États-Unis : Hyperloop, le projet fou du milliardaire Elon Musk

8 Aout 2013


Le fondateur de PayPal, SpaceX et Tesla Motors dévoilera le 12 août son projet d’Hyperloop, un moyen de transport capable de relier Los Angeles et San Francisco en 30 minutes.


Crédits photo : Shutterstock
Circuler dans une capsule propulsée à la vitesse du son par un canon électromagnétique, l’idée pourrait figurer dans l’un des romans de science-fiction de Jules Verne ou d’Isaac Asimov. Elle serait en passe de devenir réalité grâce à un autre visionnaire : Elon Musk.

Présenté en juillet dernier pour la première fois par ce quadragénaire d’origine sud-africaine, l’Hyperloop attise toutes les spéculations. Une première version pourrait joindre, en moins de 30 minutes, Los Angeles et San Francisco, distants de près de 550 kilomètres. Elle ne coûterait que 6 milliards de dollars, à comparer aux 69 milliards de dollars du projet de ligne à grande vitesse actuellement mené par l’État de Californie pour relier les deux villes. Un record mondial, mais qui accoucherait, selon Musk, du train « le plus lent de sa catégorie et le plus cher au kilomètre. »

Sans risque d’accident et plus rapide qu’un avion

On sait déjà que ce prototype pourrait voyager « deux fois plus rapidement qu’un avion », cela « sans risque d’accident et sans être impacté par la météo », et qui plus est en coûtant « moins cher qu’un billet d’avion ou de train ». Lors de la conférence D11, événement annuel organisé en mai par AllThingsDigital, l’un des médias high-tech de référence outre-Atlantique, Elon Musk est revenu sur le projet : un « croisement entre le Concorde, un canon électromagnétique et une table de Air Hockey. »

Pour le moment, rien n’a filtré concernant la technologie utilisée dans le cadre du projet. Les médias américains et français ont souvent comparé – ou confondu - ce dernier avec le projet « Evacuated Tube Transport Technology » réalisé par la start-up concurrente ET3. Un système proche des réseaux pneumatiques encore utilisés pour le transport de colis ou d’espèces dans les banques et les hypermarchés : une capsule accueillant de quatre à six passagers voyagerait dans des tubes dépressurisés grâce au différentiel de pression. Légères – environ 440 kg – et libérées de toute friction, les capsules pourraient atteindre la vitesse ahurissante de 6500 kilomètres / heure et ainsi relier New York et Los Angeles en moins d’une heure, voire New York et Pékin en moins de deux… Du « voyage spatial sur Terre » selon ET3. Cependant, la start-up n’a aucun lien avec Elon Musk, lequel avait d’ailleurs indiqué sur Twitter en juillet dernier que l’Hyperloop ne serait pas un « vacuum tunnel », comprenez un tunnel sous vide.

Un projet développé en Open Source pour faciliter sa diffusion


Une fois sur les bons rails, l’Hyperloop prendrait la forme d’une capsule propulsée par des canons électromagnétiques dans des tunnels entourés d’une couche d’air sous très haute pression. Reprenant le fonctionnement du jeu d’Air Hockey (qui consiste à s’envoyer des palais glissant sur de l’air diffusé par de minuscules trous sur la surface de la table), les capsules seraient portées sur un coussin d’air jusqu’à leur destination avant d’être stoppées à nouveau par la force magnétique. L’air présent entre deux capsules éviterait ainsi les éventuelles collisions. Non polluant, l’ensemble du réseau serait alimenté par des panneaux solaires (Elon Musk dirige le conseil d’administration de Solar City, premier fournisseur américain), disposés le long des tubes et serait parfaitement autonome.

C’est ce qu’ont imaginé de nombreux internautes. Sur Twitter, John Gardi a proposé un schéma de l'hyperloop, repris par le site The Verge. Il est qualifié par Elon Musk lui-même du mode de fonctionnement le plus proche de celui de l’Hyperloop.

