Hamas : entre religion, politique et nationalisme

Valérian Virmaux
21 Juillet 2014


Hamas est un acronyme signifiant « zèle ». Cette organisation provient d’une scission dans la branche palestinienne des Frères musulmans qui, accusé de faiblesse vis-à-vis d’Israël, verra ses jeunes militants se séparer et créer cette organisation militaro-politique en 1987. Si le Hamas se construit en opposition à l’OLP et au Fatah « laïcs » c’est parce que ces derniers, corrompus et décrédibilisés sur la scène palestinienne depuis de nombreuses années, ont étés inefficaces dans l’accomplissement de leurs promesses. Le Hamas « islamique » reprend alors la « libération de la Palestine » à son compte.


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C’est en 2004 que le Hamas participe à ses premières élections, les municipales. Mais c’est pendant les législatives de 2006 qu’il obtient sa première victoire. Il obtient 74 sièges contre 45 pour le Fatah sur un total de 132. Du jour au lendemain, l’aide internationale est bloquée, les salaires ne sont plus versés, Israël se fait plus menaçant, et les occidentaux mettent en garde le futur gouvernement qui devrait, selon la Loi fondamentale du proto-Etat, être dirigé par un représentant du parti dominant : le Hamas donc. Mais la vieille garde du Fatah héritière de Yasser Arafat, mort en 2005, n’entend rien lâcher et refuse de se mettre sous ses ordres. Une guerre civile éclate entre les deux mouvements. Il y aura 600 morts. 

Le 8 février 2007, sous l’égide de l’Arabie Saoudite, les deux parties s’entendent dans le cadre de l’accord de la Mecque. Le Premier ministre sera bien issu du Hamas, mais les quatre ministères sensibles, dont les ministères de la Défense et des Affaires étrangères, seront attribués à des indépendants. Le Hamas aura six ministres, et le Fatah quatre. Les rues de Palestine sont en liesse, la réconciliation est actée. De leurs côtés, l’Europe se dit « prudente », les Etats-Unis sont silencieux et Israël est furieux. Le gouvernement tiendra cinq mois, car les troubles recommencent. En juin 2007, le Hamas prend le contrôle de la bande de Gaza. Mahmoud Abbas, président de l’OLP, dissout le gouvernement d’union et nomme un indépendant au poste de Premier ministre. La rupture est actée, la Loi Fondamentale n’est plus respectée et depuis, il existe deux Etats en Palestine : la Cisjordanie, contrôlé par le Fatah, et Gaza, par le Hamas.

Le 27 décembre 2008 à 10h30, l’opération Plomb Durci est lancée par Israël et s’achèvera 21 jours plus tard, la veille de l’investiture de Barack Obama. On dénombre 1300 morts du côté palestinien, 13 du côté israélien. Depuis 2007 le blocus commercial est total. Au Sud, sous la pression de la rue, Moubarak ferme les yeux sur les tunnels de contrebande. Entre 2008 et 2012, les missiles répondront aux roquettes, les menaces aux injures, et les morts aux morts.

Un destin géopolitique hors du commun mais une erreur fatale

Le Hamas est une organisation religieuse, politique et nationaliste. N’ayant pas peur des contradictions, sa charte délimite ses ambitions à un cadre strictement palestinien. Toujours membre des Frères musulmans (article 2), ils tendent la main à leurs concurrents politiques du Fatah « tant qu’ils ne font allégeance ni à l’Orient communiste ni à l’Occident croisé » (articles 24 et 25), et créent un paradigme religieux, territorial et communautaire (article 14) : « La cause de la libération de la Palestine tient à trois cercles : le cercle palestinien, le cercle arabe et le cercle islamique ».

Avant la guerre en Syrie, le mouvement était financé par le Qatar (sunnite), l’Iran (shiite) et la Syrie (laïque). Ses meilleurs alliés étaient les Frères musulmans en Egypte (sunnite) et le Hezbollah au Liban (shiite). A ce titre, cette organisation était en quelques sorte la « clef de voûte » du Moyen-Orient et, dans une certaine mesure, un facteur d’unité.

