Le grand défi de l’indépendantisme catalan

Iñaki Aguirre Pérez, traduit par Fanny Lutaud
26 Septembre 2015


Ces derniers jours, la Catalogne est de nouveau au cœur des débats. À la veille des élections autonomes, elle se prépare à affronter un nouvel épisode dans son conflit historique avec le gouvernement central du pays. Après trois ans de confrontation intense, il se peut que le processus souverainiste catalan soit proche du sommet, quel qu'en soit le dénouement.


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Samedi dernier, près d’un million et demi de catalans sont sortis dans les rues pour célébrer la Diada, la fête nationale catalane. Devant des centaines de médias internationaux qui étaient venus dans la ville pour l’occasion, le peuple catalan a cette année encore hissé le drapeau indépendantiste, l’estalada, pour exiger avec plus de force que jamais, le droit à l’autodétermination de son propre territoire.

Dans une semaine, ces mêmes citoyens se rendront aux urnes pour choisir le nouveau gouvernement autonome de la Catalogne lors des élections anticipées. Il ne fait aucun doute que la file d'attente sera longue, puisque les principales forces indépendantistes qui se présentent, Junts pel Sí et Candidatura d’Unitat Popular, apportent une valeur plébiscitaire à ce rendez-vous électoral.

Référendum du 9 novembre

Les catalans s’étaient déjà rendus aux urnes dix mois auparavant pour se prononcer sur l’indépendance de la Catalogne. Ce vote s’était réalisé par l’intermédiaire d’un référendum, que le gouvernement espagnol était parvenu à pénaliser par le biais du Tribunal constitutionnel. Le référendum avait ainsi été déclaré anticonstitutionnel. Cette fois-ci, le gouvernement n’a pas pu éviter que les indépendantistes convoquent un deuxième référendum, organisé trop vite pour être interdit.

Malgré son manque de valeur juridique, plus de deux millions de catalans, soit 37 % de l’électorat, se sont rendus aux urnes pour exprimer leur opinion lors du référendum du 9 novembre. À la sortie, 80 % des votants se sont prononcés en faveur de l’indépendance de la Catalogne.

Réaction du gouvernement

Pendant ce temps, depuis Madrid, le gouvernement du Parti populaire a axé sa stratégie politique sur la criminalisation et le discrédit de la cause souveraine et de ceux qui la dirigent. Le 28 août dernier, à un mois des élections, la Garde civile espagnole a perquisitionné le siège de Convergència Democrática de Catalunya, le parti du président catalan Artur Mas, dans le cadre d’une enquête sur des soupçons de corruption auprès de la formation politique. Les souverainistes ont alors dénoncé la volonté du gouvernement espagnol d’« influencer ainsi la campagne électorale ». L’enquête est encore en cours.

Quoiqu’il en soit, il semble que les décisions du Parti populaire face au conflit avec la Catalogne ont provoqué le malheur des uns et des autres. Les voix pour l’unification sont nombreuses à accuser le gouvernement d’alimenter la cause indépendantiste avec sa mauvaise gestion du conflit catalan.
 
En 2012, peu de temps avant les élections autonomes de cette même année, le Ministère de l’Intérieur avait enquêté sur l’existence d’un dossier de police dévoilé par le journal El Mundo. Cette enquête associait également Mas, candidat aux élections, à des comptes bancaires en Suisse et à un délit présumé de trafic d’influences pour la perception de commissions illégales.

La coalition majoritaire Convergència i Unió est sortie gagnante de ces accusations, en remportant les élections, alors que les principaux partis indépendantistes (CiU, ERC, CUP et SI) ont obtenu ensemble 49,15 % des votes. Face à la menace de plus en plus forte d’un mouvement séparatiste majoritaire en Catalogne, le Parti populaire s’est depuis lors limité à souligner l’aspect non viable d’un état catalan indépendant, en se concentrant sur le processus anticonstitutionnel et l’hypothèse que le territoire serait en dehors de l’Union européenne.

Le parti Convergència assure que c’est « l’attitude centraliste du Gouvernement et son dénigrement de la Catalogne » qui l’a mené à ce stade. Selon Marc Guerrero, membre du Comité exécutif national du parti et candidat de Junts pel Sí, le problème se base sur « le claquement de porte reçu en guise de réponse aux multiples tentatives de négociation catalanes » et que « la souveraineté de la Catalogne, tout comme son autodétermination, n’ont pas été reconnues ».

Membre de l’Union européenne ?

Le risque d’être exclue de l’Union européenne est l’une des principales incertitudes provoquées par la possibilité d’une déclaration unilatérale de l’indépendance de la Catalogne. Jeudi dernier, par l’intermédiaire de l’un de ses porte-paroles, la Commission européenne en personne a précisé que « si une partie d’un État membre cesse de faire partie de cet État, parce que ce territoire devient un État indépendant, les traités européens cessent de s’appliquer à ce territoire. » Mais elle a également ajouté que « une nouvelle région indépendante, du fait même de son indépendance, deviendrait un pays tiers par rapport à l’UE et pourrait alors poser sa candidature pour devenir un membre de l’Union ».

Cependant, du point de vue de Junts Pel Sí, le parti considère que la sortie de l’UE ne sera pas menée à terme, en assurant que « le pragmatisme historique de l’UE s’adaptera à cette nouvelle réalité ». De ce fait, et malgré la force des déclarations de la Commission, Junts Pel Sí est persuadé que « l’État catalan sera un acteur européen de référence, et que ses sept millions d’habitants seront un actif du projet communautaire dans le sud de l’Europe ».

Selon les sondages, l’indépendantisme serait vainqueur en nombre de sièges

De leur côté, les sondages, publiés chaque jour, anticipent déjà l’éventuel résultat électoral du 27 septembre. Depuis une semaine, les baromètres du Centro de Investigaciones Sociológicas (qui dépend de l’État) montrent que l’intention de vote des catalans donne une majorité absolue des sièges à l’union des deux coalitions indépendantistes, avec seulement 43,8 % des votes. Un autre sondage réalisé par l’institut DYM, et publié dans le journal El Confidencial ce vendredi, accordait aux catalans un avantage majeur en nombre de sièges, qui assurerait leur majorité absolue et augmenterait le pourcentage d’électorat favorable à la création d’un état catalan indépendant à 49,9 %.

Le résultat sera certainement très serré. Dans tous les cas, il ne reste maintenant plus qu’à attendre et observer ce qu’il se passera dimanche, lorsque les catalans seront convoqués à voter pour leur futur.