Côte d'Ivoire: le retour d'une crise politique ?

19 Novembre 2012


A la surprise générale, le président Alassane Ouattara a procédé mercredi dernier à la dissolution du gouvernement formé en mars dernier. Les raisons de cet acte restent l’objet de nombreuses spéculations malgré l’explication officielle donnée par la présidence.


Crise : le pourquoi d’une dissolution gouvernementale

Que se passe-t-il en Côte d’Ivoire ? Le pays serait-il à nouveau au bord d’une crise politique ? Assisterait-on à une division chez les alliés d’hier qui s’étaient unis contre Laurent Gbagbo ? Quoi qu’il en soit, l’actualité politique en Côte d’Ivoire reste dominée par la dissolution inattendue du gouvernement par l’actuel chef de l'État, Alassane Ouattara. En effet, c’est le 14 novembre dernier que, à la grande stupeur générale, Alassane Ouattara a décidé de dissoudre le gouvernement ivoirien en place depuis le mois de mars 2012, avant de se rendre au Vatican où il a été reçu vendredi 16 novembre par le Pape Benoît XVI. Etonnée de cette nouvelle, l’opinion ivoirienne, et même internationale, s’est lancée dans des spéculations sur les raisons d’une telle décision à laquelle personne ne s’attendait. Certes, les rumeurs d’un remaniement ministériel couraient dans le pays ; mais une suppression intégrale du gouvernement était inimaginable.

La raison officielle de cette débacle gouvernementale est le désaccord survenu mardi à l’Assemblée nationale entre la coalition au pouvoir (RDR-PDCI) sur un projet de loi portant sur le mariage et approuvé en Conseil des ministres. Le projet de loi en question prévoie de ne plus faire du mari le seul chef de famille. La présidence soutient alors que le PDCI et un petit groupe politique, l’UDPCI, ont voté contre ce projet tandis que le RDR a voté pour. Ce qui a posé, selon la présidence, un problème de cohérence au sein de la coalition au pouvoir.

Cette coalition, il faut le rappeler, s’était unie en novembre 2010 lors du second tour de la présidentielle dans le but de battre Laurent Gbagbo et de prendre le pouvoir. Le PDCI avait alors accepté de donner ses voix au RDR pour qu’Alassane Ouattara puisse gagner l’élection, afin que les deux camps se partagent le pouvoir.  Elle s’était à nouveau unie lors de la crise postélectorale pour faire partir Laurent Gbagbo du pouvoir. Ainsi, selon la présidence, cette logique de partenariat RDR-PDCI devait pousser les deux camps à toujours s’entendre sur des questions politiques, donc à toujours avoir la même position. Par conséquent, c’est ce « Non » émis par le PDCI au dit projet de loi qui a provoqué le courroux du Président.

Querelles de clans

le Président Alassane Ouattara a assisté à la cérémonie d’ouverture de la 1ère Session ordinaire de la nouvelle Assemblée Nationale
A contrario, pour le PDCI, le désaccord de mardi à l’Assemblée nationale que le pouvoir prend comme raison pour justifier la dissolution du gouvernement n’est qu’un prétexte. Ouattara se serait, selon le parti d’Henri Konan Bédié, servi de ce désaccord pour se séparer définitivement de son allié afin de diriger seul le pays. Mais pour la présidence, le « Non » de mardi n’a été que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Le pouvoir ne cachait en effet plus son mécontentement quant aux lenteurs gouvernementales dans la gestion des affaires du pays. Car, un an et demi après la prise du pouvoir par Alassane Ouattara, de nombreux dossiers restent non traités, bien que le pays peut se prévaloir d’une relative relance économique. Il s’agit principalement de la situation sécuritaire du pays, la question de la réconciliation nationale, et l’épineux problème des proches de Laurent Gbagbo qui ne sont toujours pas jugés depuis leur arrestation il y a plus d’un an. Or, Alassane Ouattara avait confié au gouvernement qu’il vient de dissoudre la mission de relever le pays après la crise politico-militaire meurtrière, entre décembre 2010 et avril 2011, qui a fait officiellement plus de 3 000 morts.

Par ailleurs, au nombre des raisons ayant entraîné la suppression du gouvernement, on peut ajouter la multiplication des attaques armées perpétrées contre les forces de sécurité et des sites sensibles du pays, attaques que la présidence attribue aux derniers fidèles de l’ex-président Laurent Gbagbo. Ces attaques ont touché l’est du pays et même Abidjan, la capitale économique où se trouve le palais présidentiel. Mais la crise née mercredi n’est que la face visible de l’iceberg. Les tensions entre le PDCI et le RDR sur la gestion du pays datent de longtemps. En effet, le premier s’est toujours plaint d’être en permanence floué par le second, tandis que le second a toujours reproché au premier ses atermoiements.

Pour l’heure, aucune information n’a été communiquée par la présidence sur la date de la formation du nouveau gouvernement. Le président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, a prévu de recevoir tous les groupes parlementaires pour discuter du projet de loi problématique ; projet qui devrait être à nouveau examiné au Parlement mercredi prochain.



Correspondant à Douala, au Cameroun, pour Le Journal International. En savoir plus sur cet auteur