La ligne Lyon-Turin en passe de faire dérailler le sommet

25 Novembre 2013


Enrico Letta et François Hollande ainsi que de nombreux membres des deux gouvernements se sont rencontrés le 20 novembre à Rome, dans le cadre du 31ème sommet franco-italien. Au menu : union bancaire, politique de défense européenne, Moyen-Orient et immigration, et bien sûr la ligne à grande vitesse Turin-Lyon.


Crédits photo -- AFP
C’est à 16h30 mercredi dernier, que François Hollande a été accueilli par le Premier ministre italien Enrico Letta au Palais Madama de Rome. Le Président français était accompagné de 10 ministres du gouvernement, signe de l’importance que voulait donner l’Elysée à cette rencontre. Le but était de revenir sur les grands thèmes qui lient les deux nations, mais aussi de préparer la présidence italienne de l’Union européenne au deuxième semestre de 2014, en abordant les sujets importants pour l’UE : la politique de défense commune, le projet d’une union bancaire, le processus de paix au Moyen-Orient et la situation humanitaire en Syrie.

Deux accords bilatéraux ont par ailleurs été signés en fin d’après-midi, l’un dans le domaine des télécommunications entre les Postes Italiennes et Eutelsat, l’autre dans le domaine spatial entre les sociétés Esa-Elv et Arianspace. Un dispositif d’aide aux PME, mis en place conjointement par les caisses des dépôts et consignations française et italienne, est également en cours de négociations.

« Réorienter l’Europe de l’austérité vers la croissance »

Est-ce le début de la création d’un nouvel axe franco-italien face à l’Allemagne ? Les deux présidents ont déclaré que « la France et l'Italie [étaient] deux grandes économies, qui se modernisent et prennent leurs responsabilités pour donner à l'Europe une nouvelle ambition politique, pour réorienter l'Europe de l'austérité vers la croissance ». Ils ont par ailleurs convenu de « faire l'union bancaire maintenant pour maîtriser le système financier et protéger les Européens des crises bancaires » et se sont prononcés pour une « adoption en décembre du mécanisme de résolution des banques défaillantes et la possibilité de recapitalisation directe des banques par le Mécanisme européen de stabilité ». Deux sujets sur lesquels la chancelière allemande Angela Merkel semble être plutôt réservée.

Les deux présidents plaident pour la désignation d’un poste de président de l’Eurogroupe à plein temps et ce dès la fin des élections européennes de 2014. Il superviserait les réunions mensuelles des ministres de l’Economie de la zone euro.

« La ligne grande vitesse est une priorité »

Malgré une mobilisation qui ne désamplifie pas des deux côtés de la frontière et après les dernières manifestations du 16 novembre à Suse (Italie), le Premier ministre italien a déclaré que « la ligne à grande vitesse était une priorité » et qu’il fallait « aller de l’avant, pour atteindre les échéances prévues ». Alors que les deux chefs d’État se rencontraient, des heurts avaient lieu dans le centre-ville de Rome où 600 manifestants « No TAV » se réunissaient. Rappelons que lors du précédent sommet franco-italien qui se déroulait à Lyon en décembre 2012, des incidents similaires s’étaient produits. Enrico Letta s’est excusé auprès du président français en indiquant qu’il ne fallait pas céder. La ligne Turin-Lyon fait partie d’un axe stratégique entre les deux pays, axe qui pourrait se solidifier grâce à la création de la ligne Turin-Cuneo-Vintimille-Nice.

Le Sénat français a voté en faveur de l’accord franco-italien sur la réalisation de la ligne ferroviaire Turin-Lyon dans la nuit du 18 au 19 novembre. Le feu vert du Sénat italien est attendu dans les prochaines semaines. « Les travaux pourront être engagés fin 2014, début 2015 », a déclaré François Hollande. La mise en service du projet n’est pas prévue avant l’année 2030 et doit permettre de réduire le temps de trajet Milan-Paris de 7 heures actuellement à 4 heures. Il est jugé inutile et extrêmement coûteux par les opposants : 8,5 milliards d’euros.

D’autres thèmes ont été abordés durant la conférence de presse. L’épineux dossier de la recapitalisation d’Alitalia à laquelle Air France-KLM a décidé de ne plus prendre part : François Hollande a déclaré laisser la porte ouverte à de nouvelles négociations, les inquiétudes sur la situation humanitaire en Syrie et le nucléaire iranien, ainsi que le thème de l’immigration, où les deux chefs d’État se sont prononcés en faveur d’une politique et d’actions communes de l’Europe face à l’entrée de migrants clandestins à Lampedusa. Cette rencontre marque le beau fixe des relations franco-italiennes dans de nombreux domaines alors que le sujet de la ligne à grande vitesse reste extrêmement sensible de part et d’autre de la frontière.



Etudiant à Sciences Po Paris, j'ai écrit sur l'Autriche, l'Italie et d'autres sujets qui me… En savoir plus sur cet auteur