Nigéria : Boko Haram, le chat noir de l'investissement

Clotilde Alfsen
15 Octobre 2013


Une forte croissance économique, du pétrole à portée de main et un potentiel agricole considérable, le Nigéria dispose de ressources non négligeables. Seules ombres au tableau : un manque d'infrastructures et la présence du groupe terroriste Boko Haram au nord du pays. Le Journal International a rencontré Virginie Poncet, représentante de la Banque Publique d’Investissement.


Crédits photo -- Gabonews
Fin septembre, le groupe terroriste nigérian Boko Haram attaque un collège dans le nord-est du pays et tue 70 étudiants pendant leur sommeil. Ces attaques contre les universités ou les lycées ont eu lieu de manière récurrente ces derniers mois. Boko Haram voudrait ainsi punir les civils qui soutiennent l’action militaire du gouvernement. En effet, depuis le mois de mai, l’armée mène une offensive dans cette région et fait de plus en plus reculer le groupe vers le nord-est du pays. Cette attaque révèle néanmoins l’incapacité matérielle de l’armée à défendre l’ensemble des civils.

La présence de la secte fondamentaliste sur le territoire finit par avoir des répercussions économiques : des investisseurs de premier plan annoncent des ventes en baisse, une érosion sensible de leurs marges et un nombre croissant d’employés quittent le nord du pays.

Un fort contraste entre le Nord et le Sud

Le Nigéria est une fédération de 36 Etats. Il existe un important contraste de développement entre le nord et le sud du pays : un différentiel de 15 points sépare les deux régions. La présence de Boko Haram effraie les investisseurs. En septembre dernier, Obama a rappelé au président nigérian Goodluck Jonathan, que cette présence terroriste pouvait mettre en péril le partenariat privilégié avec les Etats-Unis. Le nord du pays est pauvre, et le système éducatif est inefficace, alors qu’au sud du pays, la bande côtière est en plein développement.

C’est au sud que se réunissent les industriels et que se développe la classe moyenne supérieure qui est estimé à 20 millions de personnes (pour un total de 170 millions d'habitants). Cette classe moyenne pourrait faire du Nigéria une future puissance émergente du continent. 75 % de cette classe moyenne possède un diplôme de l'enseignement supérieur et représente 27 % du nombre d’internautes sur le continent. Le Nigéria se place avant l’Egypte et l’Afrique du Sud en matière d’activité sur Internet. Cependant, les inégalités ont tendance à être plus fortes depuis 2004. Les régions où l’indice de pauvreté est le plus faible sont aussi celles où les inégalités sont les plus fortes.

Future première puissance du continent ?

Le Nigéria a un potentiel économique considérable. Avec une croissance de 7 % en 2013, il est la 2e puissance sub-saharienne après l’Afrique du Sud, notamment grâce au pétrole qui représente 1/3 du PIB nigérian. Fin septembre, Virginie Poncet, représentante de la Banque Publique d’Investissement, membre de la délégation ministérielle de Nicole Bricq, la ministre française du Commerce extérieur, au Nigéria. Elle explique les difficultés économiques du Nigéria.


D’après elle, « Le Nigéria est le 2e plus gros marché d’Afrique, les perspectives du Nigéria sont colossales, s’ils se débarrassent de leur problématiques liées au terrorisme». L’objectif de la BPI au Nigéria est de monter des fonds d’investissements mixes, ce qui a été fait en Chine et en Tunisie, pour financer à la fois les entreprises nigérianes qui s’implantent en France et les entreprises françaises qui s’implante au Nigéria. Cependant, pour que des entreprises françaises s’implantent au Nigéria, il faut que ces entreprises soient extrêmement matures, solides financièrement et familières avec le marché de l’Afrique de l’Ouest : « Monter une entreprise au Nigéria peut être très intéressant grâce de la croissance, mais pendant deux ans il ne se passe rien, il s’agit d’un coût en investissement très lourd. ». Le Nigéria reste un pays peu sûr au niveau sécuritaire, le risque des prises d’otages et l’instabilité liée à la présence de Boko Haram peuvent effrayer les investisseurs.

Démocratie et libéralisme insuffisant

Le Nigéria connaît une relative stabilité politique, il s’agit d’un système démocratique et libéral, influencé par le modèle Etats-Unien. Malgré cette stabilité politique, la corruption est toujours présente. Un investisseur doit systématiquement faire une étude précise de la banque avec laquelle il veut travailler, et ce, pour éviter les détournements. Et les infrastructures sont insuffisantes : « Ils ont une capacité électrique de 4,5MW alors qu’ils leur en faut 45 MW. Ils fabriquent de l’aluminium mais les entreprises réclament beaucoup d’électricité, s’ils veulent maintenir leur taux de croissance, ils sont obligés de multiplier leur capacité de production électrique. » Les routes et les trains manquent aussi à l'appel.

En ce qui concerne l’agriculture, le Nigéria n’a pas réussi à s’adapter à sa croissance démographique (170 millions d’habitants dont la moitié a moins de 15 ans). Les techniques d’agriculture sont restées élémentaires. Les agriculteurs travaillent encore à une échelle individuelle : « Les fermiers travaillent pour aller vendre leurs productions au marché d’à côté. La filière du poulet est très développée, parce que l’ancien Président de la République possédait une entreprise agroalimentaire, mais les autres sont délaissées, une coopération laitière n’aura pas les moyens de distribuer ses produits en raison du manque d’infrastructures. Dans l’élevage, comme il n’y a pas de moyens de transport, les troupeaux marchent sur l’autoroute. »

Le Nigéria suit un modèle ultralibéral influencé par les Etats-Unis. Le gouvernement est en attentes d'investissements et la croissance devrait permettre dans un second temps, le développement des universités, des infrastructures. Malgré son potentiel économique considérable, le Nigéria reste le seul pays producteur de pétrole qui ait un déficit budgétaire.