Miss Russie 2013 : “une noiraude explosée de botox”

Jeanne Massé et Clara Mazuir
19 Mars 2013


Depuis quelques semaines, Elmira Abdrazakova, Miss Russie 2013 vit un calvaire. Si son sacre aurait dû combler cette jeune fille de 18 ans, elle affronte depuis son élection des insultes quotidiennes. En cause, ses origines. Née de d'une mère russe et d'une père tatar (peuple originaire de Sibérie), de nombreux internautes l'estiment indigne d'être le visage de la Russie.


« Une gitane ne peut pas être le visage de la Russie » trouvait-on écrit sobrement sur la page Vkontkate (réseau social russe) de la nouvelle Miss Russie, Elmira Abdrazakova. Croulant sous les critiques haineuses et racistes, la jeune Miss de 18 ans s'est retrouvée contrainte de fermer son compte, pourtant suivi par près de 90 000 internautes. Plus qu'un simple boycott d'une miss « non conforme », ces critiques réveillent des tensions intra-ethniques très présentes en Russie. Elmira fait partie du peuple des Chors (qui font eux-même partie des Tatars). Une communauté originaire de Sibérie, dont l'évolution a longtemps été réprimée, et qui est aujourd'hui toujours isolée du reste du monde (au début du siècle, plus de 70% de la population vivait en-dessous du seuil de pauvreté, en comptant les aides sociales). Les Chors ont vu, au cours des siècles, leurs intellectuels exécutés, et leur langue interdite. Si l'histoire n'est pas au point de se répéter, le débat que soulève Elmira cristallise un nationalisme russe inquiétant. Sur sa page Vkonkate, un commentaire haineux soulève notamment l'idée d'une loi interdisant « aux femmes tatares et à celles de l'ethnie Chors » de participer à des concours de beauté. Pendant que d'autres mentionnent le complot : « ils ont commencé à nous inculquer la tolérance à travers un modèle étalon de la beauté féminine en changeant notre conception de l'apparence que “Miss Russie” doit avoir », et n'oubliant pas de fustiger sa prétendue foi musulmane ou de l'accuser d'avoir eu recours à la chirurgie esthétique.

Elle prend la défense des Pussy Riot

Si la jolie brune a été victime de racisme, elle n'a pas flanché pour autant. Après avoir clôturé sa page sur le réseau social, elle s'est exprimée à la radio Rousskaya Slubja Novostey, à propos des Pussy Riot, le groupe punk russe anti-Poutine. Elle a affirmé que « la peine qui leur a été infligée est trop sévère », les membres du groupe ayant été inculpées pour « hooliganisme » et « incitation à la haine religieuse ». Les Pussy Riot avaient chanté une prière punk dans la Cathédrale de Moscou en février 2012, dénonçant ainsi la politique Poutine. Elles avaient été condamnées à une peine de prison ferme.
La jeune Miss a tout de même précisé qu'elle avait étudié « dans une école religieuse (orthodoxe) » et que, « l'Eglise est quelque chose de sacré ». Selon la lauréate du concours, un débat avec les punkettes aurait été envisageable, « pour changer leur conception du monde ». Et plus adéquat que de les jeter au goulag. Toutefois, cet acte lui paraît inacceptable, puisque elle considère un temple comme un lieu saint.
Si Ekaterina Samoutsevitch, membre du groupe, a quitté le camp de travail où elle avait été envoyée, la demande de mise en liberté de Nadejda Tolokonnikova devrait être examinée sous peu. Quant à la troisième punkette, Maria Alekhina, aucune libération en vue.

C'est donc par cette déclaration surprenante  (NDLR : le comité n'encourage pas les Miss à s'engager) qui vient ponctuer cette affaire. Et pour une fois, ce n'est pas un scandale de vidéo en tout genre. Entre les déclarations de haine qui lui sont clairement adressées et ses prises de position risquées, la jeune fille se prépare à affronter une année riche en émotions. Mais elle peut s'assurer du soutien de quelques personnalités russes, comme la bloggeuse et journaliste Anastasiya Karimova, qui écrit : « Des fleuves de saletés xénophobes ont été déversés sur Elmira Abdrazakova mais elle peut se consoler en sachant que sa victoire a encore une fois crevé un vieil abcès. Sois forte Elmira! »