Pérou : découvrez la cuisine traditionnelle au Mistura

3 Octobre 2013


Mistura est la plus grande fête gastronomique d’Amérique latine. Du 6 au 15 septembre, 387 000 billets d’entrée pour le festival liménien ont été vendus. Pour ceux qui ont encore besoin d'être convaincus pour faire le voyage, le Pérou se découvre aussi par sa cuisine. Porte d’entrée : Mistura.


Crédits Photo -- Sylvain Godoc / Le Journal International
Le Pérou est connu pour ses paysages extraordinaires et pourtant sa cuisine merveilleuse fait plus d’un heureux. De plus en plus plébiscitée à travers le monde, le Pérou est élu meilleure destination culinaire d'Amérique du Sud en décembre 2012 (Travel Awards World). Véritable vitrine de cette cuisine, Lima reçoit tous les ans un festival culinaire de portée internationale : Mistura. Cette année, les gourmands avaient rendez-vous sur la Costa Verde, dans le quartier de Magdalena del Mar.

Mistura 2013

Le Pérou compte trois grandes régions: la Costa (côte), la Sierra (montagne), la Selva (jungle). Chacune d’entre elles possède sa propre influence et diversité culinaire. Pour rendre compte de cette extrême variété, le festival liménien était divisé en 15 mondes répartis sur plus de 10 hectares : le monde andin, le monde amazonien, le monde liménien, le monde du chocolat, le monde de la quinoa, le monde du café, le monde du Nord, le monde du Sud, le monde du ceviche (poisson cru qui baigne dans son jus de citron), le monde des anticuchos (brochettes de résidus de viande), le monde oriental, le monde des braises, le monde des sandwichs, le monde du pain et le monde des bars et tavernes. Chaque monde était composé de petits stands où s’afféraient les meilleurs cuisiniers venus des quatre coins du Pérou.

Pour digérer après avoir savouré une bonne portion, chacun pouvait aller faire un tour au Grand Marché et déambuler parmi ces 4500 m² d’étalages de produits locaux. Ou bien, avec de la motivation et de la patience, on pouvait également se mêler à la foule pour entrer dans le Grand Aquarium de 600 m², attraction originale du festival 2013 dont le thème était cette année « L’eau et les ressources hydro-biologiques ». Tous les jours, des animations ont eu lieu au sein de la structure temporaire liménienne. Danses folkloriques, conférences de grands chefs (présence du chef Alain Ducasse cette année), concours de dégustation, et activités culturelles diverses rythmaient les journées bien remplies au Mistura.

Afin d’encadrer au mieux cet événement et ainsi donner une image positive de Lima, la sécurité était maximale. Des snipers situés sur les hauteurs de la Costa Verde surveillaient le festival en contrebas. Des menaces d’attentats fleurissaient sur les réseaux sociaux autour du 11 septembre, jour de la venue d’entrepreneurs américains sur le festival. Heureusement, aucun incident majeur n'est à déplorer.

A savoir : ce monde idyllique de nourriture n’est pas gratuit. Aux 25 soles de l’entrée de cette année s’ajoutaient les 13 soles par portion. Bien que pour un Européen ou un Nord-Américain, le prix ne soit pas excessif (1 euro équivaut à 3,7 soles), ce n’est pas le cas pour un Liménien dont le salaire médian, le plus élevé du Pérou, atteint les 1324,20 soles (source : INEI- Encuesta Permanente de Empleo –  2012). N’imaginez même pas un Andin ou un habitant de l’Amazonie venir manger ici... Ainsi, même si le festival se targue d’être celui de « tous les Péruviens », il s’adresse dans les faits plus aux classes moyennes, aux franges aisées de la population et aux étrangers.

Une cuisine aux multiples légendes

Le festival séduit. Dans ce dédale savoureux, le public nombreux déambule et se presse de stand en table, puis de table en stand une fois la portion dévorée. Vivre pour manger ou manger pour vivre : personnellement durant ma visite, j’ai choisi la première option ! N’enlevant rien au plaisir de la chair, un petit rappel historique permet de mieux appréhender ce que l’on déguste. Chaque plat a son histoire. Tour d’horizon des porte-drapeaux de l’art culinaire péruvien.

La pachamanca (cuisson à l’intérieur même de la terre de viande et de légumes divers) créée il y a 1000 ans est un des plats de base de la cuisine péruvienne, à l’origine consommé par les Chimus, peuple andin pré inca du Nord du Pérou. Avec l’arrivée des conquistadors espagnols et de leurs oignons et citrons au XVe siècle, les Péruviens ont pris l’habitude de consommer le poisson cru avec ces nouveaux ingrédients (oignon et citron, pas le conquistador). Ainsi naquit le siwichi, aujourd’hui ceviche. Après l’établissement définitif des conquistadors, le commerce triangulaire a marqué une sombre période pour le continent. Des milliers d’esclaves, la faim au ventre, débarquèrent en bateau. Cuisinant les restes de nourriture avec de plus en plus de dextérité, ils donnèrent naissance aux anticuchos, sortes de brochettes frites de résidus de viande.



Préparation de la pachamanca | Crédits photo -- Sylvain Godoc/Le Journal International
Trois siècles plus tard débarquèrent les Chinois Coolie, travailleurs très pauvres qui venaient en tant que main d’œuvre pour les champs de sucre et de coton. Une fois installés, ils recevaient une tasse de riz pour leur travail. En le faisant frire avec de l’huile ou de la graisse, puis en y ajoutant des morceaux de poulet, de porc ou de poisson ainsi que quelques légumes, ils créèrent le désormais célèbre Arroz Chaufa (riz Chaufa), plat emblématique de la cuisine sino-péruvienne.

Un siècle de plus passa et arrivèrent d’autres immigrants, des Chinois aisés : les Cantonais. La cuisine à la poêle arriva avec eux et le lomo saltado, fruit du mélange de deux cuisines millénaires, apparut (émincés de filet de bœuf sauté accompagné de riz, oignons et patates).

Plus récemment, en 1950, un entrepreneur suisse, Roger Schuler, arriva à Chaclacayo. En observant sa cuisinière, il imagina une façon particulière de cuire le poulet. Ainsi naquit le pollo a la brasa (poulet braisé), plat le plus consommé actuellement au Pérou, loin devant le ceviche et le lomo saltado.

Pour accompagner tous ces bons mets, il faut une boisson. Le cocktail officiel du pays se nomme Pisco Sour. C’est un mélange de pisco, alcool local (40 degrés) issu de la fermentation du raisin, avec entre autres du jus de citron. Il fut inventé par un barman américain, dans les années 1920, Victor Vaughn Morris. Il était à l’origine destiné aux classes les plus aisées de Lima et aux étrangers anglophones. La recette finale est le fruit de multiples transformations avec des ajouts d’ingrédients comme du blanc d’œuf, idée de Mario Bruiget, à la fin des années 1920. A noter que le pisco est la base de nombreux autres cocktails locaux comme le Pisco Chilcano.

Ainsi, l’attrait de la cuisine péruvienne est dû aux influences de ses migrants qui jusqu’à aujourd’hui continuent de transformer les plats et de casser les codes, pour le plus grand bonheur de nos palais. Un exemple parmi tant d’autres sur le festival Mistura cette année : les anticuchos de pieuvre.



Etudiant à Sciences Po Bordeaux en deuxième année. Actuellement en mobilité à la PUCP, Lima,… En savoir plus sur cet auteur