Migrants en Suède : « comme n'importe quel autre habitant »

21 Juillet 2016


La Suède a instauré depuis janvier dernier des contrôles à sa frontière avec le Danemark, ainsi que des mesures restrictives à l'automne 2015 qui s'ajoutent à une succession d'entraves à la circulation des personnes dans d'autres pays européens confrontés à la « crise migratoire ». Présentées comme une régression et un danger pour Schengen, ces mesures cachent les atouts d'un pays considéré comme ayant la politique d'asile la plus généreuse d'Europe.


Le pont de l'Öresund entre le Danemark et la Suède, où les contrôles sont effectués. Crédit : fab_a_paris / Flickr (licence CC)
Avec plus de de 160 000 demandeurs d’asile en 2015, la Suède est le pays de l’Union européenne qui accueille le plus de réfugiés par rapport à sa population (9,6 millions d’habitants). Le pays reçoit 13 % des demandes dans l'UE. Parmi les demandeurs d'asile, 38 % sont Syriens et 14 % Érythréens.

Le gouvernement a engagé pour 2016 1,8 milliard de couronnes (l'équivalent de 191 millions d’euros) destinés à l'intégration des réfugiés. L'exécutif suédois s'est donné l'objectif d'octroyer 2,6 milliards de couronnes (soit 274 millions d’euros) de dépenses pour ce poste en 2017. Les réfugiés doivent effectuer le voyage avec leurs propres ressources et déposer une demande une fois arrivés sur le territoire. Ils peuvent parfois attendre jusqu’à un an et demi avant de pouvoir obtenir un premier entretien et, si les conditions sont remplies, obtenir à terme un titre de séjour.

Ne sont pas compris dans ce calcul les « réfugiés des Nations unies », un contingent composé d’environ 1 900 personnes accueillies au titre du quota annuel de réfugiés suédois et dont la demande est déposée préalablement à l’arrivée dans le pays. Leur situation est étudiée par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Les réfugiés utilisant leurs ressources propres sont soumis aux règles applicables dans les droits européen et suédois, mais les motifs de demande d'asile ne diffèrent pas par rapport au contingent retenu par le HCR. 

Les réfugiés ne peuvent pas faire individuellement la demande auprès du HCR. L’instance onusienne, qui gère de nombreux camps de réfugiés, prend l’initiative d’estimer si une famille ou un individu issus de ces camps peuvent bénéficier ou non d’un nouveau pays d’accueil. Chaque pays détermine les critères qu'il estime prioritaires pour la sélection. En Suède, le regroupement familial est le principal critère retenu. L’Office national des migrations vérifie ensuite que les motifs de demande de protection soient conformes à la loi suédoise. Par la suite, l'institution effectue si besoin des entretiens supplémentaires avant de délivrer un titre de séjour permanent qui est émis avant le voyage vers la Suède.

« Pas de formation à part »

Tous les frais inhérents à l’accueil et aux transports des réfugiés du HCR sont votés dans le budget national suédois chaque année. Avant de planifier le voyage, l’Office national vérifie les places disponibles dans les communes ayant accepté de prendre en charge l’hébergement des réfugiés. Lorsqu'il est possible de constituer un groupe suffisamment large dans le pays d'origine, un programme de préparation avant le départ (Sverigeprogram) est organisé, conjointement avec l’Agence pour l’emploi. Il a généralement lieu sur 2 à 3 jours et comprend des ateliers de présentation et d'échange sur les institutions et les conditions d'accueil.

Les communes prennent également en main l’ensemble des formations à l'arrivée en Suède, comme les cours de langue suédoise ou d’introduction à la société – un module de 60 heures présentant le système de santé, les droits sociaux ou encore les opportunités économiques du pays. Ces enseignements entrent dans le cadre d’un plan d’insertion donnant lieu à une compensation financière versée par l’État après deux ans au maximum. Les enfants intègrent les écoles suivant le même parcours que les autres enfants suédois et ne bénéficient pas de formation à part.

L’Office des migrations insiste sur le fait que les réfugiés bénéficient des mêmes structures et des mêmes avantages sociaux que n’importe quel autre habitant des communes suédoises. Les réfugiés sont d’ailleurs considérés à ce stade comme résidents suédois et non plus comme réfugiés du HCR. Selon l’institution, le chemin pour s’insérer dans la société suédoise est ainsi « moins difficile et plus court pour ceux qui sont nouveaux en Suède ».

Programme de préparation mené par l’Office de migration (Migrationsverket), la commune de Ulricehamn et l’Agence pour l’emploi au camp de Al-Hol (Syrie). Crédit : Office national des migrations / ANGRE
Confié à des prestataires privés, le logement est souvent partagé quand il s’agit de personnes seules, les familles étant accueillies dans des appartements plus grands. Si les ressources du réfugié sont insuffisantes pour le loyer, il est admis à un hébergement gratuit en centre d’accueil.

Une avance considérable en Europe

Confronté à un afflux de demandes au deuxième semestre de 2015, avec près de 40 000 demandes enregistrées au mois d'août pour environ 5 000 en janvier, le pays a dernièrement été contraint de durcir sa politique d’asile, en multipliant les incitations à la réinstallation dans le pays d'origine comme une aide de 30 000 couronnes (l'équivalent de 3 200 euros) par adulte. Les autorités suédoises ont également introduit des contrôles à la frontière en novembre dernier. Une nouvelle loi sur l’accueil des demandeurs d’asile, entrée en vigueur en juin 2016 et censée être « provisoire » selon l’Office des migrations, retire la possibilité d’obtenir un titre de séjour permanent et instaure un titre provisoire d'une durée maximale de trois ans. 

Le Premier ministre Stefan Löfven lors d'un débat au Parlement européen en mars 2016, où il appelait à une réforme de la politique d'asile commune. Crédit : Pietro Naj-Oleari / 2016 European Union / European Parliament (licence CC)
La Suède dispose d’une avance sur l’accueil des réfugiés par rapport à d’autres pays de l’UE, aussi bien au vu de la proportion de demandeurs par rapport à la population résidente que des efforts consentis en terme d'accompagnement des demandeurs (aide à la famille et validation d'acquis pour la recherche d'emploi). En mars dernier, le ministre de la Justice et de l’Immigration Morgan Johansson demandait à certains pays européens un effort pour accueillir plus de réfugiés, visant des pays d'Europe centrale comme la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie et la République tchèque qui ont pris explicitement position contre la politique de quota de réfugiés souhaitée par la Commission européenne. Le Premier ministre Stefan Löfven a quant à lui appelé en séance du Parlement européen à une réforme de la politique commune d'asile, en proposant que l'UE supporte la demande d'asile afin que cette dernière ne repose plus sur les seuls États-membres.