Groenland : un environnement menacé… depuis 980

11 Janvier 2013


Quand on pense au Groenland, on voit une terre immense, froide, blanche et désertique. Sans intérêt. Pourtant, cette île attise la convoitise des hommes depuis des siècles, toujours au détriment de son environnement.


« Groenland » veut dire « terre verte » en vieux norrois, la langue viking. Pourtant le vert n’est pas la première couleur que nous évoque cette grande terre couverte de glace - son territoire équivalant à 4 fois la France, dont 81% en glace. On pense qu’Erik le Rouge, le premier Viking à coloniser l’île, aurait voulu attirer ses compatriotes sur cette terre hostile en la baptisant d’un nom évocateur et attrayant. Mais on sait aussi maintenant que le Groenland que découvrit Erik le Rouge était bien plus verdoyant que celui que nous connaissons aujourd’hui. Récit d’une nature menacée du IXe au XXIe siècle.

Les Vikings et leurs moutons : la fin de la forêt groenlandaise

Les Vikings sont arrivés au Groenland pour y fonder une colonie au IXe siècle. Ils y sont restés plus de quatre siècles avant de disparaître aux alentours de 1430. Les Inuits étaient présents sur l’île au même moment et y sont demeurés jusqu’à nos jours. Longtemps la disparition des Vikings du Groenland est restée un mystère, on sait désormais qu’elle est le fruit de plusieurs facteurs dont la destruction de leur environnement. Les Vikings, contrairement aux Inuits, étaient un peuple d’éleveurs. A leur arrivée dans les fjords hostiles de l’île, ils coupèrent le bois des forêts pour construire leurs habitations et constituer des champs et des pâturages pour leurs bêtes. Ce qu’ils ne savaient pas c’est que le Groenland, ce n’est pas la Norvège, et qu’en coupant ces arbres ils mettaient à nu les sols et décimaient des forêts qui avaient mis des milliers d’années à se constituer. L’élevage de moutons empêcha les plantes de repousser. On ne vit bientôt plus d’arbres au Groenland. Le vent et les glaciers balayèrent les sols qui devinrent stériles. Très vite, manquant de foin pour nourrir leurs bêtes en hiver, les Vikings abandonnèrent l’élevage des gros animaux, manquant de charbon de bois, ils ne purent fabriquer d’outils et durent importer du bois et du fer de Norvège. Suite au refroidissement climatique du XVe siècle (début du petit âge glaciaire), l’accès à la Norvège fut coupé, les derniers Vikings moururent de famine et de froid par manque de viande et de bois de chauffage. Ils disparurent faute d’avoir su s’adapter à d’autres normes alimentaires, comme celles des Inuits qui chassaient la baleine, et surtout faute d’avoir su protéger les ressources de leur environnement. La terre du Groenland telle qu’on la connaît a donc été façonnée par l’arrivée des Vikings.

Le Groenland, chasse gardée mais pas protégée des Etats-Unis

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Groenland est un territoire stratégique pour le contrôle de… la météo. Les Etats-Unis installent une base de surveillance aérienne à Thulé alors que les navires allemands tentent de prendre l’île pour avoir des données météorologiques fiables. Le Danemark est alors occupé par les Allemands et les fonctionnaires du Groenland se placent sous domination américaine.

Après guerre, les Etats-Unis conservent leur contrôle militaire sur l’île. Pendant la guerre froide, le Groenland devient un avant-poste des Etats-Unis qui convertissent la base de Thulé en base aérienne anti-missile. La base est agrandie en 1953, les Inuits vivant à proximité sont expulsés. L’île devient une zone militaire de l’OTAN gérée par le Danemark et les Etats-Unis. Depuis le Groenland, les Etats-Unis contrôlent la sortie éventuelle des ports soviétiques vers l’océan Atlantique. Sous couvert d’exploration scientifique polaire, ils décident de construire un réseau de tunnels sous la glace d’une centaine de kilomètres pour le déplacement de réacteurs nucléaires mobiles. Le projet est abandonné en cours de route, les experts estiment que les tunnels ne résisteront pas. On n’ose imaginer les conséquences qu’auraient pu avoir un tel chantier. En revanche, la base de Thulé est en pleine activité et le 21 janvier 1968, un Boeing américain contenant 4 bombes H s’écrase sur la base. Aucune arme nucléaire ne devait passer par le Groenland selon les accords de l’OTAN. Du plutonium se répand sur la glace, le nettoyage permet de récupérer trois des quatre bombes. Le Danemark et les Etats-Unis n’ont toujours pas reconnu la perte de la quatrième bombe. L’accident de Thulé a eu de graves conséquences sur la faune dont on ne mesure pas encore toute l’étendue. Après la guerre froide le Groenland a perdu son intérêt militaire.

Vive le réchauffement climatique !

En 2010, dans le contexte de la course des Etatsz aux ressources minières, le Groenland fait de nouveau parler de lui. Les scientifiques estiment alors que le Groenland recèle l’équivalent de la moitié des ressources en hydrocarbure de l’Arabie. L’Arctique dans son ensemble détiendrait 25% des réserves mondiales. Bonne nouvelle. Il reste un problème, en raison de l’épaisse couche de glace, ces ressources ne sont pas accessibles. Qu’à cela ne tienne ! Le réchauffement climatique et la fonte des glaces rendront ses ressources accessibles dans quelques années. La calotte glaciaire a déjà fondu de moitié en moins de 50 ans. Il devrait être possible de passer de l’Europe à l’Asie en passant par le Nord de la Norvège autour de 2035, ce qui fait le bonheur des grandes compagnies pétrolières et des Groenlandais. Outre les hydrocarbures, le Groenland possèderait aussi d’importants filons de minerais rares (or, uranium, diamants). Grâce à ces ressources stratégiques très recherchées, les Groenlandais –descendants majoritairement des Inuits – espèrent franchir une étape de plus dans le processus d’indépendance du Groenland face au Danemark. La Chine, le Canada, l’Union Européenne se sont lancés dans l’exploration. Mais le bilan de 2012 est contrasté. En deux ans, les explorations n’ont rien donné alors que les investissements des entreprises étaient colossaux.

Malgré la fonte des glaces, les forages off-shore restent encore très incertains et difficiles à mettre en place. Certaines groupes miniers ont déjà abandonné après les découvertes récentes d’autres gisements plus accessibles et moins couteux en installation et en main-d’œuvre (Mongolie, Amérique du Sud). Le projet est donc en attente. Les ONG comme WWF et Greenpeace font pression pour l’arrêt total des explorations qui mettent en danger une faune marine et des fjords très fragiles. L’hostilité du climat groenlandais a encore une fois refroidi les ambitions de ceux qui ont voulu s’accaparer ses ressources. Mais alors que l’avenir s’annonce chaud, l’écosystème de l’île est plus que jamais menacé.



Rédactrice pour le Journal International, passionnée d'histoires et de géographie, je suis… En savoir plus sur cet auteur