Elections au Kenya : une victoire amère

11 Mars 2013


Les élections présidentielles kényanes ont vu la victoire le 9 mars d'Uhuru Kenyatta, accusé de crimes contre l'humanité et de fraudes électorales, marquant un recul de la démocratie au Kenya.


Dans la matinée du samedi 9 mars, les résultats des élections présidentielles au Kenya sont enfin tombés. Il aura fallu cinq jours pour apprendre la large victoire d’Uhuru Kenyatta contre Raila Odinga dès le premier tour, avec un taux de participation record, soit 85%. N’oublions pas de rappeler que le nouvel élu est inculpé de crimes contre l’humanité par la Cour Pénale Internationale (CPI). Il aurait joué un rôle actif dans les violences de 2007, lors des dernières élections présidentielles. Ses opposants politiques accusent par ailleurs la présence de fraude dans le dépouillement des scrutins. Par ces circonstances, pouvons-nous craindre à de nouvelles revendications violentes et massives ?

Le président sortant, Mwai Kibaki, a plaidé en faveur d’élections pacifiques dès le début de la campagne électorale. Le souvenir des violences de 2007 est toujours d’actualité et règne dans tous les esprits. Un incident pourrait représenter une menace pour le pays, comme ce fut le cas dans la nuit du 5 mars. Douze personnes dont six policiers ont été tuées suite à de virulents affrontements contre les forces de l’ordre. Il semblerait que le MRC, le Conseil Républicain Mombasa, soit à l’origine de ces violences en voulant boycotter le scrutin. Ce n’est pas la première fois que ce groupe terroriste se manifeste par les armes pour exprimer son opinion politique. A priori, ces attaques n’auraient pas perturbé le déroulement du scrutin. Elles confirment simplement la présence malheureuse de conflits politiques et sociaux.

Une élection contestable

Les gouvernants kenyans comme les puissances étrangères (les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Allemagne) craignent le retour des affrontements, notamment depuis l’annonce des résultats. Les adversaires de Kenyatta dénoncent une certaine irrégularité des scrutins, revendiquant la lenteur du dépouillement et la large victoire de Kenyatta dès le premier tour. L'adversaire de Kenyatta, Raila Odinga, a annoncé qu’il allait contester cette victoire devant la justice, soupçonnant des fraudes massives tout en précisant que « la violence maintenant pourrait détruire ce pays pour toujours ».

Quant à lui, Kenyatta offrirait une main tendue à Odinga : « J'invite tous les candidats (à la présidentielle) à nous aider à faire avancer notre nation », a-t-il déclaré. Un appel collectif vers la paix et la solidarité qui s’inscrirait très certainement dans un jeu politique d’hypocrisie.

Inculpé de crimes contre l’humanité par la CPI, Kenyatta aurait joué un rôle actif dans les violences de 2007, notamment en mobilisant le groupe criminel des Mungiki afin de porter secours à sa communauté kikuyu. Mais il continue de nier les faits, poursuivant la ligne royale de son père, Jomo Kenyatta, le premier président du Kenya indépendant entre 1964 et 1978. Et sa position de président ne va que retarder le procès. Beaucoup compare d'ailleurs ce scrutin à un référendum pour ou contre la CPI. Raila Odinga serait le seul responsable de cette polémique et de ses différends avec la justice internationale, selon Kenyatta.

Une ouverture vers le progrès ?

Quel avenir s’offre au Kenya face à cette instabilité croissante ? Ce qui est certain, c’est qu’il faut relativiser la situation de ce pays. Depuis le conflit post-électoral de 2007-2008, des progrès significatifs ont touché le pays. En août 2010 est apparue une nouvelle constitution permettant une décentralisation très poussée des institutions et une nouvelle structure du pouvoir kényan. Celle-ci a introduit un parlement bicaméral, des gouverneurs et un système électoral équitable - auparavant, le vainqueur des élections présidentielles raflait tous les postes. Adoptée par référendum, la constitution semble être le prémice d’un Etat de droit.

Or, en ce qui concerne son bilan économique, celui-ci se trouve à la baisse. Bien que le pays continue d’attirer des investisseurs étrangers, les violences de 2007 ont terni son image de stabilité. Si l’on se tourne vers certains événements comme le scandale Goldenberg, la croissance économique du pays est assombrie par les nombreuses affaires de corruption. La journaliste britannique Michela Wrong décrit d’ailleurs cette situation dans son livre It’s Our Turn to Eat.

Le chemin vers la paix et la stabilité est encore long pour le Kenya. Le pays semble redoubler d’efforts pour y parvenir et tente de faire abstraction des conflits interethniques. Il faut maintenant espérer qu’Uhuru Kenyatta conduira sa politique sur la voie du progrès.



Passionnée par le monde du théâtre et du journalisme, je poursuis également des études de… En savoir plus sur cet auteur