Bastardo, quand la loi de la jungle prime en politique

2 Mai 2014


Bastardo a été projeté dans le cadre du festival Cinémas du Sud se déroulant à Lyon du 24 au 27 avril 2014. Gagnant le Grand Prix au festival international du cinéma méditerranéen de Tétouan, cette fiction tunisienne réalisée par Nejib Belkadhi propose une réflexion allégorique et politique.


Crédit Propaganda Productions
Le bruit des pop-corn s’estompent, les spectateurs ont les yeux rivés sur l’écran, le film commence. On fait la rencontre de Mohsen, un trentenaire qui subit son existence dans un quartier pauvre, terrorisé par un chef sans scrupules, Larnouba. Mohsen, retrouvé dans une poubelle de restaurant et adopté par un habitant du quartier est fréquemment raillé et traité de « bastardo ». Sa vie change lorsqu’il installe une antenne GSM sur son toit contre une rémunération mensuelle. 

L’antenne permet aux habitants d’accéder à la téléphonie mobile et à Mohsen de goûter à l’argent et au pouvoir. Alors que Larnouba lutte violemment pour se réapproprier le pouvoir, Mohsen se bat dans le but de venger son surnom tant détesté. Commence la déchéance physique et morale du personnage principal, qui paraissait innocent et naïf.

Différentes interprétations possibles

Le film décrit un monde fictif, allégorique d’une dure réalité. Si les occidentaux y voient une parabole contre la mondialisation, la téléphonie mobile devant rapprocher mais divisant au contraire le village, les Tunisiens y voient une critique politique. Le réalisateur Nejib Belkhadi confirme ce point de vue en affirmant qu’il entretient une relation d’amour mêlé à de la haine pour son pays. Ce film a été réalisé après six années de réflexion. 

L’écriture a commencé sous le régime de Ben Ali, a continué durant le Printemps arabe pour être terminé alors que le parti des frères Musulmans Ennahda entrait au gouvernement. C’est en s’inspirant de tous ces changements politiques et des actions des gouvernants que le réalisateur a créé un film sur la folie des grandeurs et la loi du talion qui priment en politique.

Un bon accueil du public

En somme, Bastardo est un film finement réalisé qui malgré la sombre morale arrive à nous faire sourire grâce à des allusions à la vie animale. Le très bon jeu d’acteurs et les personnages originaux, comme Bent Essengra, une femme qui attire les insectes sont à souligner. Bent Essengra est le seul personnage honnête, tous les autres semblent agir contrairement à leur personnalité. 

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Concernant la dualité de Mohsen, le réalisateur a confié dans une interview à Tuniculture : « En 2007, quand j’ai commencé à écrire ce scénario, je n’avais qu’une chose en tête : mon personnage principal, Bastardo, ne devait pas choisir le pouvoir. C’est plutôt le pouvoir qui le choisit ». On espère qu’il recouvre sa lucidité en vain, trop aveuglé par sa soif de reconnaissance, la mort est sa seule libération. Ce second long métrage de Nejib Belkhadi, a permis aux spectateurs de l’avant-première du film projeté à l’Institut Lumière de confirmer leur goût pour le cinéma tunisien. La salle était comble et les applaudissements mérités. 



Etudiante en deuxième année de journalisme à l'ISCPA Lyon, je suis passionnée par la culture et… En savoir plus sur cet auteur