Guarani-Kaiowà, peuple menacé (1/3)

Un génocide

6 Aout 2015


À l'occasion du « sommet des consciences sur le climat », Valdelice Veron, leader Guarani-Kaiowá, est venue prononcer à Paris le 21 juillet dernier devant le Conseil économique, social et environnemental (CESE) un témoignage saisissant sur la situation de détresse dans laquelle se trouve son peuple, intitulé « Why do I care ». Après des années de combat dans l'indifférence générale, cela pourrait peut-être marquer le début d'une prise de conscience réelle de la communauté internationale à ce sujet. Toutefois, le chemin est encore long et l'opinion publique, loin d'être sensibilisée.


Génocide. Le mot est fort. C'est celui employé par les Guarani-Kaiowás eux-mêmes ainsi que par leurs défenseurs. Chiffres à l'appui, le terme paraît approprié : cette dernière décennie, près de 300 d'entre eux ont été assassinés.


Le massacre

Poison versé dans leurs sources, incendies criminels, avec notamment l'exemple assez récent du 22 juin dernier, où un enfant a perdu la vie et un village entier a été détruit, recours à des tueurs à gages... Les méthodes employées sont diverses. Pourquoi subissent-ils cela ? Parce que leur « tekoha », c'est-à-dire le territoire où ils vivent, celui où reposent leurs ancêtres, n'est ni plus ni moins qu'un territoire cultivable pour les grands fermiers brésiliens. Victimes tout comme l'ensemble de l'écosystème de la déforestation massive de l'agro-industrie, ils se retrouvent agglutinés dans des campements de fortune en périphérie ou au bord des routes.


Outre les meurtres fréquents, le quotidien des Guarani-Kaiowás reste tragique. Vivant souvent dans une grande pauvreté, la malnutrition les touche particulièrement. Environ 80% d'entre eux dépendent de bons alimentaires de l'État, souvent distribués en faible quantité et à des fréquences aléatoires. Leur espérance de vie est donc très courte : 45 ans pour les adultes contre 73 ans pour les Brésiliens en général. Pour ce qui est des enfants, ils ont une espérance de vie plus courte de 14 ans que celle d'enfants irakiens, nés dans un pays en guerre. Le suicide est également beaucoup plus fréquent dans cette communauté que dans le reste du pays. Plusieurs cas de suicide infantile ont même été recensés, phénomène très rare à travers le monde.


Exploités par l'industrie

Pour survivre, la plupart d'entre eux travaillent dans les plantations ou les usines de l'agro-industrie. Leur situation de pauvreté permet à leurs employeurs de les faire travailler pour des salaires dérisoires dans des conditions s'apparentant parfois à de l'esclavagisme moderne. Parmi les entreprises mises en cause pour ces pratiques, on compte la multinationale française Louis Dreyfus Commodities par le biais de sa filière brésilienne Bioenergia. En novembre 2009, le groupe avait été condamné par la justice pour sous-traitance de main-d’œuvre illégale et non-respect du droit du travail. 


La rédaction a tenté de joindre Bioenergia, pour savoir comment la situation avait évolué sur place depuis la condamnation, mais l'entreprise ne nous a, à ce jour, pas communiqué de réponse. Suite à la prise de parole de Valdelice Veron devant le CESE, l'ONG Envol Vert appelait sur son site internet Louis Dreyfus Commodities à « mettre en place sans plus attendre une politique Zéro déforestation sur toutes leurs matières premières ».

Pour leur survie, les Guarani-Kaiowás se défendent notamment par la voie juridique, en luttant contre l'accaparement illégal des terres. Insistant sur le fait que leur révolte est toujours restée non-violente, ils tentent également de sensibiliser la population à leur sort.