Chasse à la baleine, les traditions contre les océans

1 Aout 2015


La chasse à la baleine intensive perdure dans trois pays : la Norvège, l’Islande et le Japon. Ces nations continuent de s’attaquer aux cétacés pour des raisons parfois obscures, bien que cette pratique soit ancrée dans les traditions locales. Une chasse qui s’effectue au total détriment de l’écologie. Les baleines sont en voie de disparition alors qu'elles sont indispensables au bon fonctionnement des océans.


Crédit BBC News Europe
Au début du mois de juillet, l’Islande a lancé sa nouvelle saison estivale de chasse à la baleine. Après avoir interrompu la chasse pendant 14 ans, l’île volcanique a redémarré cette pratique en 2006. Malgré les protestations et pétitions qui ont vu le jour cette année, le pays a tout de même relancé la traque. 800 000 signatures avaient été déposées contre le retour de la chasse pour 2015 : un chiffre significatif quand on sait que l’Islande compte environ 323 000 habitants. La pétition a donc dépassé les frontières, ce qui n’a pas empêché les centaines de tonnes de viande de baleine d’être exportées. En 2014, les baleiniers islandais ont tué 24 baleines de Minke et 134 rorquals communs.

Des règles et des opposants

Crédit : AP / Shuji Kajiyama
Il y a plus de mille ans de cela, les pêcheurs s’attaquaient déjà aux géantes des mers. Mais à l’époque, ces dernières pouvaient terroriser les marins par leur puissance et leur gigantisme. Aujourd’hui, les navires des chasseurs sont à l’abri des éventuelles vagues développées par les cétacés. Les harpons ont raison de la peau de l’animal. La pratique en devient plus aisée et perdure.

La chasse commerciale à la baleine est interdite depuis les années 80, et l’adoption d’un texte par la Commission baleinière internationale, chargée de réglementer cette chasse. Ainsi, tous les pays devraient en principe respecter cette règle, mais ne s'agissant pas d’une loi internationale, elle n’est donc pas reconnue par tous. L’Islande et la Norvège n’ont pas ratifié le moratoire de 1986 interdisant la chasse commerciale du cétacé. « Ils ne sont pas hors la loi. Les résolutions de la CBI ne sont pas obligatoires pour les États qui restent souverains. C'est le même fonctionnement qu'à l'ONU », rappelle pour le Journal International, Denis Ody, responsable WWF France pôle océan. Le Japon a, quant à lui, été interdit de chasse en Antarctique cette saison. Le pays a développé un rapport souhaitant démontrer que la chasse n’a pas de portée commerciale, mais un objectif scientifique. L’État japonais indique qu’il cherche à améliorer la connaissance de l’écosystème marin de l’Antarctique, et que ces pêches sont donc « nécessaires » aux analyses. Un « prétexte », selon Denis Ody. « La plupart de ces campagnes scientifiques n’ont pas montré de résultats, ou alors très peu ».
 

Le Japon reste un des principaux acheteurs de steak de baleine. En juin dernier, un navire islandais a quitté le port d’Hafnarfjördur, pour se rendre sur les côtes nippones, avec à son bord 1 700 tonnes de viande de baleine. Au total, 25 000 baleines auraient été massacrées par ces trois pays, depuis la mise en vigueur de l’interdiction de la chasse commerciale, selon les chiffres de l’ONG Sea Shepherd.

Un secteur pourtant pas si porteur

On pourrait penser que si ces pays continuent cette chasse, c’est qu’ils y voient des bénéfices économiques. Ce n’est pas le cas : les ventes de baleines sont en baisse depuis quelques années. En Islande, le tourisme pour observer les baleines rapporte même des millions de dollars chaque année. Harponner ces animaux s’assimile donc à envoyer une lance dans le pied de l’économie du pays. Or, ce sont presque majoritairement les touristes qui goûtent à la viande de baleine. En Islande et en Norvège, ils représentent une part importante de la demande locale.

Ainsi, ils contribuent à la continuité de la chasse exercée par ces deux pays. Localement, les Norvégiens et les Islandais goûtent de moins en moins à la baleine, ils ne sont pas si friands de cette chair déconseillée aux enfants car elle contient des métaux lourds. « La teneur en métaux lourds et en polluants, dans la viande et les graisses, peuvent provoquer des maladies graves en cas de consommation régulière », nous informe Charlotte Nithart, porte-parole de l’association environnementale Robin des Bois. Chez les Islandais, l’État subventionne la chasse, ce qui aide les baleiniers à payer leurs infrastructures et matériels de pêche. Au pays du soleil levant, le stock de viande de baleine a même atteint son taux le plus bas depuis quinze ans, de 1 157 tonnes tout de même. « La viande s’accumule, elle n’est pas consommée », relate Denis Ody.

