Israël : « la chasse aux nègres »

14 Juin 2013


Une branche conservatrice juive d’Israël se livre à une stigmatisation de la population noire immigrée. Discriminations, manifestations xénophobes, ou même stérilisation des femmes, les noirs sont rejetés avec violence. Décryptage d'un Apartheid au cœur de l'État hébreu.


Des habitants de Tel-Aviv brandissent des pancartes « Retournez chez vous » en direction d'un jeune garçon noir. Crédit Photo -- Oren Ziv / ActiveStills
Après la chasse aux Palestiniens, Israël s’en prend aux Africains. Ils sont nommés « les infiltrés ». Le camp de Ketziot situé dans le désert contient 11 000 réfugiés. Un mur de sécurité longeant la frontière entre Israël et l’Égypte a été achevé l’année dernière et s’étale sur une longueur de 240 kilomètres. La très grande majorité de ces clandestins affluent de l’Afrique subsaharienne et, en particulier, d’Érythrée et du Soudan. Sur les 60 000 sans-papiers africains qui séjournent en Israël, 34 000 viennent d’Érythrée et 16 000 du Soudan.

« Effacer les ténèbres »

Depuis un an, des actes de violence commis durant des manifestations haineuses virent à une véritable « chasse aux nègres ». Des milliers d’Israélites affichent pancartes antinoires et scandent des propos xénophobes. Florilège : « Tel-Aviv est pour les Juifs, le Soudan pour les Soudanais », « Dehors les noirs ! », « Nous sommes venus pour effacer les ténèbres ».

Ils estiment, comme le dénoncent des partis nationalistes ailleurs en Europe, que les clandestins volent les emplois des nationaux tout en tirant les salaires vers le bas. De plus, ils ne s’estiment pas racistes, considérant que leur voisin égyptien n’accueille même pas ces sans-papiers. Ils ciblent aussi l'insécurité ambiante imputable selon eux aux Africains.

Ce climat attise les tensions entre communautés et pourrait entrainer des répliques. Dans d’autres villes du pays, on dénombre une série de viols de migrants africains à l’encontre de femmes israéliennes. Il n’en faut pas plus pour nourrir la verve des leaders des partis nationalistes qui exhortent leurs militants à vilipender et chasser la population noire d’Israël, la qualifiant de « cancer » de la société.

Des organisations non gouvernementales israéliennes tentent de calmer le jeu et de porter des messages de paix, plus en accord avec le passé de la population juive du pays. Problème, à travers son discours, le premier ministre Benyamin Netanyahou montre une certaine réticence à aider les Africains à s’en sortir : « Si nous ne faisons rien, ils seront bientôt 600 000. Ce phénomène est extrêmement grave et menace les fondements de la société israélienne, la sécurité et l’identité nationale ». Le premier ministre n’a cependant pas oublié de condamner les manifestations hostiles à la minorité noire.

En mars dernier, lors de la visite officielle à Paris du président israélien Shimon Peres, le syndicat français Sud-Rail a confirmé la mise en retrait de tout le personnel noir et arabe qui aurait dû former le protocole. Aucun salarié noir ne devait se retrouver près de la délégation israélienne. Ainsi, le contrôleur métis à bord du Thalys s’est vu refuser l’accès au wagon contenant les Israéliens. Une enquête interne a alors été ouverte pour savoir d’où provenait cette décision.

Stérilisation des femmes

Ce rejet de la population africaine par une frange d’Israéliens a eu de lourdes conséquences Un contrôle des naissances a été secrètement mis en place. Après de nombreuses suspicions, le gouvernement israélien a été forcé d’avouer que des doses d’un contraceptif longue durée ont été administrées, sous couvert de vaccin, à des Éthiopiennes à leur arrivée à la frontière, en échange d’une carte de résidence.

Le sérum injecté se nomme Depo-Provera. D’une durée d’action de trois mois, le contraceptif fonctionne grâce à une méthode hormonale. Au cours de la dernière décennie, cette méthode a entrainé une baisse de 50% de la natalité chez les femmes éthiopiennes. Un prototype de ce produit avait été réalisé aux États-Unis dans les années 1960 sur 13 000 femmes pauvres, et avait entrainé des maladies et quelques décès.

Ces dernières étaient des Falachas, des juives noires d’Éthiopie. Leur religion devrait, en accord avec les principes d'Israël, leur garantir l'accès à la nationalité israélienne.

« Nous sommes tous des réfugiés »

La communauté internationale a dénoncé ces exactions. Les États-Unis ont relevé des « manquements » dans le traitement de la population noire d’Israël.

Au-delà du devoir de terre d'asile auquel sont censés s'astreindre les pays occidentaux en conformité avec les principes directeurs de la charte des Nations Unies, il parait assez paradoxal de voir Israël tenir un tel discours. Peut-être faut-il y voir une conséquence de la politique de Netanyahou.