Dernière originalité : Elon Musk affiche depuis le premier jour la volonté de développer l’Hyperloop en Open Source, sans qu’aucun brevet ne soit déposé. « Je déteste les brevets à moins qu’ils soient essentiels à la survie de l’entreprise » a-t-il tweeté. Les sociétés et particuliers auraient la possibilité d’intégrer l’ensemble de la technologie dans leurs propres projets, accélérant ainsi le développement et la diffusion de l’Hyperloop.

La technologie de ET3 pourrait refaire surface. Selon CNN, Elon Musk avait trouvé le projet d’ET3 « sur la bonne voie » mais manquant encore de certains « composants clefs ». Faut-il y voir une collaboration future, puisque Elon Musk a déjà annoncé qu’il ne s’impliquerait pas totalement et seul dans le projet ? Premiers éléments de réponse le 12 août.

Elon Musk, milliardaire fantasque ou visionnaire ?

Elon Musk | Crédits photo -- Asa Mathat
Si le flou autour de l’Hyperloop ne sera dissipé qu’à cette date, cette démarche collaborative donne un aperçu de la personnalité atypique d’Elon Musk. « La meilleure chose à faire pour moi après PayPal aurait été de commencer une nouvelle société Internet », avouait lors de la conférence D11 celui qui a revendu la société de paiement en ligne à eBay en 2002 contre 1,5 milliard de dollars et dont la légende lui attribue l’art du codage dès l’âge de 12 ans. Au contraire, l’entrepreneur décide de s’impliquer dans des problématiques bien plus globales : le réchauffement climatique et l’exploration spatiale.

Dans une interview accordée au Time, il dit avoir pour objectif d’agir sur « les problèmes qui vont affecter l’avenir de l’humanité ». En 2002, il créait SpaceX, qui deviendra la première société privée à voler vers la Station Spatiale Internationale après la signature avec la NASA d’un contrat de 1,6 milliard de dollars pour l’acheminement de fret. Fort de ce succès, Elon Musk, aussi titulaire d’un doctorat en ingénierie aérospatiale, rêve maintenant d’envoyer une mission vers Mars. « L’humanité fait face à des dangers que même les dinosaures n’ont pas rencontrés. Nous devons développer les technologies spatiales pour être capables de rejoindre Mars en cas de catastrophe majeure », rappelle celui qui a servi de modèle à Robert Downey Junior et à Jon Favreau, pour créer le personnage de Tony Stark. Avant de plaisanter: « J’aimerais mourir sur Mars, mais pas lors de l’impact » !

La lutte contre le réchauffement climatique fait sa fortune

Cette année, c’est son engagement écologique qui a propulsé Elon Musk sur le devant de la scène. Outre l’Hyperloop, il a affolé les cours de la Bourse avec ses berlines électriques produites par Tesla Motors, constructeur dans lequel il avait investi en 2003 et à la tête duquel il siège depuis 2008. Après l’annonce des premiers bénéfices en début d’année et du remboursement d’un prêt de 450 millions de dollars au gouvernement américain avec 9 ans d’avance, l’action Tesla Motors s’est envolée en mai dernier de 175%. « Maintenant que nous sommes rentables, les autres constructeurs sont plus susceptibles de lancer des véhicules électriques » s’est alors réjoui le milliardaire.

Même succès pour Solar City. La start-up californienne est l’un des principaux fournisseurs d’électricité aux États-Unis, en se basant sur un modèle simple : louer le toit des maisons pour y installer des panneaux solaires. Les propriétaires ne payent pas leur consommation et le surplus est revendu aux entreprises ou aux États. En bourse depuis décembre 2012, la valorisation de la start-up a depuis été multipliée par 5 ! Les succès de ces deux sociétés ont permis au milliardaire de s’enrichir de 2,9 milliards de dollars pour une fortune globale estimée à 4,5 milliards…

Souvent raillé, Elon Musk est toujours parvenu à ses fins. Le projet Hyperloop, s’il suit la tendance de ses prédécesseurs, pourrait bel et bien s’imposer comme le « 5e mode de transport après le bateau, l’avion, la voiture et le train » promis par son créateur. Une affirmation à ne pas prendre à la légère, venant de quelqu’un qui semble toujours avoir plus d’un train d’avance.



Étudiant en journalisme économique au magistère JCO (Aix-Marseille Université), je suis aussi… En savoir plus sur cet auteur