La baisse se généralise. Alors pourquoi poursuivre ces chasses ? Les arguments des nations concernées divergent et ne sont pas toujours rationnels. « La Norvège et l’Islande ont un passé important de chasse à la baleine et aux autres mammifères marins comme les phoques. Ils ont aussi une grande zone économique exclusive en mer. Ils estiment, et c'est aussi le cas du Japon, que renoncer à la chasse à la baleine et céder aux pressions internationales les amèneraient à faire d'autres concessions dans le domaine des activités de pêche. La chasse à la baleine est une affirmation de la souveraineté », analyse Charlotte Nithart. Pour Denis Ody, il n’y a tout simplement « aucune raison de poursuivre cette chasse. C’est un jeu purement diplomatique. À la CBI, les États-Unis ont le même poids qu’un petit pays. C’est ​probablement ​un moyen pour eux de montrer qu’ils existent sur la scène internationale. Il n’y a pas d’enjeu économique ».

Finalement, ce sont plus les traditions culturelles qui sont mises en avant. « Il y a une certaine habitude, certes très en déclin mais ancrée, de manger de la viande de mammifères marins et d'utiliser d'autres parties de ces animaux pour les vêtements ou des usages domestiques ».
La chasse à la baleine serait pour eux, une sorte de besoin patriotique pour honorer les anciens. En Islande, cuisiner la baleine permettrait de vénérer l’ancienne cuisine viking. Certains commerçants ont même développé la bière à la baleine qui, selon leurs dires, ferait du consommateur « un vrai viking », car il retrouverait ses racines. Le gouvernement islandais assure que cette pêche est « durable » et qu’elle ne menace pas l’espèce.

La pêche de subsistance

Le Groenland, l’Alaska, Saint-Vincent les Grenadines, les îles Féroé ou encore la région de Tchoukotka en Sibérie orientale pratiquent la chasse dite de subsistance. Autrement dit, ils disposent de quotas réglementés et tolérés pour chasser la baleine, car celle-ci fait partie de leur patrimoine culturel, de leur tradition locale et de leur héritage commun. « Ce sont des permis attribués à des populations qui ont un mode de vie assez traditionnel. Sur le principe, si tout est respecté et qu’il n’y a pas d’excès, pourquoi pas ? », explique Denis Ody.

La chasse de subsistance est donc accordée aux peuples qui ont conservé cette tradition culturelle et sans laquelle leurs besoins ne seraient pas satisfaits. La chasse aborigène, tout comme la chasse scientifique, est ainsi admise par la CBI. D’autres pays demeurent assez opaques vis-à-vis de leurs volontés et pratiques. L’Indonésie, par exemple, pratique encore la chasse à la baleine et notamment sur l’île de Lembata. Là-bas, c’est une sorte de divertissement et de pratique ancestrale qui persiste.
 

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Aux Philippines, pays rétracteur de la Convention internationale pour la règlementation de la chasse à la baleine, la chasse perdure sans que des données chiffrées soient affichées au grand jour. Parfois de manière clandestine, souvent de manière violente, les pêcheurs philippins n’hésitent pas à utiliser de l’explosif pour remplir leurs filets. Des pratiques interdites par Manille mais persistantes au sein du pays. Aux îles Féroé, la chasse de subsistance se transforme en massacre de masse chaque année. C’est le « grindadràp », soit la « mise à mort des baleines » en féroïen.

La baleine contribue à l’équilibre marin

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Bien que protégés, les rorquals communs - mammifères marins parmi les plus pêchés par les baleiniers - sont menacés d’extinction. Ils subissent les attaques des chasseurs et leur population est en danger. Les nombreux navires naviguant près de leurs zones d’habitations, les filets de pêche, la diminution de leurs proies à cause de la surpêche et les sonars font également partie des difficultés que rencontre l'espèce lorsque l'heure est à la reproduction.

La baleine est particulièrement utile au bien-être de l’écosystème des océans. « Certaines espèces de baleines sillonnent les fonds océaniques à la recherche de proies comme des vers ou des crustacés planctoniques. Cette pratique de retournement et de dispersion des sédiments renforce la productivité biologique », explique Charlotte Nithart. Les carcasses de baleine servent d’habitation et de nutriments à certaines espèces vivant dans les fonds marins. Elles contribuent ainsi au bon développement de la nature sous-marine. Quand une baleine meurt, elle coule et apporte une forte quantité de carbone organique, du fait qu’elle s'échoue sur les planchers océaniques. Les baleines recyclent les nutriments et ses rejets fécaux favorisent l’essor du plancton. « Les baleines sont des éleveuses de plancton », assure-t-elle. Ses déjections permettent aussi d’absorber le dioxyde de carbone. La baleine dispose donc de capacités bénéfiques et primordiales pour l’écologie. « Depuis le berceau jusqu’à la tombe, le cycle de vie d’une baleine est utile au bien commun », conclut Charlotte Nithart. 

Chant du rorqual commun :

https://soundcloud.com/uw-today/finwhale-and-earthquake


La pêche aux gros est une expression qui illustre bien la chasse à la baleine. Ici, les gros en question sont faibles et de moins en moins présents au sein des mers et océans. Ils pèsent moins lourd, à la fois dans les océans et dans l’économie des pays chasseurs. Néanmoins, la perte la plus significative se profile dans la beauté animale, la biodiversité et l’équilibre des océans marins.



Diplômé en journalisme et en communication, j'ai toujours aimé écrire et filmer ce que je… En savoir plus sur cet auteur