L'Angleterre, «un clodo raciste qui pue»

Clara Mazuir et Jeanne Massé
1 Février 2013


« Venez donc et nettoyez les toilettes », tel est l'un des slogans de la campagne qu'envisage de mener le gouvernement Cameron auprès des migrants bulgares et roumains. Afin de les décourager de traverser la Manche, l'humour anglais s'est emparé de ses meilleures cartes. Or, elle n'a pas été vivement accueillie dans les pays concernés. À travers cette campagne pour le moins originale, la Grande Bretagne réaffirme son célèbre euroscepticisme.


Le Premier ministre britannique, David Cameron, a affirmé qu'il soutenait la tenue d'un référendum relatif à la renégociation des liens entre la Grande-Bretagne et l'Union Européenne.
« S'il vous plaît, ne venez pas en Grande-Bretagne. Il y pleut tout le temps et les jobs sont aussi rares que mal payés. » Un projet de campagne culottée du gouvernement Cameron afin de dissuader les ressortissants bulgares et roumains de s'installer en Angleterre.

Londres suit les traces de Berne, auteur de la vidéo en 2007 du même genre, mais pour décourager les migrants du Nigeria et du Cameroun de venir en Suisse. À l'aide de messages plus que concrets, des ministres du gouvernement britannique envisageraient de réduire l'immigration en Angleterre, selon le journal The Guardian. Ce même journal a invité ses lecteurs à jouer le jeu et à envoyer leurs propres créations. Et les Britanniques ne sont pas à court d'idée. « La Grise-Bretagne est un clodo puant, humide et raciste ! La France est encore pire... Mais ils ont des alcools meilleurs et moins chers. » Un ministre britannique a précisé que l'objectif était de « prévenir que les rues ne sont pas pavées d'or. » Des mesures de dissuasion sont prévues pour accompagner cette volonté d'enclaver le pays face à l'immigration, telles que le renvoi de tous ceux qui ne trouveraient pas de travail dans les trois premiers mois suite à leur arrivée. Avec l'ouverture des frontières à la Roumanie et à la Bulgarie, certains restent sceptiques face aux flux d'immigration. Le député conservateur Philip Hollobone en fait partie. Selon ses dires, le pays devrait s'attendre à l'arrivée de 425 000 ressortissants.

Un pas de plus vers la sortie de l'UE

Une triste campagne de pub, qui fait écho à un euroscepticisme croissant en Grande-Bretagne. Le 23 janvier dernier, David Cameron lançait une question brûlante aux Britanniques : l'opportunité de choisir leur futur dans l'Union européenne (UE). En proposant prochainement un référendum sur la sortie de l'UE à son peuple, le Premier ministre répond à une demande pressante de ses concitoyens. Historiquement, les relations entre les Britanniques et l’Union européenne ont toujours été tendues. Et la Grande-Bretagne n'a jamais été aussi proche de claquer la porte de sortie. Déjà, en novembre dernier, David Cameron menaçait d'opposer son véto lors du sommet pour le budget européen. Un acte symbolique, mais qui n'est rien à côté de la menace brandie depuis quelques semaines par le patron des « Tories ». Ces actions traduisent les doutes constants des Britanniques face à l'organisation européenne, et ne sont pas sans rappeler un certain « I want my money back » de Margaret Thatcher. Si David Cameron tente de rassurer les esprits enflammés en affirmant après son discours clé, « je ne veux pas quitter l'UE, je veux réformer l'UE », le choc s'est déjà propagé en Grande-Bretagne. Quelques années auparavant, le chef du gouvernement britannique excluait tout référendum d'appartenance à l'UE. Mais il doit désormais réussir à concilier un euroscepticisme extrême, et les pro-UE.

Une vague extrémiste dans les urnes

Nigel Farage fait de la sortie de l'UE le fer de lance de son programme politique.
La crise oppressante n'aura fait que conforter les eurosceptiques. Nigel Farage et son parti UKIP (United Kingdom Independence Party) a su saisir l'occasion. Il fait de la sortie de l'UE le fer de lance de son programme politique. Très souverainiste, son programme prévoit même le gel de l'immigration pendant cinq ans. Et, surprise générale lors des législatives anticipées de novembre 2012, l'UKIP distance le parti conservateur dans deux des trois circonscriptions concernées. A Rotherham, il culmine même jusqu'à 21,8%. L'extrémisme fait de l'ombre aux grands partis, et l'aile eurosceptique du parti conservateur de David Cameron fait pression sur les épaules du dirigeant. Nigel Farage, dont le parti ne récoltait il y a deux ans que 3% des suffrages, peut désormais se vanter de devenir la troisième figure du pays. Certains partis étiquetés extrémistes (comme le British National Party) profitent aussi de la vague de votes protestataires. Mais aucun ne rencontre l'engouement de l'UKIP, qui réussit à les fédérer sur une tendance de fond : sa croisade contre l'Union européenne. Le Premier ministre se doit donc de rattraper son retard, et se rapprocher des eurosceptiques.

Si le référendum avait lieu aujourd'hui, le Royaume-Uni quitterait l'Europe avec 53% des citoyens « pour ».