Israël : si près, si loin... (2/2)

Hélène Gully
15 Mai 2014


Terre de paradoxes et de préjugés, pour comprendre Israël, il faut s’y confronter. Authentique laboratoire de contrastes, la Terre Sainte ressemble à un kaléidoscope de cultures et d’influences, dérogeant aux lois d’une réalité manichéenne. Morceau de terre disputé, méprisé ou sacralisé, la Terre sainte est aussi maudite. Carnet de voyage d’un œil incorruptible et curieux.


Crédit Hélène Gully
Jérusalem joue un rôle particulier dans l’histoire de l’humanité. « Capitale éternelle » d’Israël proclamée par la Knesset en 1980, Jérusalem reste une ville de coexistence. Les frontières sont symboliques mais elles se perçoivent. Jérusalem Est est musulman, les foulards couvrent la tête des femmes, l’ambiance est indicible. La vieille ville abrite un labyrinthe de pierre où l’on prend plaisir à s’égarer. Les échoppes sont mitoyennes, les marchands fument et observent les passants ensemble. Au détour d’une rue on découvre les aspérités et disparités des quatre quartiers : arménien, musulman, chrétien et juif.
 

Crédit Hélène Gully
Le mur des Lamentations attend patiemment qu’on vienne le toucher. L’énergie qui se dégage de ce lieu saisit les tripes, la ferveur émeut le plus agnostique des passants. Même constat pour l’esplanade des mosquées à laquelle on accède en présentant son passeport. Dans ce monde parallèle, des groupes de femmes chantent « Allahu akbar » pendant que la police palestinienne surveille les agissements des uns et des autres et que des gosses jouent et se courent après. Ici, les prières et le Dieu sont différents.
 
Les murailles de la vieille ville ne pouvaient plus contenir la population de Jérusalem et les gens ont donc occupé les diverses collines calcaires qui entourent la ville berceau. La ville moderne reflète mieux l’Etat d’Israël où siège la Knesset, les musées, les institutions. Le religieux et le politique se métissent. 

Bitume et mer d'huile

Crédit Hélène Gully
La route 90 est un trait noir tiré sur une histoire indécise et sur un territoire confiné entre des frontières confuses. La Cisjordanie est une terre morcelée, une douce mosaïque dont les tessels sont régis par différentes autorités. Cependant, aucune des disparités idéologiques et politiques n’ont pu altérer la beauté de ce désert. Ici et là, les hommes ont peuplé le territoire aride pour se l’approprier, n’en déplaise aux voisins. Le chemin d’asphalte continue jusqu’à la mer Morte.

Crédit Hélène Gully
Frontière huileuse entre la Jordanie et l’Israël, aujourd’hui, la mer morte est à l’agonie. Elle s’évapore et disparaît, à force de dessèchement, de destructions, de tourisme à outrance, de surexploitation du Jourdain. Elle aurait perdu un tiers de sa superficie ces cinquante dernières années. Située bien au dessous du niveau de la mer, elle est le point le plus bas de la terre. Certains morceaux de la rive sont dotés d’infrastructures pour permettre aux baigneurs de tester le mythe de la mer salée. Les consignes sont strictes, les gens prudents, l’expérience amusante.

L'art et la frontière

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Allons voir cette Palestine voilée par le Mur. Checkpoint de Bethléem : Bansky y a peint une colombe protégée par un gilet par balle. Le viseur d’un fusil est pointé sur elle. A l’intérieur du territoire escamoté, le béton s’adoucit par la beauté subversive des graffitis qui le décorent. Le rempart est contesté par les pigments insolents. Ce plaidoyer pictural devient un contraste cynique avec l’austérité et le rigorisme du mur-frontière.

Crédit Hélène Gully
Israël condense tout et son contraire. Elle est un malentendu médiatique, une autre réalité que celle transmise par les préjugés frileux. Incontestablement zone de conflit, Israël est aussi une terre d’excursion, de pèlerinage, d’échange, de contraste, de métissage et de découverte. La religion n’est pas le seul argument d’un tourisme florissant. Sublime pont entre l’occident et l’orient, Israël est une alchimie d’influences.