Espagne : le pari démocratique du Parti X

Valentin Berthoux
7 Novembre 2013


Mardi 8 octobre, le parti X (ou « parti du futur ») est sorti de l’ombre en Espagne en présentant son équipe aux citoyens. Le Journal International est allé à la rencontre de ce nouveau parti. « Démocratie, un point c’est tout » : héritier du mouvement des indignés, ce slogan brille sur la scène politique espagnole tant il fait résonance aux nombreuses affaires de corruption qui touchent un pays déjà plombé par une crise économique très difficile .


Crédits photo -- AP/LAPRESSE
Basant la majorité de sa communication sur internet et revendiquant une organisation démocratique, horizontale, ouverte à tout citoyen, le parti X compte bien imposer ses idées de réforme du système politique et son remède contre la crise. 

Le Journal International : Comment s’est déroulée l’inauguration officielle du parti ? Aujourd’hui est-il facile de créer un nouveau parti politique en Espagne ?

Parti X : Plus que l’inauguration officielle du parti, qui a été enregistrée officiellement il y a un an, c’était la présentation du Réseau Citoyen Parti X. Cela consistait en une présentation de quelques personnes qui travaillent au sein de ce réseau, de ce lobby de pression citoyen par lequel nous réclamons plus de démocratie et un plan d’urgence pour sortir de la crise. Nous développerons un programme grâce au consensus entre les citoyens sur différentes thématiques : éducation, industrie et développement, santé, propriété, environnement et énergie, transport et société de l’information. Créer un nouveau parti en Espagne n’est pas quelque chose de difficile. Depuis le mouvement des indignés, plus de 400 partis se sont créés ou ont disparu. Mais ce qui ne s’est jamais fait, c’est organiser un réseau de citoyens pour concrétiser efficacement un ensemble de mesure grâce au consensus.


JI: Avez-vous déjà beaucoup de membres ? Y a-t-il un profil d’individu qui décide de s’engager dans votre parti ?

Parti X : Il n’y a pas de membres dans notre parti, mais des collaborateurs pour chaque thématique avec pour chacun des objectifs différents. Il y a plus de 10 000 personnes qui se sont inscrites à « l’Agenda X » et qui se tiennent informées de toutes les activités du réseau citoyen par mail. 160 personnes se sont engagés dans un autre espace de collaboration qui nécessite une implication plus importante. Enfin, il y a un 3e groupe de 50 citoyens qui ont une charge travail plus intense et une implication beaucoup plus profonde.

Il existe un profil du citoyen qui souhaite s’engager, celui du citoyen qui ne croit plus dans les solutions que proposent les partis et gouvernements traditionnels parce que leurs intérêts ne sont en réalité pas ceux des citoyens. Ces gens décident de travailler avec nous pour catalyser les solutions que proposent déjà la société civile et les experts.

JI : « Démocratie, un point c’est tout » : Le parti se présente comme le défenseur de la démocratie. Considérez-vous qu’aujourd’hui le système politique espagnol n’est pas assez démocratique ?

Parti X : La démocratie signifie que le pouvoir est entre les mains des citoyens. Quand les décisions qui sont prises par les gouvernements vont à l’encontre des représentés alors le pacte démocratique est rompu. Le système politique espagnol est un chèque en blanc que nous donnons à quelques hommes politiques tous les 4 ans. Pendant ce temps, nous ne disposons de plus aucun mécanisme de contrôle du gouvernement et des institutions. Ce que nous voulons ce n’est pas un mécanisme pour pouvoir participer au quotidien, mais une assurance que les décisions qui sont prises ne sont pas complètement éloignées des nécessités des citoyens et qu’elles ne sont pas en faveur des lobbies des entreprises et des banques.

JI : Quels sont vos premiers objectifs politiques et électoraux ?

