Miele ou le suicide cinématographique

29 Septembre 2013


Valéria Golino signe ici un film désagréable et décevant : sans assumer ses choix de symboles, l'histoire dérange sans pour autant provoquer des questions pertinentes. La réalisatrice semble ne pas accepter d'aller jusqu'au bout dans la logique de déconstruction qu'elle engage, comme symbole de la mort assistée.


Photo extraite du film
Il est toujours difficile de faire de l'art social ou politique, surtout de réaliser un tel film, avant tout divertissant pour la majorité des spectateurs. Miele s'attaque en plus à un sujet grave et complexe, l'euthanasie ou mort assistée. Interdite en Italie comme en France, la protagoniste du film, Irene, pratique l'euthanasie clandestinement, aidée dans la recherche de « clients » par un ami interne en médecine.

Persuadée du bien-fondé moral de son action, Irene alias Miele commence à souffrir de l'horreur monotone de son métier. Signes de surmenage plus psychosomatique que physique, palpitations et saignements de nez ne tardent pas à arriver. Son éthique a lâché avant son corps lorsqu'elle a rencontré un « patient » différent des autres. Cet homme d'âge mûr n'est pas atteint d'une maladie incurable qui transforme son quotidien en enfer. Il est en bonne santé, mais ennuyé de la vie et désire mourir sans douleur ni spectacle.

Cohérence du scénario

Trois axes plus ou moins antagonistes se développent et évoluent tout au long du film, avec, au centre, l'euthanasie. Il y a tout d'abord Miele dont le but est avant tout d'aider les malades à en finir avec cette douleur insurmontable.

Le décès de sa mère survenu dix ans plus tôt, elle décide alors de devenir médecin pour se battre contre l’impuissance de l'Homme face à certaines maladies et la douleur qu'elles procurent. Après deux ans de clivage universitaire, Miele laisse tomber ses études de médecine. Tout cela n'est pas dit explicitement dans le film, mais il est facile de comprendre les motivations de ce personnage.

Le patient, dépité et ennuyé par la vie, estime que tout le monde devrait avoir accès à cette mort douce et « digne ». Un désir d’en finir qui n’est pas du tout perceptible au premier abord. Certes, il veut mourir parce que la vie ne lui apporte plus rien, qu'il n'a plus goût à rien, mais cette absence n'est pas même remarquable. Il ne suffira pas même de sa rencontre avec Miele pour qu’il retrouve goût à la vie, ce qu'on voudrait pourtant nous faire croire. A l’écran, son suicide n'a pas réellement de sens, il ne symbolise pas non plus le vide de son existence.

Le dernier axe est enfin constitué par le spectateur lui-même. Les scènes d'euthanasie semblent en effet faites pour montrer à quel point cet acte est à la fois affreux et libérateur. Le scénario fonctionne par ailleurs sur un schéma classique, relativement efficace. Miele est confronté à un cas qui échappe à ses règles. Elle refuse d'être responsable de sa mort, mais, le concernant, son désir est plus fort. Il lui redonne cependant un peu goût à la vie et la libère de sa culpabilité en se tuant par ses propres moyens. Pour lui, elle n'est pas responsable du désir morbide de tous ces gens, bien qu'elle soit l'agent de la mort. Suivre son parcours à elle et non celui d'un malade ou d'un proche est aussi un élément original du film.

Un univers fermé

Avec un sujet tel que l’euthanasie, trop de partis pris, trop de pathos nuisent à la portée du film. Cette réalisation n’offre pas un monde qui se développe ensuite dans notre imagination, une fois la séance terminée. Des films d'auteur récents, comme Grand Central ou La Bataille de Solférino, sont réalistes mais offrent aussi un univers fictif à part entière que l'on peut investir comme on le souhaite. Ces films assument leurs esthétiques et leurs décisions narratives, contrairement à Miele qui n'accepte pas son motif principal, la déconstruction. La réalisatrice ne semble pas avoir eu d’angles fixes dans la conception de ce film : montrer la vie privée de Irene ou seulement son travail répétitif ? Ses proches devraient briller par leur absence, Irene n'a visiblement pas de soutien affectif. Qui sont-ils ? Pourquoi apparaissent-ils à cet instant précis ? Trop de questions sans aucune piste de réponse.

L’euthanasie est-il un thème propice à la création d'un univers et à l’imagination ? Si Miele montre quelque chose, c'est bien que la déconstruction est le motif principal de l'euthanasie. Elle la crée chez tous ceux qu'elle touche : opérant, euthanasié, famille, parfois de manière salutaire, sans prendre pourtant la forme radicale d'une destruction volontaire. Et la déconstruction n'est pas un motif cinématographique ou esthétique aisé à mettre en œuvre ou incarné. Miele ne fait que la mettre en images maladroitement, sans assumer de chercher à représenter le vide.