Avec la fin du Ruhnama, une page se tourne au Turkménistan

La rédaction de FranceKoul
6 Aout 2013


La dernière directive du Ministère de l’Éducation du Turkménistan constitue une véritable révolution dans les domaines de la propagande et du culte de la personnalité, dans ce pays largement considéré comme la « Corée du Nord d’ Asie Centrale ». Elle marque en effet la fin de l’étude du Ruhnama dans les programmes scolaires à compter du 1er septembre 2013.


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La dernière directive du Ministère de l’Éducation du Turkménistan constitue une véritable révolution dans les domaines de la propagande et du culte de la personnalité, dans ce pays largement considéré comme la « Corée du Nord d’ Asie Centrale ». Elle marque en effet la fin de l’étude du Ruhnama dans les programmes scolaires à compter du 1er septembre 2013.

La clé de voûte du culte de la personnalité présidentielle

Paru en 2001, le Ruhnama figurait depuis 2002 comme un élément obligatoire du système scolaire turkmène, et ce à tous les niveaux, de l’école primaire à l’université. Largement présent dans les lieux publics, ce livre présenté comme un « livre saint » inspiré par Dieu fût pendant une dizaine d’années la clef de voûte du système d’endoctrinement de la jeunesse turkmène, ainsi qu’un élément incontournable du culte de la personnalité de l’ancien président Niyazov.

Chaque foyer se devait d’en posséder un exemplaire. « Septembre » et « Dimanche » furent renommés « Ruhnama » au Turkménistan, un « jour du Ruhnama » célèbrait chaque année cet ouvrage par des lectures publiques et des festivités dans tous le pays, et une gigantesque sculpture mobile du livre se dresse à Achgabat, la capitale. Plus remarquable encore, la traduction de cet ouvrage constituait, parallèlement aux pots de vins et aux cadeaux excentriques faits au président, un moyen efficace de s’arroger d’importants contrats avec l’Etat turkmène. L’entreprise française de construction Bouygues est ainsi à l’origine de la traduction en français du second tome du Ruhnama, paru en 2004. Le livre est aujourd’hui traduit en 41 langues.

La mort de Niyazov en 2006 marqua cependant le début d’un fléchissement du rôle du Ruhnama dans la vie publique turkmène. En 2008, le livre fût retiré du programme universitaire national. À partir de cette même année, les jours et les mois retrouvèrent leurs noms originaux en turkmène, le jour du Ruhnama ne fût plus marqué par de fastueuses célébrations, et les lectures du livre à la télévision se sont fait rares.

D’autre part, l’arrivée au pouvoir du nouveau Président Gurbanguly Berdimuhamedov en 2007 a été marquée par la disparition des pratiques les plus grossièrement ostensibles du culte de la personnalité qui émailla la présidence de Niyazov. Il mit un terme aux spectacles pompeux qui accueillaient son prédécesseur où qu’il aille, abandonna le droit présidentiel de renommer à sa guise institutions, villes et territoires, abolit le « serment sacré au président » quotidien dans les écoles, et annonça plusieurs fois son intention de déboulonner l’immense statue dorée de l’ancien président qui trône sur la place centrale d’Achgabat, et qui a la particularité de pivoter en permanence de manière à toujours faire face au soleil.

Nouveau livre, nouvelle ère

Il serait cependant illusoire de considérer l’arrivée au pouvoir de Gurbanguly Berdimuhamedov comme la fin du culte de la personnalité au Turkménistan. L’effacement du Ruhnama de la vie publique et de l’éducation nationale est une décision éminemment politique. Si Niyazov portait le titre de « père des Turkmènes », son successeur s’est lui autoproclamé « patron protecteur ». Berdimuhamedov a par ailleurs déclaré son intention dès 2011 d’écrire un nouveau livre national pour remplacer le Ruhnama. Des sources dans l’intelligentsia turkmènes ont confié anonymement à Radio Free Europe que le livre s’intitulerait soit « Turkmennama » (le Livre des Turkmènes), soit « Adamnama » (le Livre de l’Humanité).

Le président turkmène semble ainsi vouloir ancrer son règne dans la continuité de son prédécesseur. Si la période pendant laquelle Niyazov a été au pouvoir est présentée comme un « âge d’or », l’idéologie nationale chante les louanges de la présidence de Berdimuhamedov, « ère de la Grande Renaissance ». Loin de vouloir réduire l’importance du culte de la personnalité dans la vie publique turkmène, le président actuel gomme les manifestations les plus excentriques de la propagande de Niyazov, mais n’en renie pas l’héritage. S’il est indiscutablement plus moderne que son prédécesseur, Berdimuhamedov compte résolument immortaliser sa présidence en un chapitre grandiose de l’histoire du Turkménistan. Un nouveau livre pour une nouvelle ère.