Corée du Nord : la course au nucléaire

Jean-Baptiste Roncari
30 Janvier 2015


Des images satellites suggèrent que la Corée du Nord aurait remis en route le réacteur principal du complexe nucléaire de Yongbyon, situé au nord de la capitale. 6 kilogrammes de plutonium par année, c'est ce que serait en mesure de produire l'état totalitaire grâce à cet arsenal, soit une quantité suffisante pour élaborer une bombe nucléaire.


Exhibition d'un missile lors d'une parade militaire à Pyongyang en juillet 2013 Archives/Ed Jones/AFP
Le site de Yongbyon est spécialisé dans la recherche sur le nucléaire. On y distingue dix secteurs d'activités qui vont de l'institut de radioprotection à celui de recherche sur l'énergie nucléaire en passant par le laboratoire de radiochimie. Dans ce grand complexe, le réacteur de 5 mégawatts représente la principale source de plutonium. C'est ce réacteur, en arrêt suite à différents accords internationaux, qui semble reprendre de l'activité depuis un certain temps. Les images satellites tendent à confirmer ce que l'agence internationale de l'énergie atomique avait déjà noté fin août 2013. La reprise de l'activité avait alors été supposée au vu « des émanations de vapeur et des rejets d'eau de refroidissement ». 

Malgré les avertissements de la communauté internationale, le président Kim Jong-un ne semble pas vouloir interrompre les avancées nucléaires de son pays. Le réacteur lui avait déjà permis de mener à bien les essais nucléaires d'octobre 2006, de mai 2009 et de février 2013. La reprise de l'activité de ce réacteur, malgré les accords passés, lui permet de produire une quantité assurée de plutonium pour les prochaines années. 

Une Corée du Nord encore plus marginalisée avec le nucléaire

Pourtant, en ce début d'année 2015, le pays s'était dit prêt à revoir ses intentions en matière de nucléaire, à la seule condition que les États-Unis cessent leurs traditionnelles manœuvres militaires annuelles en territoire sud-coréen. Cette demande n'est pas nouvelle, mais le manque de confiance entre les deux pays expliquent probablement le statu quo de la situation. La Corée du Sud et les États-Unis affirment d'ailleurs que les exercices militaires qu'ils effectuent n'ont qu'une valeur défensive, visant à prévenir une éventuelle agression nord-coréenne. On peut alors se demander si la remise en marche du réacteur n'est pas le résultat de ces tensions, à défaut d'être seulement un moyen de pression supplémentaire. 

Quoi qu'il en soit, la Corée du Nord-est depuis longtemps un pays marginal. État le plus fermé au monde, il est également le seul à s'être retiré, en 2003, du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Les pays ayant signé ce traité, soit la quasi-totalité des pays du monde, s'engagent à ne pas aider un autre pays à acquérir l'arme nucléaire s'il la possède, ou à ne pas chercher à l'avoir s'il ne la possède pas. Bien entendu, la Corée du Nord voit cela comme contraire à ses intérêts et souhaite disposer de cette arme dissuasive à son aise. Le pays n'a, en outre, que faire des sanctions de l'ONU pour infraction aux avertissements de la communauté internationale contre l'expérimentation d'engins atomiques, en vue de se doter d'un arsenal nucléaire. 

Quelle puissance pour quelle menace ?

Complexe nucléaire de Yongbyon avant la démolition d'une tour de refroidissement. 27 juin 2008. Crédit Reuters
Quelle est alors la puissance nucléaire actuelle de la Corée du Nord ? La reprise de l'activité du réacteur nucléaire s'inscrit dans la logique des trois essais nucléaires perpétrés. Mais il ne s'agit là que de la face visible de l'iceberg. Car le pays reste très fermé et les informations fiables sont difficiles à obtenir. C'est ainsi que, le 17 mai 2013, un rapport militaire de Yonhap rectifia les estimations que l'on avait sur le pays à propos du nombre de missiles dont il disposait. Il ne possédait non pas 94 missiles de courte portée, mais 150. C'est avec la même prudence qu'il faut considérer les estimations que l'on a sur la puissance nucléaire nord-coréenne. Le complexe nucléaire de Yongbyon, fermé depuis 2007 et techniquement à l'arrêt depuis 2008, après la destruction des tours de refroidissement en vertu des accords passés, aurait ainsi repris son activité depuis 2013 selon des clichés satellites. Images auxquelles s'ajoutent les plus récentes, montrant une reprise de l'activité du réacteur nucléaire principal du complexe. 

Pour autant, faut-il craindre une menace nucléaire de la part de la Corée du Nord ? Il est bon de rappeler que celui qui possède l'arme nucléaire détruirait son pays en l'utilisant contre un autre. Quelle que soit la puissance nucléaire de la Corée du Nord, même si cela constitue une menace pour les autres pays, c'est aussi une menace pour elle-même. La Corée du Nord finira peut-être également par tenir compte des retombées diplomatiques qu'engendrent son comportement. Car ce sont de nouvelles sanctions qui l'attendent à chaque accord bafoué.