brisé des vies

Tout commence le 16 décembre 2012. Une étudiante en physiothérapie âgée de 23 ans rentre chez elle, accompagnée de son ami, après être allés au cinéma. Sur le chemin du retour, ils rentrent en bus après y avoir été invités. Le compagnon de la victime est roué de coups et la jeune femme de 23 ans est entraînée de force à l’arrière du bus pour y être violée à plusieurs reprises par six individus, chacun leur tour. Ram Singh, Vinay Sharma, Akshay Thakur, Pawan Gupta et Mukesh Singh la violent brutalement. Parmi eux, un mineur. Selon les rapports médicaux, après avoir pénétré la victime à l’aide d’une barre de fer, ils ont arraché les intestins de la jeune fille. Après avoir été passés à tabac, la victime et son compagnon sont jetés hors du bus après avoir été dépouillés de leurs vêtements et de leur argent. Les accusés ont plus tard nettoyé le bus pour se débarrasser des preuves et ainsi ne pas être inquiétés.

La police les retrouve quelques jours plus tard alors que l’état de la victime est encore incertain. Par la suite, elle est transférée de l’hôpital Safdarjung de New Delhi vers un hôpital spécialisé à Singapour pour subir une greffe d’organes. Elle s’éteint malheureusement à Singapour, alimentant les protestations en faveur d’une peine plus lourde pour les accusés, désormais coupables d’un meurtre.

La commission du juge Verma

À la suite de ce crime révoltant, une commission d’experts dirigée par le juge Verma, ancien juge de la Cour suprême, a été convoquée par le gouvernement en vue d’analyser la situation et d’aboutir à des recommandations appropriées afin de modifier la législation, si nécessaire. La commission a invité l’opinion publique à émettre des suggestions qui ont été prises en compte puis transmises au gouvernement dans un délai d’un mois. La commission a finalement recommandé le non-recours à la peine capitale et a proposé une peine de sept ans d’emprisonnement, selon la gravité du crime commis. En cas d’« état végétatif » de la victime, le délai d’emprisonnement sera d’un minimum de 20 ans.

La participation d’une personne mineure à ce crime a donné lieu à des suggestions de la part de l’opinion publique de baisser l’âge des mineurs délinquants de 18 à 16 ans. La législation applicable aux mineurs prévoit une peine maximale de trois ans dans des maisons de correction pour mineurs. La commission s’est néanmoins opposée à cette suggestion. Les suggestions de cette commission ont été intégrées dans le droit pénal (amendement) de 2013 qui a ouvert la voie aux amendements du Code pénal indien concernant les lois relatives aux infractions sexuelles. Avant que ces recommandations ne passent devant le parlement, le Président de l’Inde avait promulgué une ordonnance avec prise d’effet immédiat.

Le procès et le jugement

Après neuf de mois de procès, tous les accusés ont été déclarés coupables de meurtre en vertu de la section 302 du CPI (code pénal indien). Alors que le mineur du groupe s’est pendu dans la cellule où il était détenu, les quatre autres accusés ont été condamnés à la peine capitale le vendredi (13 août) suite aux plaidoiries finales, le mercredi (11 août). Prononçant les condamnations, le juge Yogesh Khanna, juge supplémentaire du tribunal à procédure accélérée chargé de l’instruction de cette affaire, a déclaré qu’« en cette époque où les crimes contre les femmes sont en augmentation, les tribunaux ne peuvent détourner les yeux de crimes aussi horribles. Il ne saurait y avoir aucune tolérance face à toute forme de déviance contre les femmes et à plus forte raison dans des cas extrêmes de brutalité comme c’est le cas dans cette affaire et, par conséquent, le système juridique pénal se doit d’inspirer un sentiment de confiance dans l’esprit de la population et plus particulièrement des femmes ». Le juge a également qualifié le crime d’« acte horrifiant, bestial et sans précédents ».

La peine capitale n’est pas abolie en Inde, mais elle est toutefois appliquée pour les affaires « les plus rares parmi les rares ». Exprimant la terreur face à la torture inhumaine perpétrée par les accusés à l’encontre de la victime, le juge Yogesh Khanna a ordonné alors qu’il rendait son jugement que ces derniers soient pendus jusqu’à ce que mort s’en suive. Quelques jours auparavant, le mineur de cette affaire qui était âgé de 17 ans au moment des faits avait été condamné à trois ans d’emprisonnement par le comité des droits de l’enfant (conformément à la législation indienne, le nom du mineur ne peut être révélé). Ceci a soulevé des protestations parmi de nombreuses personnes, y compris les parents de la victime qui se sont indignés de la clémence de cette peine au regard du crime abominable auquel il a participé.

Au cours des derniers mois, les débats se sont multipliés autour de la peine capitale. Nombreux sont ceux qui remettent en question son effet dissuasif et qui déclarent que celle-ci, bien qu’en vigueur, n’a pas conduit à une baisse du taux de criminalité. Le cœur même de ce problème n’est pas la peine capitale en-soi, mais la sécurité des femmes dans le pays. Dans une société où les celles-ci sont vénérées et adulées comme des déesses, de tels crimes n’ont aucun sens. Se pose également la question du silence des femmes victimes de viols et d’autres formes d’agressions. Il est grand temps que le gouvernement fasse en sorte de faciliter et de rendre possible le signalement de tels crimes par les victimes.