Madrid : Un contrat six pieds sous terre

29 Juin 2013


Après la statue de Christophe Colomb habillée d’un maillot du FC Barcelone, l’Espagne continue de vendre son patrimoine à la publicité. Depuis le 1er juin, la station de métro Sol, la plus importante de Madrid, s’appelle désormais « Vodafone Sol ». L’opérateur téléphonique a signé un accord publicitaire de trois millions d’euros avec la capitale pour trois ans.


Crédit Photo -- Güero Vázquez
Lieu emblématique et point zéro de l’Espagne, la Puerta del Sol, au-delà d’être une importante zone touristique, est aussi la station de métro la plus fréquentée du pays avec plus de 65 000 personnes par jour. À l’origine, un contrat signé entre le groupe de télécommunication britannique et la communauté urbaine de Madrid afin d’accroitre les bénéfices de la compagnie de transports.

Ainsi durant trois ans, Vodafone sera partout : rames, vestibules, couloirs, sans oublier la mise à jour du plan de métro papier et digital ainsi que l’annonce vocale dans les wagons.

Mais le contrat ne s’arrête pas là puisqu’à partir du 1er septembre c’est l’intégralité d’une ligne de métro qui sera aux couleurs de Vodafone. « La Roja », ligne 2 du réseau madrilène se verra aussi rebaptisée « Linea 2 Vodafone ». Et cette fois, il s’agit de plus de 122 000 passagers quotidiens. Salvador Victoria, conseiller présidentiel et porte-parole de la communauté de Madrid a précisé qu’« avec cette campagne, le métro de Madrid obtient ainsi des recettes supplémentaires et alternatives à l’exploitation du métro afin que la subvention des transports publics coûte moins d’impôts aux Madrilènes ».

Et la population, qu’en pense-t-elle ?

« Ce que veulent les Espagnols, c’est moins payer. Ils s’adapteront très rapidement » déclare Salvador Victoria. Cette campagne fait cependant bel et bien grincer les dents de quelques-uns. Récemment installés, les nouveaux panneaux qui habillent Vodafone Sol font sans cesse l’objet de vandalisations.

Et si vous interrogez les passants sur la place, le malaise continu. « Ça ne me plaît pas, la station de Sol est historique depuis bien longtemps, et cette intervention marketing n’a tout simplement pas sa place ici », confie un Mexicain installé à Madrid. Pour Pierre, touriste français en vacances à Madrid «c’est la ville qui vend son âme. C’est faire une concession qui touche à la culture historique d’une ville, à son identité. Une telle collusion avec des milieux financiers est dangereuse. C’est brader un patrimoine qui est celui de tous les Madrilènes ».
C’est dépitée que Sandra, une Madrilène nous confie « C’est qu’une chose de plus. Aujourd’hui en Espagne, tout se vend et tout s’achète, même le patrimoine. Avec tous les problèmes qu’on a, à cause de nos politiciens corrompus, les gens ne s’étonnent plus de rien ici ».



Crédit Photo -- Güero Vázquez
Cependant pour Valvanera : « Ce n’est que passager, avant la station s’est aussi appelée Galaxy Sol pendant un mois [opération pilote de Vodafone Sol, organisée par Samsung pour le lancement du nouveau Galaxy Note, ndlr] et quand ça ne sera plus Vodafone ça sera autre chose. Pour ceux qui habitent ici, ça reste tout simplement Sol, et si cela peux aider la ville à payer ses dettes alors tant mieux ». Sur Twitter aussi, les réactions convergent toutes vers les mêmes constats : surprise, suspicions, voir scandale. Mais dans l’ensemble, les Espagnols ne sont plus attentifs à ce genre de mesures. En temps de crise, « le patrimoine n’est plus trop notre préoccupation », avoue Laura.

Une affirmation bien triste lorsque l’on sait que l’Espagne est le troisième pays le plus touristique au monde, grâce à un patrimoine qu’il ne cesse, malheureusement, de vendre. Et cela n’est pas près de s’arrêter puisque Victoria n’a pas oublié d’omettre « il nous reste 11 lignes de métro et encore bien plus de stations à proposer ».

Un phénomène marketing qui s’accroit

Madrid n’est pas la première ville à être séduite par le naming rights. Donner le nom d’une marque à un lieu, et principalement une station de métro, a déjà été mis en place à Dubaï. Là, pas de surprise, c’est Emirates Airlines qui a donné son nom. Il en est de même pour New York et bientôt Rio de Janeiro.

La ville de Londres est également en pleine négociation pour céder à ce type de parrainage, lui permettant de geler les prix des transports pendant au moins un an. Un avantage pour les Londoniens lorsque l’on connait les prix exorbitants des transports publics. Des avantages économiques certes, mais à quel prix pour le patrimoine et ces richesses jugées inestimables ?



Etudiante en journalisme et communication audiovisuelle à Madrid. Intéressée par tout, curieuse,… En savoir plus sur cet auteur