Mais alors que le mouvement soutenait Bachar el-Assad par loyauté, ils se sont retrouvés dans une situation intenable. Car Assad, l'allié historique, était en guerre ouverte contre les Frères musulmans, lui aussi allié du Hamas. Les Egyptiens condamnent Assad et le Hamas est alors tiraillé entre ses affinités confessionnelles naturelles envers les Frères musulmans et ses ambitions matérielles pragmatique envers l'Iran et la Syrie. Mais comme souvent, le cœur parle avant la tête.

Si le mouvement finit par condamner Assad en février 2012, c’est parce que la victoire des Frères musulmans en Egypte ne faisait aucun doute. Avec un tel allié à ses frontières, le Hamas pensait sûrement pouvoir se passer de ses soutiens iraniens et syriens. Condamnant donc le « dictateur » syrien, Ismaël Haniyeh a néanmoins officiellement remercié la République islamique pour son soutien politique et militaire lors de l’attaque israélienne sur la bande de Gaza, en novembre 2012, et n'empêche pas certains ténors de l’organisation de s’opposer à cette alliance.

Si le calcul politique semblait rationnel, l’histoire en a voulu autrement. Bachar el-Assad se renforce au pouvoir, l’Iran est sur le point de devenir un partenaire légitime des occidentaux et Morsi est renversé par un coup d’Etat militaire dont la première action vis-à-vis du Hamas a été de détruire tous les tunnels souterrains qui le reliait à l’Egypte. La bande de Gaza est asphyxiée, l’échec est total.

Un avenir sombre

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Considérée comme terroriste par Israël, les Etats-Unis et l’Union européenne, malgré le refus notable de Jacques Chirac, l’organisation est aujourd’hui dans une impasse. Dénuée d’alliés puissants, seul le Qatar reste mais se retrouve lui-même dans une situation difficile, un rapprochement avec l’Iran semble peu probable au vu des discussions sur le nucléaire, pas plus qu’avec l’Egypte de Sissi, qui considère les Frères musulmans comme une organisation terroriste. Le Hezbollah, replié sur des préoccupations nationales n’a pas été solidaire du Hamas pendant les événements en cours à Gaza. Les sources de financements se tarissent, la négociation avec le Fatah devient inévitable.

La réconciliation Hamas-Fatah est donc activement soutenue par le premier, comme voie de réhabilitation. Mais l’assassinat des trois jeunes Israéliens a changé la donne. Cet enlèvement ne profite pas au Hamas, qui ne l’a d’ailleurs pas revendiqué, pas plus que les roquettes tirées depuis la bande de Gaza alors qu’un gouvernement d’union était en place. Car comme toujours, la politique embourgeoise, et après quelques années de pouvoirs, le Hamas est contesté dans la bande de Gaza par des franges radicales. On y compte la présence de l'Etat islamique bien sûr, qui est lui purement militaire, du Hizb ut Tahrir, salafiste et essentiellement politique, ainsi que d’une myriade de groupuscules à la capacité de nuisance certaine. On estime que la branche armée du Hamas ne représente que la moitié des combattants à Gaza. Et il est possible, si ce n’est probable, que d’autres que le Hamas aient eu un intérêt à raviver les tensions avec Israël afin de décrédibiliser le Hamas, pour mieux prendre sa place. Aujourd’hui, le Hamas conditionne la trêve à la levée du blocus à Gaza, ce qui a été refusé par Israël.

L’Etat Islamique, une nouvelle donne ?

L’apparition d’un Etat islamique sunnite à cheval sur le Syrie et l’Irak peut-il changer la donne ? Car ce dernier soutiendra inévitablement le Hamas dans sa lutte contre Israël si il en a les moyens, ce qui semble toutefois peu probable à court terme. Mais si le Hamas accepte une telle alliance, alors la réconciliation avec le Fatah et le semblant de réhabilitation internationale en cours sera impossible. D’un autre côté, s’il ne l’accepte pas, le Hamas ne peut compter que sur une réconciliation avec le Fatah. Dans ce cas, il devra accepter les humiliations israéliennes et les conditions occidentales qui sont au nombre de trois : reconnaissance de l’Etat d’Israël, renoncement à la violence, reconnaisse des accords d’Oslo. Mais s’il l’accepte, sa base militante se détournera de l’organisation pour rejoindre des organisations plus revendicatives. L’histoire se répète…