Parti X : Aujourd’hui, nous sommes en phase de propositions ouvertes à tous les citoyens pour élaborer notre plan d’urgence de sortie de crise. Par la suite nous ouvrirons différentes thématiques : santé, éducation, etc. Nous travaillons de manière séquencée, c’est-à-dire, que nous ouvrons une thématique une fois que nous en avons fermé la précédente. À propos des objectifs électoraux, ce sera la décision du Réseau Citoyen au fur et à mesure de notre préparation. En réalité, notre objectif politique est de voir mettre en place nos mesures proposées. Si pour cela nous devons nous présenter à des élections, alors nous le ferons.

JI : Comment est organisé le parti ? De quelle manière sont adoptées les positions officielles du parti ?

Parti X : Nous sommes organisés en réseau, grâce à une participation séquencée et à la fédération des compétences. Les positions officielles s’adoptent en prenant en compte la pondération entre implications, expérience dans une certaine thématique, la rigueur des objectifs communs, le respect pour la méthode de travail et l’ancienneté. En général, nous travaillons de manière autonome et transparente. Les personnes chargées d’une thématique prennent les décisions et nous les bloquons seulement si le Réseau Citoyen détecte un problème, pour alors ouvrir le sujet au débat.

JI : Votre communication se base beaucoup sur internet. Quels sont les avantages et les inconvénients de ce type de communication ?

Parti X : Internet est un outil qui nous permet de travailler en instantané depuis différents endroits du territoire. Nous avons pu travailler jusqu’à aujourd’hui de cette façon grâce à internet. Depuis quelques jours plusieurs noyaux à différents endroits du territoire se sont créés et notre objectif est maintenant d’amener les propositions et le travail réalisé dans la rue, à la portée des citoyens.

JI : Selon vous, les parties politiques doivent-ils se réformer vers une structure avec une hiérarchie moins marquée? La hiérarchie peut-elle favoriser la corruption ?

Parti X : La structure des partis politiques est restée la même depuis 2 siècles. Pourtant les manières de travailler et de communiquer ont totalement changé. Toutes les structures du gouvernement, de l’administration et des partis politiques devraient embrasser les dynamiques qui se créent au 21e siècle. La hiérarchie favorise l’immobilisme, le manque de flexibilité et de perméabilité nécessaires pour être à l’écoute des demandes de la société civile. Cela augmente les risques que certains se laissent corrompre. Contre cela, en plus de moins de verticalité, il est nécessaire d’instaurer plus de transparence, de vigilance et de leadership partagé.

JI : En France, les partis classiques souffrent d’une importante baisse de soutien depuis la crise. Comment expliquez-vous cette attitude vis-à-vis des partis traditionnels ? Que pensez-vous de la montée des partis extrémistes et populistes en France et en Europe ?

Parti X : Il y a une crise de confiance dans les partis traditionnels dans le monde entier. Ils ont démontré leur inefficacité et leur mauvaise gestion. Nous, les citoyens avons besoin d’un changement. La situation est désespérée. Historiquement, ces situations ont toujours ouvert la porte aux partis et mouvements extrémistes. Pour cette raison, nous croyons qu’il est nécessaire de travailler sur une autre manière, de faire les choses autrement. Quelque chose comme un pacte entre les citoyens qui réduise les divergences et qui renforce le consensus.

JI : Pensez-vous un jour étendre votre parti à l'échelle européenne ?

Parti X : En Europe, beaucoup de choses se décident et ont une répercussion sur les citoyens de l’État espagnol, par exemple la question de la dette espagnole. Nous ne tournons pas le dos à l’Europe parce que nous pensons que les demandes citoyennes doivent aussi se faire entendre là-bas. De plus, nous prenons comme exemple dans notre programme des mécanismes comme la transparence mise en place en Suède, au Danemark ou en Finlande et également le référendum suisse. Nous réutilisons des idées qui ont déjà été proposées et mises en place, tout en essayant de les améliorer en les couplant avec d’autres mesures. Nous offrons ces solutions à quiconque serait intéressé. Si à un moment donné, les citoyens européens utilisent notre programme et notre méthode de travail comme référence alors ce sera une bonne nouvelle pour l’ensemble de la société.